Dans le monde de l’athlétisme, ils sont souvent perçus comme des extra-terrestres.  Après tout, ils s’adonnent à une discipline où ils doivent courir vite, sauter des obstacles et… se mouiller les pieds! Le 3 000 mètres steeple attire pourtant certains des plus grands athlètes de la planète. Leur course n’est pas simple puisqu’ils doivent effectuer sept tours et demi du stade et de la piste où se déroule la compétition. À chaque tour, les coureurs doivent franchir cinq haies fixes dont une suivie d’un fossé plein d’eau surnommé « la rivière ».

Alex GenestÀ l’origine, le steeplechase était une course pour chevaux qui se déroulait d’un village à l’autre. Cependant, une nébuleuse légende du XIXe siècle veut qu’un groupe éméché de cavaliers se soit lancé le défi, au retour de leur périple à dos de cheval, de le refaire à pied.  Ils auraient ainsi, grâce à leur ébriété manifeste, été à l’origine de cette course d’obstacles de demi-fond inscrite au programme olympique depuis les Jeux de Paris en 1900.

Au Québec, ils ne sont pas légions les athlètes qui s’adonnent et excellent sur 3 000 mètres steeple. L’un d’eux, Alex Genest, a dû s’exiler il y a quelques années à Guelph, en Ontario, pour avoir accès à un des meilleurs clubs d’athlétisme du pays, le Speed River Track and Field Club.  Son indéniable talent au steeple lui a permis de représenter le Canada aux Jeux olympiques de Londres en 2012 et de soutirer une très belle 13ème place.

À la suite de cette première expérience olympique, l’avenir s’annonçait prometteur pour le jeune homme de 28 ans qui avait déjà dans sa mire les jeux de Rio en 2016.    Mais l’année 2014 fut à ce point difficile physiquement et psychologiquement pour Alex qu’il dû arrêter son entraînement en raison  d’un épuisement professionnel.

Loin de s’en cacher, Alex a choisi de parler de son histoire pour inspirer tous ceux qui, comme lui,  ont eu à composer avec un burn out.  Il a même agit à titre de porte-parole de la plus récente campagne nationale Bell cause pour la cause, heureux de pouvoir dire que c’est possible de s’en sortir. Il a repris depuis peu l’entraînement à temps plein et envisage l’avenir avec optimisme.

« Ça va super bien, je suis de retour à 100% et à plein régime. La motivation est là et je n’ai pas de blessures. Je reviens d’un camp d‘entraînement de deux semaines au Texas.  Cependant, je me dois d’être honnête, il y a encore beaucoup de chemin à faire. J’ai hâte aux compétitions à l’extérieur et de faire du steeple. J’avais besoin d’un répit et c’est ce que j’ai fait pendant quatre mois. Lorsque je me sens un peu fragile, je n’hésite pas à prendre un petit recul et du repos. Je gère beaucoup mieux la fatigue maintenant », explique-t-il.

C’est un concours de circonstances qui a mené Alex vers le steeple. Son cousin, Michel Genest-LaHaye, et sa conjointe, Sonia Paquette, ont excellé en athlétisme. Sonia a participé aux Jeux Olympiques en 1996 au 100 mètres haies alors que Michel s’est presque qualifié pour les Jeux au 400 mètres haies. « Pour moi, c’était presque normal de me diriger vers les haies d’autant plus que mon père était un grand fan de mon cousin et de sa conjointe. Quand j’ai commencé l’athlétisme, c’était parce que c’était simple. J’habitais au Lac-au-Sable et  je ne possédais rien d’autre que mes souliers de course. J’ai commencé à sauter des haies dans le gymnase de mon école secondaire tout en m’adonnant à des sprints. Je n’étais pas super rapide. Remarque, ça aurait pu se développer, mais j’avais une plus grande affinité avec la distance. »

Alex précise qu’on ne commence pas le steeple avant d’avoir 15 ou 16 ans car c’est une course assez exigeante et même dangereuse puisque les haies ne tombent pas.   Au tout début, il s’était essayé au 60 mètres haies puis au 100 mètres haies, mais sans véritable succès. Il a donc opté pour la distance avec des courses telles que le 1500 mètres et le 3000 mètres. Ce fut concluant si bien qu’il a ensuite combiné les deux, les haies et la distance, pour obtenir le steeple. Alex Genest

Le coureur québécois juge qu’il est actuellement dans une forme lui permettant de courir un  3000 mètres steeple entre 8 minutes 30 secondes et 8 minutes 35 secondes.  « Pour atteindre le standard olympique, qui est à 8 min 26 sec, et battre d’autres compétiteurs, je devrai descendre à 8 minutes 21 secondes. Je sens que ça s’en vient. Je dois faire des entraînements très difficiles pendant quelques semaines et j’estime que ça va revenir rapidement. J’ai assez d’expérience pour comprendre comment ça marche. L’entraînement VO2max d’un 3000 mètres est extrêmement difficile. »

Alex Genest le dit ouvertement, il rêve d’une autre participation olympique, cette fois à Rio en 2016.  Il souhaite d’abord connaitre une bonne année 2015 pour retrouver sa forme et se rebâtir une confiance. Il entend prendre part aux Jeux panaméricains à Toronto en juillet, puis aux 15e championnats du monde d’athlétisme à Pékin en août. Il s’agit là de deux étapes importantes dans sa route vers les Jeux. Au passage, il aimerait bien s’emparer du record sénior canadien du steeple puisqu’il ne l’a jamais détenu, contrairement au record junior qui est toujours son bien. Son entraîneur ne cesse de lui dire que c’est possible et il le croit. 

« Si rien ne fonctionne pour moi cette année, je dois tout de même être indulgent et ne pas oublier que je n’ai pas eu de saison l’année dernière. Les prochains mois peuvent donc tout aussi bien servir à me bâtir une forme qu’à m’aider à réaliser quelles sont mes forces et mes faiblesses.  Chose certaine, si je travaille fort rien ne peut m’empêcher de me qualifier pour Rio », affirme-t-il confiant.

L’olympien se dit très encouragé par ce qu’il voit en athlétisme au Canada. Selon lui, le pays compte sur plusieurs bons athlètes en demi-fond qui s’entraînent autant que les Kényans et qui parviennent même à les battre à l’occasion. Il parle avec enthousiasme de lanceurs et sauteurs canadiens de même que d’un bon groupe de sprinters à Toronto. « Il y a une frénésie palpable à l’interne. On enregistre de bonnes performances mondiales, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années.  Plusieurs de nos athlètes sont capables d’atteindre le top 10 mondial dans leurs disciplines respectives. Lors du dernier championnat du monde, le Canada est allé chercher cinq médailles. Ca démontre que le sport est en santé au Canada. »

En contrepartie, Alex Genest ne dresse pas un portrait aussi encourageant de l’athlétisme au Québec. « Il y a encore beaucoup de travail et de développement à faire. Dans mon cas, je n’ai eu d’autres choix que de partir pour aller m’entrainer à Guelph, en Ontario. Mais j’aimerais tellement que nous puissions garder nos athlètes ici dans un centre conçu à cet effet mais je sais que ça va prendre beaucoup de travail! Un rêve », conclu-t-il.

Difficile de ne pas souhaiter le meilleur à un type aussi sympathique qu’Alex Genest. Grâce à sa grande générosité et à son empathie, il est devenu une inspiration pour de nombreuses personnes aux prises avec un épuisement professionnel. Le voici maintenant assuré plus que jamais qu’il peut retrouver sa forme d’antan et renouer avec de bons résultats en piste. Pour parvenir à Rio, il entend travailler extrêmement fort et à franchir les obstacles que la vie lui réservera d’ici là.

Mais ça, des obstacles, il a l’habitude d’en sauter. C’est sa passion, son sport.