Oscar Pistorius, en prison depuis octobre pour avoir abattu sa petite amie, n'en a pas fini avec la justice : mercredi, la juge qui l'avait condamné pour homicide involontaire a accepté que le procès soit réexaminé en appel où le sportif risque un verdict de meurtre plus sévère.

Le champion paralympique sud-africain, surnommé Blade Runner, le coureur aux lames, en raison des prothèses en carbone compensant sur la piste son handicap de naissance, a toujours affirmé ignorer que son amie était enfermée dans les toilettes de son domicile de Pretoria quand il a vidé son calibre 9 mm sur la porte la nuit de la Saint-Valentin 2013.

Quatre balles mortelles, tirées selon lui non pas pour tuer Reeva Steenkamp, un mannequin de 29 ans, ou qui que ce soit, mais parce qu'il se croyait menacé par un cambrioleur.

Toute la question est de savoir si l'athlète, sextuple médaillé d'or, avait conscience qu'il pouvait tuer quelqu'un, et aurait dû dès lors être condamné pour meurtre, ou si, au contraire, la juge a eu raison en septembre de décider qu'il avait seulement fait preuve de négligence.

« Dans ce dossier, nous avons à faire avec une affaire qui n'est pas simple », a déclaré la juge Thokozile Masipa, avant d'accepter que la Cour suprême d'appel de Bloemfontein (centre) vérifie si elle a correctement appliqué la loi.

De longs mois vont désormais s'écouler jusqu'à la révision du procès qui est une procédure écrite. Il y aura quelques audiences publiques, mais sans convocation de témoins, ni comparution de Pistorius à la barre.

Une famille sonnée

La procédure sud-africaine interdit de contester l'autorité de la chose jugée et le dossier ne peut pas être rejugé au fond.

L'appel doit être uniquement motivé par une erreur d'interprétation de la loi. Si c'est le cas, les juges de Bloemfontein pourront réécrire le verdict.

L'athlète, qui vient de fêter ses 28 ans en cellule, n'était pas présent à l'audience mercredi.

Sonnée, la famille Pistorius n'a pas souhaité réagir à chaud. « Nous prenons note de la décision de la cour et la respectons », a commenté Arnold, l'oncle chéri du champion.

Le père, Henke, auquel Pistorius est moins lié, a lui aussi balbutié qu'il ne dirait « rien du tout ». « La seule chose que je vais dire est que cela n'aurait pas dû aller si loin. »

En septembre, le verdict d'homicide involontaire rendu par Mme Masipa avait sidéré une partie du monde judiciaire, tandis que l'athlète avait pleuré de soulagement à l'audience.

« Notre argument était qu'il aurait dû être reconnu coupable de meurtre et ensuite condamné à une peine minimum de quinze ans, et c'est évidemment ce que nous souhaitons voir arriver », a réagi, satisfait, le porte-parole du parquet sud-africain Nathi Mncube.

« Pas un conte de fées »

Dans un raisonnement en deux temps, entretenant une forme de suspense et de confusion, la juge Masipa a d'abord refusé l'appel du parquet concernant la sévérité de la peine.

Cinq ans de prison pour homicide involontaire, ce n'est « pas choquant de légèreté », a-t-elle dit.

Elle a aussi refusé de prendre en considération l'opinion publique ou celle des parents de la victime. Dans un livre paru en novembre, June Steekamp, la mère, explique qu'elle était persuadée que la relation entre sa fille et Pistorius finirait mal car il était bien trop nerveux et que « tôt ou tard, il allait tuer quelqu'un ».

Puis la juge a accepté l'appel concernant le verdict, répondant à la demande du parquet soucieux de fixer la jurisprudence.

« Le précédent créé par le tribunal met la barre très bas, c'en est choquant », avait expliqué le procureur Gerrie Nel.

L'avocat Barry Roux, pour la défense, avait en vain accusé le procureur de remuer le couteau dans la plaie et de soulever, non pas un point de droit, mais les circonstances du drame, alors que c'est interdit.

En détention depuis le 21 octobre dans une aile médicalisée de la prison centrale de Pretoria, Pistorius peut voir sa famille 45 minutes par semaine, selon son frère Carl.

Même si ce n'est « pas un conte de fées » selon lui, sa célébrité et son handicap mettent le sportif à l'abri de la violence de certaines prisons sud-africaines surpeuplées.