Le rideau est maintenant tiré sur la 23e édition des Jeux du Canada. Une quinzaine sportive riche en émotions où près de 2000 athlètes des 13 provinces et territoires du Canada ont concouru au meilleur de leurs capacités pour leur drapeau.

Pour la très grande majorité de ces athlètes, cette compétition multisports était la première de leur carrière. Pour certains, l’expérience sportive d’Halifax sera la seule de leur carrière. Certains seront de retour en 2015. Certains feront un jour partie de l’équipe nationale. Certains prendront un jour part aux Jeux olympiques. Certains remporteront même un jour une médaille olympique. Peu importe leur parcours sportif, les athlètes se souviendront toujours d’Halifax 2011.

Les athlètes du Québec risquent de se souvenir longtemps de ces Jeux d’Halifax parce qu’ils ont offert des performances exceptionnelles. Avec une récolte finale de 137 médailles, dont 51 médailles d’or, les athlètes du Québec ont établi un record des Jeux du Canada, abaissant la marque de 135 réalisée en 1995 à Grand Prairie, en Alberta, par… le Québec.

Malgré la récolte record, le Québec a échappé le drapeau des Jeux, l’honneur d’avoir « remporté » les Jeux étant revenu à l’Ontario, qui termine deuxième au tableau des médailles avec une récolte de 110 médailles.

L’Ontario conserve son titre et remporte le drapeau avec une récolte de 312 points, contre 301 pour le Québec.

Encore une fois, la question à 1000$ que plusieurs athlètes et parents d’athlètes québécois doivent se poser à l’issue des Jeux. Comment peut-on établir un record des Jeux avec 137 médailles, devancer par 27 médailles son plus proche rival et terminer deuxième?

Comme je l’expliquais la semaine dernière, les organisateurs des Jeux accordent un maximum de 10 points par sport par sexe à la province (territoire) qui aura dominé tous ses rivaux dans le sport donné. Par exemple : un maximum de 10 points en planche à neige chez les garçons, 10 points en gymnastique chez les filles, 10 points en hockey féminin. Et 20 points pour les sports mixtes : patinage artistique, badminton, tennis de table, tir à l’arc.

Les organisateurs accordent donc une pondération égale à chaque sport, et ce, peu importe le nombre d’épreuves dans un sport donné : 10 points en nage synchronisée où il y a trois épreuves, 10 points en ringuette où il y a une épreuve, 10 points en patinage de vitesse où il y a 11 épreuves chez les garçons, 10 points en biathlon où il y a quatre épreuves chez les garçons.

Personnellement, c’est un peu le concept du quota de points par sport qui me fait décrocher. Pour moi, il est illogique qu’un sport où il y a 11 épreuves ait le même poids qu’un sport comme la nage synchronisée où il y en a trois. J’applaudirai le jour où chaque épreuve, pas chaque sport, aura le même poids. C’est selon moi la manière la plus juste de comptabiliser les points.

Le concept du drapeau est excellent. Accorder de l’importance à la performance générale d’une délégation et pas juste aux médailles. Accorder des points à l’athlète qui termine en 7e, 12e, 16e ou 20e. Certes, moins de points que celui qui remportera l’or, mais des points quand même.

Par exemple, au 10km sprint en biathlon masculin, l’Albertain Scott Gow a mérité 100 points pour sa médaille d’or, le Québécois Vincent Blais 91 pour sa 4e place, le Manitobain Kjell Schmidt 55 pour sa 31e place. En additionnant les points de tous les athlètes de chaque province en biathlon masculin, on obtient un total de 1023 points pour l’Alberta, 892 pour le Québec, 820 pour la Colombie-Britannique, 752 pour l’Ontario. Ayant fait mieux que toutes les autres provinces, l’Alberta remporte le biathlon masculin et obtient le maximum de 10 points. Le Québec, deuxième, obtient 9 points; la C.B., troisième, 8; l’Ontario, quatrième, 7, etc.

En additionnant les points par sport, l’Ontario remporte les Jeux avec 312 points. On obtient toutefois un résultat différent si l’on additionne les points obtenus dans chaque épreuve, comme dans l’exemple ci-dessus. En comptabilisant ainsi les points, nous accordons une importance égale à chaque épreuve et nous n’imposons pas un quota à l’excellence à une province dans un sport XYZ.

Donc, en comptabilisant tous les points obtenus par tous les athlètes dans chaque épreuve, le Québec totalise 19 787 points, l’Ontario 18 875, la C.B. 18 483, l’Alberta 18 097. Donc dans l’ordre : Québec premier, Ontario deuxième, C.B. troisième, Alberta quatrième. Et les top 10, eux? Québec 268, Ontario 234, C.B. 233, Alberta 217. Donc dans l’ordre : Québec premier, Ontario deuxième, C.B. troisième, Alberta quatrième.

Quel était donc l’ordre des quatre provinces ayant obtenu le plus grand nombre de médailles? Ah oui, Québec, Ontario, C. B., Alberta. Pure coïncidence ou plutôt reflet juste et équitable des résultats selon la performance, la force et la profondeur d’une délégation?

En fait, si le Québec a « perdu » les Jeux, ce n’est pas parce qu’il a excellé dans 19 sports, mais plutôt parce qu’il a mal fait dans un sport, le curling. Avec un total de 5 points sur une possibilité de 20, le Québec a fait très mauvaise figure dans ce sport. Dans la formule actuelle, quota de points par sport, le Québec doit absolument s’améliorer au curling, sinon, il risque d’attendre longtemps avant de rafler le drapeau des Jeux.

Dans 30 des 32 catégories donnant des points (sport par sexe), le Québec a terminé parmi les quatre premiers (11 fois 1er, 6 fois 2e, 7 fois 3e, 6 fois 4e). En curling féminin, il a terminé 12e; en curling masculin, 7e. Pour sa part, l’Ontario a terminé parmi les quatre premiers 31 fois sur 32. Son pire classement, une 7e place en tir à la cible féminin. Disons que ces deux septièmes places s’annulent, comme par magie. Le sort des Jeux pour le Québec s’est joué au curling féminin.

Si le Québec ne termine pas 12e sur 13 dans l’épreuve et si le patinage de vitesse courte et le patinage de vitesse longue piste étaient comptabilisés comme deux sports différents et non comme un seul (parenthèse, si on considère aux Jeux olympiques, en Coupe du monde et aux Championnats du monde que ce sont deux sports différents, pourquoi considère-t-on qu’il s’agit d’un seul et même sport aux Jeux du Canada… une autre incongruité du classement, à mon humble avis), le Québec devance l’Ontario et remporte le drapeau.

Mais bon, les organisateurs ont une vision différente de la mienne en ce qui concerne l’attribution des points drapeaux et je respecte cette vision. L’effort de valoriser autre chose que les médailles est louable et nécessaire dans un monde sportif où l’or, l’argent et le bronze sont bien souvent tout ce qui compte.

À Halifax, le Québec a encore une fois démontré que sa structure sportive et son financement n’ont ABSOLUMENT rien à envier à celle des autres provinces. La structure et le financement représentent un modèle à suivre et les autres provinces le savent. Le Québec va continuer à attirer les Jennifer Heil et Clara Hughes du Canada, les athlètes québécois vont continuer à remporter des médailles aux Jeux olympiques (rappelons qu’avant les Jeux de Vancouver, les athlètes québécois avaient contribué à 41 des 87 médailles olympiques canadiennes au cours des 30 années précédentes… à Vancouver 13 des 26 médailles canadiennes sont auréolées du fleur de lys… 50% des médailles alors que les Québécois comptent pour 23% de la population canadienne). Le Québec n’a pas besoin de gagner un drapeau pour savoir que son système fait l’envie de plusieurs.

Peu importe, drapeau ou pas, avec de telles performances, les athlètes du Québec savent, au fond d’eux-mêmes, que ce sont eux qui ont gagné les Jeux du Canada et ils peuvent individuellement tous être fiers de leurs performances.

Et ils ne sont pas le seuls… suffisait seulement de demander aux gens des autres délégations qui a réellement gagné pour savoir que le drapeau de l’Ontario est loin de faire l’unanimité.