(ESPN.com) - À Miami, par un inoubliable samedi soir, Roy Halladay a célébré à sa façon le week-end du Memorial Day aux États-Unis.

Les noms légendaires qui sont exposés sur les murs du Sun Life Stadium appartiennent généralement à des hommes qui ont gagné leurs vies en portant des épaulettes, non pas des casquettes de baseball.

Mais samedi soir, le grand Roy Halladay a ajouté son nom à un groupe différent de légendes. La liste des hommes qui ont lancé une des rares parties parfaites de l'histoire du baseball n'est longue que de vingt noms. Mais quand vous passez en revue les 19 joueurs qui ont accompli cet exploit avant que l'artilleur des Phillies ne blanchisse les Marlins, une chose vous saute aux yeux : pas beaucoup d'entre eux ont eu une carrière similaire à celle de Halladay.

Oh, Sandy Koufax figure sur cette liste. Et le nom de Catfish Hunter y est également inscrit. Et celui de Randy Johnson aussi.

Avant samedi, des 67 lanceurs qui avaient gagné le trophée Cy Young, seulement quatre d'entre eux (Sandy Koufax, Catfish Hunter, Randy Johnson et David Cone) étaient parvenus à lancer un match sans points ni coups sûrs.

Et pourtant, Don Larsen (81 victoires-91 défaites) a lancé un match parfait, tout comme Charlie Robertson (49victoires-80défaites) et Mark Buehrle (les frappeurs adverses ont une moyenne au bâton de .270 en carrière contre lui).

Quelquefois, un match parfait est réalisé par des artilleurs auxquels vous n'auriez jamais apposé l'étiquette « perfection » à leur uniforme avant qu'il ne flirte avec celle-ci lors d'une des journées les plus spéciales de leurs vies.

Halladay n'avait pourtant pas l'habitude de se rendre aussi loin dans une rencontre sans accorder de coups sûrs. Que non. Il ne l'avait pas fait depuis le deuxième départ de sa carrière, en 1998.

Parce qu'il lance tant de prises, Halladay a accordé près d'un coup sûr par manche au cours de sa carrière (2070 coups sûrs en 2 123 manches et deux tiers lancées avant samedi). Et puisque cette obsession d'un lancer/une prise lui est si importante, ils étaient nombreux à penser que Halladay ne connaîtrait jamais le genre de soirée qu'il a connu, samedi.

Reste que Halladay avait le profil idéal pour lancer un match parfait: tout ce qu'il fait, à chaque minute de sa vie, consiste à poursuivre la perfection.

Il est une créature différente qui se démarque, ces jours-ci, de la profession. Halladay est un monstre du monticule qui semble être sorti tout droit d'une machine à remonter dans le temps transportant à son bord un joueur avec la mentalité d'un lanceur qui aurait été très confortable s'il avait oeuvré en 1910.

Lors d'une journée, ce printemps, j'ai eu l'occasion de parler de Halladay à un de ses anciens coéquipiers à l'époque où ce dernier évoluait avec les Blue Jays de Toronto, Jason Frasor. En voyant Halladay à l'oeuvre, samedi, je me suis rappelé d'une chose que Frasor m'avait confié cette journée-là.

Certains hommes, disait Frasor, se préparent pour lancer.

D'autres se préparent pour gagner.

Mais « Doc », racontait Frasor, se «prépare pour dominer.»

Cette affirmation représente bien tout ce qu'a fait Halladay depuis qu'il a resurgi dans la Ligues majeures en 2002, après ce tristement célèbre détour dans la Florida State League en 2001. Depuis ce temps, il domine les Majeures au chapitre du nombre de victoires (137), de manches lancées (1 796 et un tiers) et de matchs complets (51).

Et rien de ce qu'a accompli Halladay n'est arrivé par accident. C'est arrivé parce que cet homme poursuit sans cesse l'excellence.

Halladay arrive au gymnase quelques heures avant l'aube, et ce, lors de chacune des pratiques printanières de l'équipe. Vous devez attendre 45 minutes après chaque match en saison régulière si vous voulez qu'il vous accorde une entrevue, parce qu'il n'y a aucune chance qu'il manque sa routine obligatoire à laquelle il se soumet après avoir lancé, et ce, même après un match parfait.

« Je croyais que j'arrivais tôt au Stade », a déclaré l'entraîneur des frappeurs des Phillies, Milt Thompson, à propos d'Halladay ce printemps. « Mais j'arrive ici à 6h15 du matin et il a déjà changé de chandail tant le premier est trempé de sueurs. »

Et vous voulez essayer de sortir ce joueur-là d'un match. Bonne chance.

Deux fois déjà cette saison, son gérant à Philadelphie, Charlie Manuel, s'est dirigé vers le monticule tard dans un match pour visiter son nouveau lanceur étoile. La première fois, c'était le 6 mai contre St.Louis, et Halladay avait déjà 117 lancers à son actif. La deuxième fois, le 18 mai contre les Pirates, Halladay avait déjà bombardé le gant de son receveur de 126 lancers. Les deux fois, Halladay a renvoyé son gérant dans l'abri et à continuer à lancer.

Y a-t-il un seul lanceur encore vivant à qui cela arrive encore? Lorsqu'un gérant remet la balle à Halladay, il lui faut pratiquement un ordre de la cour pour le contraindre à remettre la balle.

Ce qui est amusant, c'est qu'avant samedi, plusieurs pensaient que tous ces lancers avaient ravagé Halladay. Il avait alloué 27 coups sûrs dans ses trois derniers départs, aucuns de ceux-ci résultant en une victoire. Et les sept coups sûrs qu'il a donnés aux Red Sox dimanche dernier étaient le plus grand nombre qu'aucun autre lanceur n'avait accordé avant de lancer une partie parfaite.

Mais suite à une suggestion de son coéquipier Jamie Moyer, Halladay a apporté des petits ajustements tout juste avant son départ, samedi. Et ce qui est arrivé dans les heures suivantes ont fait taire le débat concernant la surcharge de travail que s'impose l'as des Phillies.


Son chef-d'oeuvre d'une durée de 2 heures 11 minutes était un classique signé Halladay. C'était la 86e fois de sa carrière qu'il n'accordait aucun but sur balle, et son 54e match complet. Et bien sûr, près des deux tiers de ses lancers (72 sur 115) étaient des prises.

Quand Halladay a retiré le 27e frappeur de la soirée, il venait d'ajouter son nom à l'une des plus indélébiles listes du baseball. Cette liste montrera à tout jamais que Roy Halladay, un homme qui a dévoué presque toute sa vie professionnelle à poursuivre la perfection, est finalement devenu un des rares lanceurs de l'histoire à pouvoir l'accomplir officiellement.