Le retour possible des Expos fait beaucoup jaser parce qu’il touche plusieurs aspects qui nous tiennent à cœur.

Il y a d’abord le côté émotif des partisans de ce sport, le côté économique en raison des coûts élevés du projet, et le côté social en raison du rôle de rassembleur qu’une telle équipe apporterait à la ville et à la province.

Je décortique le projet tout en vous offrant mon opinion.

Le baseball majeur laissera-t-il les Rays déménager?

Ce qui se passe à Tampa Bay me rappelle les trois dernières années des Expos. L’indifférence du public local!

En Floride, personne ne semble se soucier du dossier, malgré une lettre du commissaire et le fait que les proprios ne chercheront plus d’endroits pour la construction d’un nouveau stade à Tampa.

L’indifférence locale a fait perdre la concession à Montréal au début des années 2000. Alors oui, c’est une des principales raisons de forcer le déménagement d’une équipe.

Le bail qui lie les Rays à leur stade jusqu’en 2027 n’empêchera pas l’équipe de quitter Tampa. Si la MLB décide que l’on relocalise la concession, croyez-moi, ils vont trouver un moyen de racheter le bail. Ça peut se faire rapidement aussi. Je me souviens qu’en août 2004, on avait avisé les employés des Expos que si on arrivait en septembre sans nouvelle de la MLB, les Expos allaient être de retour en 2005. Vous connaissez la suite!

Déménageront-ils à Montréal?

Il n’est pas dit non plus que la MLB offrira uniquement à Montréal la concession de Tampa, mais ironiquement, le fait que Montréal a le bon vieux Stade olympique l’avantage considérablement.

Cependant, attention ici! La MLB n’octroiera pas la formation au groupe de Stephen Bronfman si une entente n’est pas signée pour la construction d’un nouveau stade. Le Stade olympique peut dépanner pour un an ou deux, mais sans plus. D’où la rencontre organisée rapidement avec le premier ministre Legault.

Même si le groupe de Bronfman a travaillé avec acharnement lors des derniers mois, il doit avancer encore plus puisque le commissaire a demandé au groupe d’être prêt à tout moment. Bronfman n’a pas chômé en allant rencontrer d’autres propriétaires. Peu importe si c’est un déménagement ou une éventuelle expansion, le tout se décidera par un vote des autres proprios et Bronfman avait un double défi à relever. Non seulement il doit prouver que son groupe est sérieux et crédible, mais il doit aussi rassurer ceux qui ont encore frais en mémoire, les dernières années des Expos. Ils doivent garantir que ça ne se répètera pas. Pas une mince affaire!

Argent du public?

Voilà la question la plus délicate dans le dossier. Je vais commencer par dire qu’il y a une énorme différence entre injecter de l’argent dans le projet et investir de l’argent dans le projet.

Expos : l'investissement vaudrait-il le coup?

Je m’accroche sur le mot investir. Si le projet rapporte de l’argent au gouvernement, il peut investir. J’irai même jusqu’à dire que l’on devrait garantir l’investissement des fonds publics pour rassurer tout le monde.

Le projet du retour des Expos est beaucoup plus gros qu’une simple équipe de 25 joueurs et un stade de balle. C’est un projet rassembleur, qui inclut la création d’un nouveau quartier et d’une vitrine inestimable pour la ville et la province.

L’économiste Pierre Fortin, en entrevue à l'émission Les amateurs de sports avec Mario Langlois, souligne plusieurs points intéressants qui vont au-delà de simplement dire non aux fonds publics. Je vous rappelle que les Expos de l’époque, c’était 140 employés permanents avant la grève de 1994 et plus de 2000 employés saisonniers, dont des étudiants et des retraités.

Dans le baseball d’aujourd’hui, le partage de revenus fait en sorte qu’une grande partie des recettes proviennent de l’extérieur de la province, que l’on peut surnommer du nouvel argent. Autrement dit, la vente de billets, qui était la source de revenus numéro un en 2004, est beaucoup plus loin dans la liste maintenant. Vrai que cet argent sert à payer les joueurs, mais même si elle est démesurée, dites-vous que plus la masse salariale est élevée, plus ils en laissent dans nos commerces et dans la poche des gouvernements. Donc, le gouvernement devient un grand bénéficiaire et pourra investir les gains accumulés dans les urgences, dans l’éducation ou les domaines qui lui paraissent importants.

Partisans et télévision

La question que doit se faire poser Bronfman lorsqu’il rencontre les autres proprios est fort possiblement celle-ci : « allez-vous avoir une base de partisans suffisant pour attirer 20 000 partisans la semaine et plus de 30 000 le week-end? »

Personne ne connait la réponse exacte. Si l’on se fie aux chiffres du début des années 80, les Expos attiraient en moyenne près de 30 000 personnes, mais les chiffres après la grève de 1994 sont nettement inférieurs.

Mitch Garber continue de travailler dans l'ombre

Plusieurs pensent qu’un vrai stade de baseball, autrement dit, une infrastructure conçue et pensée pour le baseball fera une énorme différence sur l’expérience que vivra le partisan. J’en suis de ceux-là! Parmi tous ceux qui ont visité des stades de baseball comme Boston, Pittsburgh, Baltimore, Washington, Philadelphie, pour ne nommer que ceux-là, en connaissez-vous beaucoup qui sont revenus de leur expérience complètement déçus?

L’étude réalisée par une firme de Dallas sur la faisabilité du projet confirme que Montréal à la population et les entreprises nécessaires pour que ça fonctionne. On peut critiquer les chiffres comme on le veut, mais dans une entrevue réalisée par Jonah Keri, Bronfman mentionne qu’au-delà des chiffres obtenus, les dirigeants de la firme réputée n’avaient jamais vu une telle participation et un tel engouement pour un projet. En gros, la réponse fut : « Vous avez quelque chose de spécial entre les mains et tous les éléments pour une réussite ».

Si vous n’êtes pas convaincu des chiffres et de l’étude, pensez à l’équipe autour de Stephen Bronfman. Que ce soit Mitch Garber, Éric Boyco, Alain Bouchard et tous les autres, cette équipe veut un projet rassembleur qui va bien plus loin que de faire uniquement des profits.

Le dossier des droits de télévision est plus complexe. Nous savons tous que Rodgers est propriétaire des Blue Jays et que tous les matchs des Jays sont présentés au réseau Sportsnet. Au début des années 80, Charles Bronfman, le proprio des Expos, avait cédé les droits territoriaux à l’ouest de Toronto aux Blue Jays. Le père de Stephen avait des raisons valables de le faire à l’époque. Cependant, les droits de télévisions sont devenus des sources de revenus tellement importantes dans le sport qu’aujourd’hui, cette entente ne ferait aucun sens si les Expos étaient de retour. On en parle peu, mais ces fameux droits territoriaux devront être renégociés entièrement avec le baseball majeur et les Blue Jays surtout si BCE, donc Bell Média, devient le partenaire dans le groupe de Stephen Bronfman et ainsi permettre à TSN, par exemple, de présenter les matchs des Expos partout au Canada anglais.

Rôle de rassembleur

Un des éléments clés d’une équipe sportive dans une ville est le rôle de rassembleur. Lorsque le Canadien est en série, ça ne laisse personne indifférent. Personnellement, j’ai eu l’immense privilège de couvrir avec RDS les dernières Séries mondiales. Que ça soit à Boston, St Louis, Kansas City, San Francisco, Houston, Chicago, Los Angeles ou autre, l’engouement de la population et la fierté des partisans vont beaucoup plus loin que des chiffres.

Maintenant, est-ce trop d’avoir plusieurs sports majeurs à Montréal? J’ose croire que le Montréal d’aujourd’hui peut accueillir et couvrir plusieurs sports majeurs. Chaque fois que je vais à Cincinnati et que je vois le stade des Reds et celui des Bengals, en plus d’un aréna de plus de 15 000 sièges qui sont voisins l’un et l’autre, je me dis toujours qu’ont-ils de plus que nous n’avons pas?

Je pourrai vous dire la même chose à Kansas City et combien d’autres villes qui ont une population inférieure à la grande région de Montréal, mais qui encouragent plusieurs sports majeurs? On pourrait aller plus loin et parler de la visibilité sur Montréal qui serait couverte à l’année en Amérique du Nord avec le Canadien, l’Impact et les Expos. Est-ce bon pour le tourisme? Il me semble que oui! En fait, la question est de savoir si l’ajout d’une équipe comme les Expos à Montréal  est  bon pour la ville, la population, les commerces, la province? En tous les cas, ça ne peut pas être mauvais!

Ce qui m’encourage

Plusieurs éléments m’incitent à croire que le déménagement des Rays est possible et que ce projet pourrait voir le jour plus tôt que tard.

1- Les propos du commissaire du baseball depuis plusieurs années penchent toujours en faveur de Montréal. Même si certains pensent que l’on utilise Montréal pour aider les autres franchises, le fait est que le retour du baseball dans un autre pays et qu’une grande partie de la population est francophone sont des éléments en lien direct avec ce que le commissaire veut réaliser avec son sport.

2- Depuis la présentation des matchs préparatoires des Jays, on n’a pas cessé d’améliorer le Stade olympique. La MLB exige des standards toujours plus élevés et la RIO en relation avec Evenko répond positivement. Avec une nouvelle surface, le Stade serait même mieux que le Tropicana Field, l’actuel domicile des Rays.

3- Il va sans dire, le sérieux du groupe de Stephen Bronfman est plus que rassurant. Non seulement, ce sont des gens qui ont eu un succès financier, mais on parle ici d’amateur de baseball et un désir réel d’avoir le meilleur produit possible.

4- L’appui de la ville, du gouvernement provincial et de la population. Après sa rencontre avec Stephen Bronfman, la mairesse de Montréal semblait emballée par le projet puisque celui-ci est intéressant pour la ville. François Legault veut embarquer si le projet a du sens pour son gouvernement et tout laisse croire que c’est le cas. Si ce projet est bien présenté et bien vendu à la population, celle-ci va aussi suivre la parade. Je comprends que ce n’est pas un projet qui fera l’unanimité, mais j’ai confiance que l’équipe Bronfman saura rassembler le plus de monde possible pour en faire un succès collectif.

Maintenant, restons calmes, puisqu’il peut y avoir des rebondissements de toutes sortes dans ce dossier. Mais, il est tout de même difficile de rester indifférent aux derniers développements. Les Expos ne sont pas de retour encore, mais jamais on a été si proche d’une possibilité de les revoir depuis plus de 14 ans. Ce n’est pas rien!