(ESPN.com) - Il ne s'agit pas seulement d'une perte pour les Nationals de Washington. Vous comprenez bien cela, n'est-ce pas?

S'il s'avère que Stephen Strasburg est incapable d'effectuer un autre lancer pendant une année complète - et peut-être plus - le monde du baseball au complet ne sera plus le même.

Peu de lanceurs - ou encore même peu de joueurs - ont le pouvoir de vous inciter à interrompre ce que vous aviez entrepris simplement pour les voir à l'œuvre. Mais Stephen Strasburg était l'un d'eux. Et maintenant, personne ne peut nous assurer qu'il redeviendra un jour ce genre de joueur.

Nous avons appris vendredi matin que Strasburg devra presque assurément subir l'opération Tommy John. La nouvelle en soit n'avait rien de très surprenant. On chuchotait que le jeune prodige souffrait d'une déchirure ligamentaire depuis le moment où il était descendu du monticule à Philadelphie samedi dernier.

Maintenant que nous sommes confrontés à la réalité, il faut en digérer les conséquences. Et je vous dis qu'il y a beaucoup à digérer!

Premièrement, il s'agit non seulement de la fin de l'une des saisons les plus spectaculaires pour une recrue, mais la fin de l'une des saisons les plus spectaculaires pour n'importe quel lanceur dans l'histoire du baseball. Strasburg n'a effectué que douze départs dans les majeures, mais il a retiré 92 des 274 frappeurs qu'il a affrontés sur des prises. Les deux seuls autres lanceurs à avoir passé dans la mitaine un pourcentage aussi élevé (33,6) de frappeurs avec un minimum de dix départs sont Pedro Martinez et Randy Johnson, deux légendes qui ont remporté un total de huit Cy Young.

Ajoutez à cela les onze départs de Strasburg dans les mineures. Des 484 frappeurs à s'être présentés à la plaque contre lui, seulement 87 ont réussi un coup sûr. C'est 70 de moins que le nombre de frappeurs à qui il a fait mordre la poussière.

S'il avait accumulé toutes ces statistiques dans les majeures, sachez que seulement deux lanceurs partants de l'ère moderne ont connu des saisons avec un ratio de retraits sur des prises aussi élevé et un ratio de coups sûrs accordés aussi bas : Johnson (1997) et Kerry Wood (1998).

Bon, d'accord, la plupart des frappeurs que Strasburg a affrontés dans la Eastern League n'occuperont jamais le quatrième rang de l'ordre offensif des Yankees. Je vous l'accorde. Mais Strasburg a retiré plus de frappeurs sur des prises dans les majeures (12,18/neuf manches) que dans les mineures (10,6).

De toute façon, je vous fais simplement part de ces statistiques pour que tout le monde comprenne bien à quel point ce jeune homme est spécial. On l'a compris dès qu'il a grimpé sur la butte pour retirer 14 frappeurs des Pirates sur des prises à son baptême de feu dans les majeures. Et tout laissait indiquer qu'il n'avait pas l'intention de ralentir.

C'est d'ailleurs ce qui rendait Strasburg si intéressant à suivre. On aimait le voir atteindre 100 milles à l'heure sur le radar. On aimait voir les frappeurs plier les genoux avec impuissance devant sa balle courbe. On aimait le voir se moquer de ses rivaux avec son monstrueux changement de vitesse.

Mais ce qui rendait le tout aussi électrique, c'est qu'on se demandait tous à quoi tout ça allait mener.

Si vous habitez dans une ville qui possède une équipe des majeures, vous savez que l'un des plus grands plaisirs d'un amateur de baseball est de regarder l'horaire du club local et de réaliser : « Whoa! Strasburg lancera ici la semaine prochaine! » C'est la même chose depuis la nuit des temps.

On disait la même chose avec Koufax, Gibson, Pedro ou Fernando. Quand leur tour arrive dans la rotation, c'est plus qu'une soirée comme une autre au stade. C'est un véritable événement. Et même si le jeunot n'avait pas encore réalisé 5% des exploits de ses prédécesseurs, les Soirées Strasburg étaient déjà dans la même catégorie. Un véritable événement. Et pas seulement à Washington, mais partout sur la planète Baseball.

L'équipe de Baseball Tonight, sur ESPN, était sur place pour assister au premier match de la carrière de Strasburg. Peu de lanceurs ont reçu ce genre d'attention, mes amis!

En juin, le réseau TBS a annulé la retransmission d'un match entre les Red Sox et les Phillies pour diffuser une partie entre les Nationals et les Indians. Ç'aurait normalement été un suicide en terme de cotes d'écoute, mais pas avec Strasburg.

Et il y avait évidemment les soirées Stras-mas à Washington. Le héros local n'a lancé que sept fois dans la capitale américaine cet été, mais ce fut suffisant pour engraisser les coffres de son équipe de trois millions de dollars supplémentaires.

Au cours de ces sept départs, les Nationals ont attiré en moyenne 33 446 spectateurs. Quand Strasburg ne lançait pas, cette moyenne descendait à 22 761. À lui seul, une verte recrue attirait donc environ 10 000 amateurs de plus au stade. Qui peut en dire autant?

Vous comprendrez donc que la nouvelle sur son état de santé a de quoi briser les reins des Nationals. Supposons que Strasburg avait obtenu quatre autres départs à domicile d'ici la fin de la saison et ajoutons-en une quinzaine l'année prochaine. Résultat : environ 10 M$ de plus directement dans les coffres de l'équipe. C'est une année de salaire pour un gars comme Adam Dunn.

Mais bien évidemment, pour une franchise qui baigne dans la médiocrité depuis son arrivée à Washington, l'impact d'une telle perte dépasse largement l'aspect financier. Strasburg donnait aux Nationals une identité, une présence. Il était pratiquement le visage de cette équipe avant même d'avoir endossé l'uniforme.

L'avenir est loin d'être si sombre pour les joueurs qui doivent subir l'opération Tommy John. Près de 90% d'entre eux reviennent au jeu 12 à 18 mois après la chirurgie et s'en remettent très bien. Mais dans le cas de Strasburg, il y a lieu de se demander s'il sera un jour capable de pousser sa balle rapide à 100 milles à l'heure... S'il aura encore la confiance nécessaire pour mettre toute la gomme sur son changement de vitesse, le lancer qui est principalement responsable de la désintégration de son bras droit.

À son retour, sera-t-il le lanceur spécial que l'on a vu au cours des derniers mois?

Je vous parlais de Kerry Wood un peu plus tôt. L'ancien joyau des Cubs de Chicago a subi l'opération Tommy John immédiatement après sa saison recrue, il y a onze ans. Il a lancé onze bonnes saisons dans les majeures depuis, menant même la Ligue nationale au chapitre des retraits sur des prises à une occasion.

Mais il n'a jamais été aussi spécial qu'à sa saison recrue.

Alors qu'est-ce que l'avenir réserve à Stephen Strasburg? Personne ne peut en être certain... Peut-être le reverra-t-on en 2012 comme si absolument rien n'était arrivé. Peut-être refera-t-il surface en même temps que Bryce Harper, un autre phénomène repêché par les Nationals, et que les deux surdoués rechargeront les batteries de leur équipe en même temps.

Mais on ne peut pas en être certain. On ne sait pas si la fin de l'histoire sera heureuse. On ne peut rien faire d'autre qu'attendre. Pendant ce temps, les Nationals devront trop souvent se contenter de Miss Iowa plutôt que de Miss Univers.

Et pour nous, les amateurs, la vie continue. Pour le baseball aussi. Mais pendant que Stephen Strasburg s'apprête à passer sous le bistouri, n'oubliez pas ceci.

C'est une grosse perte pour nous aussi.