Nous y voici enfin. La grande finale de la NBA débutera ce soir au Oracle Arena d’Oakland. Cavaliers contre Warriors. LeBron contre Curry. La crème de la crème du circuit Silver. Le duel que tout le monde espérait revoir lorsque les séries 2016 se sont amorcées.

De 1999 à 2012, jamais les deux mêmes équipes ne s’étaient retrouvées en finale deux années de suite. Et avant les confrontations Bulls/Jazz en 1997-1998, ce n’était pas arrivé depuis 1985. Voilà que les quatre dernières années nous ont offert du pareil au même (deux fois Heat c. Spurs et deux fois Cavs c. Warriors). La ligue adore les rivalités, car ça nourrit l’intérêt du public et des médias et ça fait conséquemment grimper les cotes d’écoute. Le réseau ABC s’attend donc à d’excellents chiffres et à un engouement supérieur pendant les deux prochaines semaines. Quelle est la constante de ce rendez-vous annuel au sommet? Sans contredit King James, qui participera à une sixième finale d’affilée (un exploit unique, que vous aimiez ou non le personnage).

Rarement une série finale aura inspiré prévisions et prédictions aussi mitigées. J’arrive moi-même difficilement à me faire une idée sur le potentiel champion. J’ai donc décidé de vous offrir une chronique où je milite en faveur de la victoire de l’un et de l’autre clan, afin d’arriver à former une opinion plus nette en fin de récit. Un processus un peu schizophrène, j’en conviens, mais je l’espère tout de même efficace.

L’argument en faveur des Cavaliers

C’est si facile de se remémorer seulement le résultat de la finale de 2015 (victoire des Warriors en 6) mais d’en oublier le contexte. Kevin Love s’était blessé lors du quatrième match de la première ronde  des séries  face aux Celtics et on ne l’avait pas revu sur le terrain du reste des éliminatoires. Quant à l’autre composante de ce « Big Three » de Cleveland, l’excellent Kyrie Irving, il n’avait disputé que le premier match de la finale avant de déclarer forfait pour la suite des choses en raison de problèmes persistants au genou. Le King avait donc été forcé de tout faire seul pendant six rencontres contre les Warriors, et le fait qu’il ait mené son club à deux victoires relève presque du miracle.

La cuvée 2016 des Cavs est donc à des années-lumière en avance sur celle à pareille date l’an dernier. On peut même affirmer qu’elle est considérablement meilleure que celle de 2015 AVEC Love et Irving en santé. D’une part, ils semblent plus à l’aise avec Tyronn Lue sur les lignes de côté qu’ils ne l’étaient avec David Blatt en 2015. Love semble avoir enfin trouvé sa niche et LeBron permet à ses coéquipiers de s’exprimer librement. De plus, l’apport potentiel de deux nouveaux réservistes, Channing Frye et Richard Jefferson, n’est pas à négliger non plus. Frye constitue un franc-tireur d’élite qui peut étirer le terrain pour ses acolytes et que les Warriors devront respecter alors que RJ a 119 matchs des séries sous la cravate depuis son arrivée chez les pros en 2001. Lue pourra déployer une rotation à neuf joueurs qui se mesurera très bien aux neuf meilleurs de Golden State. Et qui sera en mesure de ralentir Irving du côté des Warriors? Il est tout aussi explosif que Russell Westbrook, mais à sa façon. Et avec ses décisions avec le ballon (choix de tirs, savoir quand attaquer), il s’avérera beaucoup plus stable que le meneur de jeu du Thunder.

On pourrait aussi affirmer que la pression repose principalement sur les épaules des Warriors dans ce duel. Qu’une défaite en finale viendrait assombrir considérablement leur saison historique de 73 victoires et seulement 9 défaites. Un scénario qui aurait été impensable pour les Bulls de 1996 et leurs 72 victoires (ils avaient vaincu Seattle en six matchs en finale). En contrepartie, les Cavs n’ont rien à perdre... mais on y reviendra dans quelques instants à savoir si c’est vrai ou non.

L’argument en faveur des Warriors

C’est plutôt simple comme prémisse : Golden State vient de connaître la meilleure saison régulière de l’histoire de la ligue, tout en venant ensuite à bout des Rockets, des Blazers et du redoutable Thunder d’Oklahoma City. Eux aussi sont donc meilleurs que leur édition championne de 2015 et devraient logiquement venir à bout du champion de l’Est (une association considérablement plus faible dans l’ensemble que l’Ouest). Ils emploient le seul joueur qui peut actuellement revendiquer le titre de meilleur joueur de basketball sur la planète, aux dépens de monsieur James. Surtout que la santé de Stephen Curry semble être de retour au rendez-vous depuis quelques matchs après plusieurs semaines plus que laborieuses.

À ses côtés, on retrouve le spécialiste de tirs de 3 points le plus confiant et prolifique qui soit, un certain Klay Thompson, ainsi qu’un guerrier au style parfois salaud mais surtout efficace, Draymond Green. Il sera fascinant de voir si ce dernier se retrouvera confronté directement à LeBron sur une base régulière en défense, un rôle qu’il avait occupé avec un certain succès en 2015. Bien que le King avait marqué près de 36 points par rencontre en moyenne durant la plus récente finale, c’est une statistique partiellement trompeuse en raison d’un énorme volume de tirs du périmètre (moins de 40 % d’efficacité).  Si LeBron tente autant de tirs en 2016, les chances de voir Golden State répéter l’histoire augmentent considérablement.

Autre élément tactique à considérer, les Warriors aiment amorcer les matchs avec Andrew Bogut comme centre et Draymond Green à la position 4 (ailier en puissance). Mais quand Bogut laisse éventuellement sa place, Steve Kerr préconise souvent une approche « small ball ». Ceci signifie que Green devient le centre avec Curry, Thompson, Iguodala et Barnes ou Livingston sur les ailes. Oui, ils sont petits et s’exposent un peu autour de l’anneau défensivement, mais ils arrivent généralement à imposer leur style et leur tempo sur l’adversaire. Tyronn Lue aura donc un choix important à faire : s’il laisse Tristan Thompson et Kevin Love sur le terrain, il voudra marteler la clé offensivement mais devra ensuite vivre avec les conséquences de voir ses deux gros bonshommes pourchasser défensivement les Warriors (les rois du mouvement offensif perpétuel). Il s’agit d’un exercice épuisant en soi qui peut nuire à l’endurance à l’autre bout du terrain. Sinon, il fait débarquer ses mastodontes au profit de Matthew Dellavedova, Iman Shumpert et Richard Jefferson. Ça équilibre le duel mais les chances que les Cavs soient meilleurs au jeu des Warriors que les Warriors eux-mêmes sont probablement faibles. Bref, un problème impossible à résoudre.

Et finalement, je peux facilement argumenter en faveur de l’affirmation suivante : les Warriors ont beau être les champions en titre, ils ont moins de pression que les Cavaliers pour tout rafler en 2016. Premièrement, le poids d’une ville tout entière se trouve sur les épaules des Cavs. Le dernier titre professionnel remporté par une équipe pro de cette métropole de l’Ohio remonte à 1964. Un exploit revendiqué par les Browns, avant la création du Super Bowl tel qu’on le connaît. C’est un complexe d’infériorité de classe mondiale dont ils tenteront à nouveau de se débarrasser! Une réalité que LeBron James, natif de ce coin de pays, comprend plus que quiconque.

D’ailleurs, parlant de monsieur James, il en sera à sa septième finale (quatre avec le Heat et trois avec les Cavaliers) et sa fiche est loin d’être glorieuse : 2 victoires - 4 défaites. La différence entre 3-4 et 2-5 est plutôt majeure, non? Il voudra éventuellement prendre sa retraite en étant associé à Michael Jordan et Kobe Bryant, pas juste au niveau des trophées individuels accumulés mais aussi des titres collectifs amassés. MJ en totalise six et Kobe en a cinq. À forces égales avec Golden State, il ne peut se permettre de rater sa chance pour une troisième bague cette année. Au nom de son héritage personnel et de l’honneur d’une ville entière. Voilà ce qu’on appelle de la pression…

Bref, ayant réussi à me convaincre de multiples dénouements différents, je vais finalement y aller avec Cleveland en 6. Je crois que les Cavaliers seront gonflés à bloc et qu’ils auront les munitions pour nourrir leur rage de vaincre. Une chose est sûre, les partisans de basket seront au rendez-vous du début à la fin de cette finale potentiellement enlevante.