Tom Watson a sûrement mieux que quiconque fait passer le message au cours des derniers jours : c'est ainsi que devrait se disputer une ronde de golf. Ni plus, ni moins. Le vieux maître qu'il est n'avait pas à donner de leçon à personne. Pourtant, il fut le meilleur enseignant que le golf n'a pas connu depuis bien longtemps.

Mais en fait, que nous a-t-il démontré?

Remarquez, il avait amplement de décorations pour que l'on sache la valeur de ses exploits passés. Huit titres majeurs, dont cinq lors de l'Omnium Britannique. Il comptait 39 victoires en carrière sur le circuit PGA Tour et 12 autres sur le Circuit des Champions. Or, jamais il n'a donné la moindre impression de chercher à mettre ses titres en vitrine.

Lui sait très bien le rôle qu'il a tenu en compagnie des meilleurs golfeurs de l'histoire pour les avoir battus et pour s'être incliné devant eux. Il nous a démontré que les plus grands champions savent demeurer humbles et qu'il est courtois de saluer les gens qui acclament leurs favoris. La politesse et l'humilité sont aussi des éléments clés pour bien réussir au golf.

Il a aussi démontré qu'il n'est pas nécessaire d'exagérer à outrance les analyses des parcours. Bien connaître son propre jeu. Voilà un atout important. Savoir utiliser tant ses forces que ses faiblesses. Être conscient de ce qui nous entoure quand on se retrouve sur un terrain de golf. Savoir que l'on joue dans un cadre précis et qu'il faut tenir compte des conditions de jeu qui seront toujours changeantes.

Watson a très bien géré sa stratégie de jeu en fonction du terrain sur lequel il a évolué et des conditions météorologiques qui prévalaient lorsqu'il a effectué chacun de ses coups. Il avait surtout l'immense avantage de pouvoir déployer un éventail de coups différents en fonction des différentes situations. Trajectoires différentes, tant par les crochets intérieurs qu'extérieurs. Des balles très hautes, puis, presque à ras le sol. Le petit jeu de Watson est à ce point varié, qu'il faudrait le travail combiné d'une dizaine de joueurs récemment acceptés sur le circuit PGA Tour pour en égaler la complexité. Techniquement, Watson présente des statistiques exceptionnelles. Mais n'oublions surtout pas qu'il est toujours un golfeur exceptionnel.

Watson a aussi démontré à quel point il est primordial de se comporter en gentilhomme en toute circonstance. Depuis son entrée en scène au terrain d'exercice jusqu'à sa sortie lors du dernier trou de son ronde, chacun de ses gestes est empreint de respect vis à vis les gens qui l'entourent. Depuis le préposé au départ jusqu'à ses partenaires de jeu. Il s'est lui-même mis à la tâche de trouver la balle de son partenaire de jeu dans l'herbe très haute, un geste que plusieurs autres joueurs ont négligé de faire.

En aucun temps, même lorsqu'il savait que sa cause était perdue, a-il commis le moindre geste d'impatience. À plusieurs reprises, le déroulement du jeu a totalement modifié l'allure de son match. Il a compris et maîtrisé ses réactions. S'il fut insatisfait de son jeu, il n'en a pas fait état, préférant plutôt se concentrer sur le travail qui lui restait à faire.

Il a démontré que la puissance n'est pas le seul outil que l'on puisse utiliser pour pratiquer ce sport et que le spectacle offert n'en a pas pour autant souffert. C'est une leçon que les organisateurs de tournois devraient retenir. Plutôt que de rallonger bêtement les parcours, pourquoi ne pas simplement les dessiner de façon à ce que toutes les facettes du jeu soient requises pour obtenir du succès. L'herbe longue peut et doit être punitive. Il en va de même pour les fosses de sable. Que l'on oublie la mise en place d'obstacles artificiels afin de préserver l'intégrité des joueurs vedettes qui ne veulent entendre que les mots puissance et comptabiliser les coups soustraits à la normale. Un bon coup de golf, qu'il soit effectué pour confirmer un oiselet ou un boguey, reste un bon coup de golf. Cela éliminerait les démonstrations à sens unique comme ce fut à un certain moment le cas au tennis avec la séquence service-volée qui ne durait que quelques secondes. Pourquoi pas de bons échanges de coups droits, de revers, de coups brossés et lobés? La situation est identique au golf.

Watson connaît aussi très bien l'histoire de son sport. Il s'est intéressé à ceux qui l'ont précédé et ceux qui l'ont côtoyé. Il connaît l'histoire des parcours sur lesquels il a évolué et a appris l'histoire de ceux qui ont fréquenté ces terrains en tant que membres et simples golfeurs amateurs, ceux qui ont façonné le jeu tel qu'il nous apparaît aujourd'hui. Il est triste de constater que celui qui a inscrit la victoire ne connaissait même pas l'année du fameux "Duel au soleil" qui a eu lieu à Turnberry en…1977 et qui est considéré comme l'un des plus grands matchs de l'histoire du golf professionnel.

Watson, grâce à sa remarquable performance, a tout simplement démontré que les valeurs utilisées pour pratiquer le golf n'étaient pas aussi dépassées que certains voudraient bien le croire. Ces valeurs ont au contraire fait progresser le golf comme nul autre sport.

Au cours d'une rencontre avec Jack Nicklaus, il m'avait parlé de la plus importante différence entre les différentes générations de golfeurs professionnels et avait mentionné : "…Les gens de ma génération vivaient souvent pour jouer et gagner au golf. Aujourd'hui, les jeunes professionnels gagnent leur vie à jouer au golf. Le sens de la victoire est différent."

La victoire de Watson à Turnberry aurait été celle de la dignité. Et cela rend sa défaite encore plus tolérable.