Ça ne doit pas être plaisant pour les joueurs du Canadien de se battre pour une place dans les séries. Depuis deux semaines, tous les matchs sont l'équivalent d'un match des séries. Dans mon temps, les séries étaient pratiquement une formalité.

La situation actuelle doit être stressante pour tout le monde. En séries, tu affrontes la même équipe, ce qui permet de s'adapter en cours de route contrairement à la saison où on retrouve un adversaire différent tous les soirs. Parfois, tu peux te mesurer à une équipe qui est déjà éliminée et qui n'a aucune pression. Ce n'est pas toujours facile de se motiver à jouer contre Washington par exemple, qui peut te battre 7-0. La préparation est totalement différente qu'en séries. Je ne me souviens pas d'une saison où nous avons dû lutter jusqu'à la toute fin pour mériter une place en séries

À mon époque, on avait hâte que la saison se termine pour entamer les éliminatoires. Notre objectif était de finir les choses au plus vite. Avec le format des séries dans les années 1970, il fallait gagner 12 parties pour remporter la coupe Stanley. Je me souviens dans le vestiaire, on écrivait le chiffre 12 pour afficher l'objectif. Les années où nous avons gagné la coupe, nous n'avions pas perdu beaucoup de rencontres.

Dans les séries, nous jouions encore plus en équipe. On avait nos vedettes comme Guy Lafleur, Steve Shutt et Ken Dryden, mais tous les joueurs étaient importants. L'an dernier, les finalistes de la coupe Stanley, Edmonton et la Caroline, ont été un bon exemple d'équipes où tout le monde tire dans la même direction.

Nous avions du plaisir à se présenter au travail pendant les froids hivers même si nous étions assurés de participer aux séries. On avait toujours soif de victoires et de records. En 1980, nous aurions tellement aimé gagner une cinquième coupe de suite pour égaler le record de 1955 à 1960. Malheureusement pour nous, on s'était retrouvé sur le chemin de Gilles Meloche et des North Stars du Minnesota en demi-finale.

Nous ne tenions rien pour acquis et la victoire était plus importante que tout. Quand Lafleur était blanchi, je peux vous assurer qu'il arrivait une heure avant le début de la pratique suivante pour aller pratiquer ses tirs au but. Tout le monde tirait dans la même direction.


Brève carrière d'entraîneur

Je n'ai jamais regretté ma décision de m'orienter dans la restauration dans les années 1980 après avoir brièvement goûté au merveilleux monde du coaching.

À ma dernière année avec les Americans de Rochester dans la Ligue américaine, j'étais joueur-entraîneur dans cette filiale des Sabres de Buffalo et j'ai adoré l'expérience. J'aurais aimé continuer la saison suivante, mais Scotty Bowman a refusé de m'accorder un contrat de deux ans. J'ai donc pris ma retraite comme joueur.

Je suis passé près de devenir l'entraîneur du Canadien de Sherbrooke en 1985, mais quand je me suis informé du poste auprès de Serge Savard, qui était directeur général du Canadien, il l'avait déjà offert à Pierre Creamer. Si ce dernier n'avait pas accepté le poste, Serge m'avait dit qu'il m'aurait choisi.

Au lieu de prendre la route de Sherbrooke et de la Ligue américaine, je me suis retrouvé à Verdun à la barre du Canadien junior dans la LHJMQ. C'est cette expérience qui m'a convaincu que je n'étais pas fait pour être entraîneur. Je me suis rendu compte que diriger des adolescents était plus difficile que de diriger des adultes.

Je trouvais particulièrement difficile de recevoir tous ces coups de téléphone des parents, des professeurs d'école, des responsables des pensions, des agents et même des blondes des joueurs. J'ai constaté que je n'avais pas la patience pour ce travail.

On avait une bonne équipe à Verdun. On retrouvait dans la formation des joueurs tels Claude Lemieux, Jimmy Carson, Everett Sanipass, Gerry Fleming, Jean Bourgeois et Ronald Filion. J'avais finalement été remercié vers la fin de la saison et remplacé par Jean Bégin.

Comme un poste de dépisteur ne m'intéressait pas, j'ai réorienté ma carrière et j'en suis très heureux.

Orr et Lafleur m'ont impressionné

J'ai eu le grand bonheur de jouer avec ou contre des grands joueurs au cours de ma carrière. Deux d'entre eux m'ont particulièrement impressionné. Il s'agit de Guy Lafleur et de Bobby Orr.

Lafleur était un gagnant. Il voulait toujours gagner et ça paraissait dans son attitude. Quand il est devenu une idole du public, il voulait toujours en donner plus et lui faire plaisir. C'était un joueur d'équipe formidable.

Faut dire que les gens ont commencé à l'aduler très tôt. Dès son passage au tournoi pee-wee de Québec, il avait commencé à retenir l'attention. Il a grandi dans une mentalité gagnante.

Guy, qui adore encore jouer au hockey, est encore le numéro un dans le coeur de plusieurs amateurs.

Quant à Orr, il était formidable. Il a révolutionné le hockey. Je pense qu'il devait déjà avoir subi environ neuf opérations aux genoux quand je jouais contre lui. Il était toujours aussi impressionnant. De toute façon, qui ne serait pas impressionné par un défenseur qui remporte le championnat des compteurs.

Quand nous jouions contre les Bruins, Bowman était sur le gros nerf. Il prévoyait toujours deux couvreurs pour Orr. Avant sa rencontre d'équipe, Scotty rencontrait les ailiers gauches parce que Orr, qui lançait de la gauche, jouait à droite sur la ligne bleue.

Il pouvait tout faire sur une patinoire. En plus d'avoir un coup de patin extraordinaire, il avait un tir dévastateur. Il pouvait exceller autant en attaque qu'en défensive. Quand son équipe tirait de l'arrière, on le voyait prendre les choses en main. Il ne craignait pas non plus de jeter les gants.

*propos recueillis par RDS.ca