QUÉBEC - Battu à deux reprises par Selçuk Aydin dans des combats pour la ceinture d’argent des poids mi-moyens du WBC il y a quelques années, Jo Jo Dan semblait avoir frappé son Waterloo.

Les défaites de ce genre pardonnent rarement et nombreux sont les boxeurs qui n’ont jamais eu la chance de se battre en combat de championnat du monde par la suite. Avec la fin de son association avec InterBox survenue peu de temps après, bien peu d’options s’offraient à lui.

Sauf que le Montréalais d’origine roumaine n’a jamais jeté l’éponge et il se retrouve aujourd’hui aspirant obligatoire au titre des mi-moyens de la IBF, après avoir vaincu Kevin Bizier deux fois en autant de combats éliminatoires en un peu plus d’un an. Oui, il a confondu les sceptiques.

Dan, Dirrell et Beterbiev l'emportent

« La victoire de ce soir (vendredi) représente l’accomplissement d’un rêve : celui de se battre en combat de championnat du monde, a déclaré son entraîneur Pierre Bouchard, qui était très ému à la suite du triomphe de son protégé. Nous avons franchi une étape immense ce soir. »

Pourtant Dan est passé bien près de voir son rêve tourner au cauchemar quand il a visité le plancher au septième round après avoir été atteint au corps par Bizier. Après ce moment-là, Dan tirait de l’arrière sur les trois cartes des juges et Bizier semblait filer vers une victoire certaine.

« Pendant un moment, j’ai commencé à penser à sa sécurité. Nous voulons tous gagner, mais à un moment donné…, a avoué Bouchard. Sauf qu’à son retour dans le coin, il avait les yeux clairs et je lui ai dit que je pensais que Kevin était en train de manquer d’énergie.

« J’ai ensuite pensé que Kevin s’était offert un petit round de repos au huitième, mais ç’a permis à Jo Jo de prendre du rythme. Kevin a ensuite beaucoup utilisé sa droite et Jo Jo en a profité pour lancer son crochet. Les choses ont complètement changé à partir de ce moment-là.

« Nous avons apporté beaucoup d’ajustements pendant le combat et Jo Jo a été très réceptif en plus de mettre ses tripes sur la table. Nous ne pouvions pas dire qu’il était en avance à aucun moment dans le combat et c’est pourquoi je lui ai demandé d’aller chercher les trois derniers rounds avant le dixième. Ç’a été un combat vraiment plaisant à diriger! »

Une pente abrupte à remonter

La déception était évidemment palpable dans le camp de Bizier après la défaite. Comme lors du premier combat, le boxeur de Saint-Émile pensait en avoir assez fait pour mériter la victoire.

Malgré tout, il serait peut-être mal avisé de jeter le bébé avec l’eau du bain, car Bizier n’a pas été déclassé par Dan. Un juge l’a quand même donné vainqueur lors de chacun des deux duels.

« Une défaite comme celle-là, c’est souvent crève-cœur, mais ça fait partie de la boxe. Ça prenait un gagnant et un perdant, a relativisé son entraîneur Samuel Décarie-Drolet. C’est probablement plus difficile à avaler parce que les conséquences ne sont pas les mêmes.

« Il y a un des deux boxeurs qui s’en va en combat de championnat du monde et l’autre qui s’en retourne à la maison pour passer un temps des Fêtes un petit plus gris. Mais nous allons bâtir sur cette défaite, car il y a de belles choses qui ont été faites. Notre plan de match tenait la route jusqu’au septième round. Après, ç’a été difficile de revenir dans le bon chemin. »

La défaite fera évidemment glisser Bizier de plusieurs places dans les différents classements, mais il semble qu’il y aura toujours une place pour lui chez Groupe Yvon Michel. Mais de l’aveu même des principaux intéressés, la pente risque d’être particulièrement abrupte à remonter.

« J’ai expliqué à Kevin qu’Éric Lucas est passé par là après avoir perdu contre Roy Jones fils, Fabrice Tiozzo et Glen Catley, a mentionné Décarie-Drolet. Lucas a perdu et est devenu champion du monde par la suite. Mais ce n’est pas ce que Kevin voulait entendre. Il est un fier compétiteur et la défaite n’est jamais facile à accepter. »

« Ça va être dur pour lui. Il avait le combat dans ses poches et il l’a laissé filer, a tranché le promoteur Yvon Michel. Il va falloir qu’il comprenne ce qui s’est passé dans sa préparation pour manquer d’énergie. Ce n’est pas Dan qui est revenu dans le combat, c’est vraiment Kevin qui l’a laissé aller.

« Kevin est encore jeune et il va sûrement apprendre de ça. Étant donné que nous avons l’intention de revenir souvent à Québec, il aura la chance de se reprendre, alors ce n’est pas catastrophique. Mais je continue de penser qu’il était le meilleur des deux boxeurs dans le ring. Il n’a pas performé comme il aurait dû le faire pour aller chercher la victoire. »