C'était un conflit qui n'avait pas de sens. Deux gars pacifiques qui détestent la chicane, deux hommes qui s'aimaient jadis comme des frères, étaient engagés dans un désaccord qu'eux seuls pouvaient régler.

La hache de guerre est enterrée entre Lucas et Interbox

Ce qu'ils ont fait, finalement. Éric Lucas, qui poursuivait InterBox pour une somme de 390 000 $, tentait d'obtenir sa part des droits de télédiffusion des combats de Lucian Bute. Il affirmait y avoir droit en vertu d'une entente signée lors de la vente de la compagnie pour la somme symbolique d'un dollar au groupe Sportscene, propriété de Bédard.

Lucas rentre à la maison. Il est de retour chez InterBox, une entreprise pour laquelle il s'est battu dans huit combats de championnat du monde, dont il a même été propriétaire, et qu'il n'aurait jamais dû quitter. Dès demain, il sera au travail pour accomplir ce qu'il sait faire de mieux  : parler de boxe avec les fans et dans les médias, s'impliquer dans la publicité de certains combats et participer aux activités des Restaurants La Cage.

Les premiers grincements de dents entre les deux parties sont survenus peu de temps après le dernier combat de sa carrière, il y a cinq ans. Une poursuite était tombée il y a trois ans. Les avocats l'avaient débattue sans trop de succès. La bataille juridique traînait sur une tablette sans que Lucas ne sache trop comment la faire progresser.

Finalement, il en a eu assez. Il y a deux mois, il a donné un coup de fil à Bédard qui n'attendait que ça. « Rien ne bougeait, dit-il. J'étais tanné. Je n'ai senti aucune réticence de la part de Jean. »

« Nous avions un différend, mais j'avais de la difficulté à suivre la ligne de pensée d'Éric, souligne Bédard. Je ne suis pas un gars de chicane. Il n'y en a pas dans mon parcours d'homme d'affaires. C'était complexe. Ce qui était primordial pour moi, c'était de sentir que Éric avait vraiment le goût de revenir avec nous. J'étais très à l'aise avec son retour et mes associés aussi. » Durant deux mois, ils ont eu plusieurs rencontres, certaines très courtes. Ils se voyaient l'instant d'un café en progressant à petits pas dans des discussions qui ont finalement débouché sur une réconciliation qui plaira sûrement aux amateurs de boxe et au public en général qui a toujours apprécié cet athlète humble et honnête à qui la boxe montréalaise doit d'avoir amélioré son image, il y a plusieurs années, alors que ce sport n'était pas plus blanc que blanc.

Lucas n'a pas recouvré la totalité de la somme d'argent qu'il réclamait. Chacun a fait son bout de chemin, disent-ils sans entrer dans les détails.

Éric Lucas face à Tiozzo et à Roy Jones Jr.

« Pour moi, la nature du règlement n'est pas le plus important, dit l'ex-boxeur. Je voulais être heureux et je le suis. Dès le départ, j'avais mentionné à Jean qu'on était capables de régler cette affaire. C'était important que nous sortions de là satisfaits et heureux. On y est arrivé au bout de six ou sept rencontres. » Bérard dit avoir compris certaines choses qui n'étaient pas vraiment conformes avec ce qui s'était dit ou écrit au cours des cinq dernières années. Il voulait éviter qu'il y ait un règlement pour la forme qui ne serait pas parvenu à chasser complètement la frustration qui s'était installée entre eux.

« Je ne suis pas un gars de litiges. Je suis un « régleux » de nature. Je n'aime pas les choses qui traînent. Éric est un peu comme ça, lui aussi. Ce ne sont pas des avocats qui pouvaient régler cette affaire. Il fallait que cela se passe entre lui et moi. J'ai senti qu'il voulait vraiment qu'on travaille encore ensemble », précise l'homme d'affaires et promoteur de boxe.

Lucas travaillera aux côtés de Pierre Duc qui dirige les opérations d'InterBox. Il représentera l'entreprise dans diverses sorties. Il agira comme conseiller au niveau de la boxe. Et s'il désire faire sa place dans les médias à titre d'analyste dans le cadre des soirées de boxe, il aura le champ libre. Bédard désire que Lucas, dont les opinions étaient recherchées même s'il était retranché dans ses terres à Magog, soit le plus visible possible.

Entraîneur : Un métier qui lui tente

Lucas est mûr pour ce retour. La boxe lui a vraiment manqué. Cinq ans loin d'un sport qui a été toute sa vie lui ont permis de se rafraîchir les idées. Même s'il a toujours collaboré avec les médias durant sa carrière, ce n'était pas une responsabilité qui lui plaisait. Moins timide, plus extraverti, il se dit prêt à s'acquitter plus librement de cette tâche.

Top-5 Champions du monde québécois

« Il y a eu un temps où la boxe, c'était vraiment trop pour moi, dit-il. Après mon dernier combat, je voulais me retirer de la scène de façon à ce qu'on ne me voit plus jamais la face. En sortir m'a fait grand bien. Depuis deux ans, j'ai découvert ce qui me manquait. Je suis les activités de la boxe beaucoup plus que lorsque j'étais boxeur. J'ai plus d'intérêt, plus d'opinions. J'ai le goût de replonger là-dedans. » Lucas a fait ses débuts avec InterBox en 1998. C'est en grande partie grâce à lui si l'entreprise a été érigée sur des bases solides dans un moment où les têtes d'affiche de la boxe locale n'étaient pas aussi nombreuses et aussi crédibles qu'aujourd'hui. Ses nouvelles responsabilités pourraient l'amener dans un tout nouveau champ d'action puisqu'il ne détesterait s'impliquer dans le métier d'entraîneur.

« J'ai réfléchi à cela dernièrement, ajoute-t-il. Ça me tente. Si jamais une équipe a besoin de moi, je suis disponible. J'en ai même discuté avec Stéphan Larouche il y a quelques mois. Nous ne voyons pas toujours les choses de la même manière, mais c'est un gars que je respecte. Disons qu'on mijote cela. Je me vois aussi dans la peau d'un conseiller. J'ai de l'expérience. Avec beaucoup de recul, je comprends mieux certaines choses; j'ai de l'intérêt pour ça. Je suis la boxe; je connais ça ».

Ce n'est qu'une question de temps avant que Lucas mette fin à ses activités dans la restauration. Café Lucas, qu'il opère à Magog, est à vendre. Il faut comprendre qu'il ne peut pas être derrière son comptoir et dans un gymnase de boxe en même temps.

« Maintenant que je suis de retour dans le milieu de la boxe, je ressens l'urgence de vendre mon commerce. J'ai hâte de ne penser qu'à mes prochaines responsabilités », admet-il.

Il en va de même pour Bédard, un homme soulagé de pouvoir passer à autres choses.