Les émotions étaient à fleur de peau, les spectateurs, au bout de leur siège, dans l’attente d’un moindre signe donnant l’avantage à l’un ou l’autre des deux boxeurs. Bref, c’était le genre de combat que n’importe quel promoteur désirerait pour mettre un point final à l’un de ses galas.

Et pour cela, on peut remercier Sergey Kovalev, certes, mais aussi et surtout Jean Pascal.

Pascal a toujours été un guerrier. Il l’a démontré une première fois contre Carl Froch. Puis, il l’a prouvé une nouvelle fois contre Adrian Diaconu, surtout lors du deuxième duel, alors qu’il avait boxé avec un seul bras à compter du cinquième round.

« Je n'étais pas moi-même »

Immédiatement après avoir été opéré à l’épaule, Jean n’a pas exigé de combat préparatoire, choisissant plutôt de se mesurer à Chad Dawson, contre qui il a peut-être livré sa meilleure performance en carrière.

Face à Kovalev cette fois, il n’allait donc certainement pas se défiler. On le sait, lorsque Jean est motivé à l’aube d’un combat d’envergure, il s’entraîne avec beaucoup, beaucoup de minutie et de professionnalisme. C’est pourquoi il a la capacité, la force et la condition physique requises pour absorber l’impact des coups de l’adversaire et récupérer rapidement, comme il l’a d’ailleurs démontré au troisième round face à Kovalev samedi au Centre Bell.

Échappant de peu à une visite au plancher, Pascal a ensuite utilisé toutes les ressources qu’il avait à sa disposition pour tenter de l’emporter. Même Bernard Hopkins n’a pas essayé de gagner après avoir visité le plancher au premier round de son combat contre Kovalev. Il s’est contenté de laisser passer le temps.

Kovalev défend ses titres

Pas Jean Pascal.

Pour la première fois de sa carrière professionnelle, Kovalev a fait face à un adversaire qui tentait véritablement de l’emporter. Loin de se satisfaire d’un rôle de figurant, le Québécois a même enlevé les cinquième et sixième rounds à mon avis.

Oui, Jean aurait pu faire mieux à certains égards. Il faudrait qu’il analyse attentivement les cinquième et sixième assauts, au cours desquels il a été en mesure d’embouteiller le jab de Kovalev et de se placer dans certaines positions hors d’atteinte.

Pour espérer battre Kovalev, Jean devrait établir un plan de match et qu’il ne fasse à peu près aucune erreur, tout en étant en mesure d’encaisser pendant 12 rounds. Quand tu te bats contre un opposant du calibre de Kovalev, les premiers coups reçus ont toujours un effet de surprise à considérer. Dans un éventuel combat revanche, il saurait à quoi s’attendre.

Une victoire ne serait pas hors de sa portée, mais elle demeurerait tout de même très difficile à acquérir. Or cette fois, Jean s’est incliné plus honorablement et on ne peut pas en vouloir à l’arbitre d’avoir mis fin au combat au huitième round.

Un timing idéal

C’était le temps parfait pour s’interposer. Je sais que certains ont rouspété et que Jean n’était pas content au terme de sa défaite, mais le mandat de l’officiel est d’arrêter un combat lorsque le boxeur a encore suffisamment d’égo et d’orgueil pour prétendre qu’il est en mesure de continuer. Pas quand un boxeur est au tapis, inconscient. Dans ces circonstances, il est trop tard.

Aussi décevant soit-il, ce revers sera plus que bénéfique pour la suite de la carrière de Pascal. Au-delà des bourses et des titres, l’objectif premier d’un combat pour un boxeur  est d’abord d’augmenter ta valeur pour la suite des choses. Kovalev peut dire mission accomplie, tout comme Pascal.

Jean a non seulement augmenté sa valeur sur le plan international, il l’a aussi fait au Québec, où il a sans doute gagné beaucoup de fans à mon avis grâce à sa plus récente performance. Il s’agit maintenant d’en retirer les dividendes.

S’il ne remonte sur le ring que dans un an, voire un an et demi, Jean perdra tout le capital de sympathie qu’il a gagné.  Après une bonne période de repos bien mérité, il importe pour lui de se bâtir un plan bien précis qui l’amènera dans un premier temps à affronter quelques aspirants afin de se mettre en ligne pour un autre combat de championnat du monde.

Que ce soit les réseaux de télévision, ses partisans ou son promoteur, tout le monde souhaite qu’il obtienne un jour une autre chance, et ce, avant longtemps. Une possible revanche contre Kovalev ou un éventuel duel face à Adonis Stevenson devront attendre.

Pascal a peut-être évoqué les noms de Carl Froch et de Hopkins au terme de sa défaite, mais il serait plus qu’étonnant que l’un de ceux-ci acceptent de se mesurer au Québécois avec aucun titre à l’enjeu.

Bref, je ne crois pas que Jean doive viser un adversaire célèbre pour l’instant. Il doit plutôt envisager un choc contre un aspirant afin de se relancer. Il est certainement en mesure de le faire.

*Propos recueillis par Mikaël Filion