MONTRÉAL - À pareille date l’an dernier, il aurait été inimaginable de rencontrer Kevin Bizier en préparation pour un combat de championnat du monde tellement son avenir semblait incertain.

Le boxeur de Saint-Émile venait de subir deux défaites en autant de duels éliminatoires contre Jo Jo Dan et son combat de retour face à Fouad El Massoudi – qu’il a difficilement remporté par décision partagée des juges – ne l’enthousiasmait guère. Vraiment pas du tout à vrai dire.

Dans le passé, Bizier avait déjà exprimé son désarroi et même sa perte d’intérêt pour le sport après avoir poireauté dans l’antichambre des duels d’envergure en raison des aléas de l’industrie. Mais comme en politique, les choses ont le don de changer rapidement en boxe.

Confronté à l’espoir invaincu Fredrick Lawson dans une ultime chance de se qualifier pour un combat de championnat en novembre dernier à Miami, le sympathique cogneur a pleinement saisi sa chance et a ainsi obtenu le droit d’affronter le champion des poids mi-moyens de l’IBF Kell Brook le 26 mars prochain à Sheffield en Angleterre. La troisième fois fut donc la bonne.

Alors qu’il complète sa préparation pour le combat le plus important de sa carrière, Bizier a rencontré les membres des médias pour une dernière fois dans une atmosphère sans aucune commune mesure avec celle qui a déjà prévalu dans le passé. Candeur et franchise sont toujours au rendez-vous, même s’il faut rappeler que la tâche s’annonce plutôt titanesque.

« J’ai l’intention de tout donner. Je ne veux pas arriver là et dire que je me suis semi-donné, a promis Bizier après une séance de sparring tenue jeudi matin dans les locaux de Groupe Yvon Michel à Montréal. Nous avons fait preuve de courage et fait de sacrifices pour en arriver là. »

Malgré toute la confiance qu’il dégage, le pugiliste québécois sait que le réveil pourrait être brutal à son retour d’Angleterre. Comme il l’avait indiqué au quotidien Le Soleil il y a quelques semaines, le choc contre Brook pourrait être le dernier qu’il livre dans les rangs professionnels.

« Est-ce que je resterais pour me battre pour des cennes? La réponse est non. Je vais aller travailler dans une shop comme tout le monde. Un peu comme ce que vous (les journalistes) faites, a blagué Bizier. J’ai trop vu de boxeurs s’accrocher et conserver des séquelles.

« Pour le monde, je me donne corps et âme à la boxe, mais quand ce sera fini, eh bien, ce sera fini. Je ne veux pas devenir un faire-valoir qui accepte des combats de six ou huit rounds à la dernière minute pour 10 000 $. À un moment donné, il faut bien finir par passer à autre chose. »

Cela dit, la lucidité de Bizier ne l’a pas fait dévier d’un iota de son objectif. Son équipe a profité de l’enthousiasme généré à la suite de la victoire sur Lawson pour redoubler d’ardeur au travail.

« Kevin est dans sa meilleure condition physique depuis le début de sa carrière et est surtout rendu à un âge idéal pour relever ce genre de défi, a précisé son entraîneur Marc Ramsay. Nous n’aurions pas pu le pousser plus haut. Tout est en place pour une performance majeure!

« Si Brook se présente le moindrement avec un excès de confiance et qu’il a négligé le moindre détail pendant son camp d’entraînement, il risque de trouver la soirée très pénible. Kevin dégage une énergie vraiment intéressante à l’entraînement. Nous avons mis le paquet! »

Bizier n’a effectivement pas lésiné sur les moyens pour se donner toutes les chances de l’emportant en investissant notamment près de 15 000 $ pour les services d’un nutritionniste et en faisant appel à trois partenaires d’entraînement, dont l’Américain Carson Jones.

Jones a affronté Brook deux fois, s’inclinant par décision majoritaire la première et par arrêt de l’arbitre au huitième round la seconde. Bref, il est l’un des rares boxeurs, avec Shawn Porter, à être parvenu à repousser le champion invaincu dans ses derniers retranchements.

« Nous avons réalisé plusieurs belles choses pendant le camp d’entraînement, a assuré Ramsay. Kevin a bien progressé et comme le dernier combat contre Lawson était rapproché, cela a grandement facilité le travail. Je n’ai pas eu à reconstruire Kevin techniquement. »

« Marc m’a poussé en malade, tout comme mon préparateur physique Marc-André Wilson, a continué Bizier. J’aurai besoin de repos d’ici au combat, mais nous sommes en avance dans la préparation par rapport au dernier combat. Je suis très content de ce que nous avons fait. »

Depuis la retraite de Floyd Mayweather fils, Brook est considéré comme le meilleur mi-moyen au monde par The Ring et Ramsay parle même de l’un des meilleurs « livre pour livre » de la planète. Mais comme Bizier a tenu à le rappeler, c’est dans l’arène que cela se décide.

« Il y a des gens qui se demandaient si j’allais être capable de boxer à l’intérieur avec Lawson et je pense que cela a bien été, a analysé le sympathique cogneur. Je pense que je vais être capable de prendre les coups de Brook, mais je ne le saurai pas avant d’être dans le ring!

« Si je lui fais mal, c’est évident que je vais ensuite essayer de l’envoyer au plancher. De toute façon, si je veux gagner, je n’ai pas le choix de faire cela. J’ai une stratégie et je veux gagner des rounds en mettant de la pression. Mon intention, c’est d’aller casser le party là-bas. »