Lorsque Sergey Kovalev montera dans le ring samedi soir pour affronter Jean Pascal, il sera celui qui aura le plus de pression sur les épaules.

Tout d’abord, il est le champion qui défend ses titres WBO, WBA et IBF des mi-lourds. Ensuite, certains sites de pari sportif le placent favoris à 7 contre 1. À cette cote, c’est comme si le combat devait être à sens unique.

Personnellement, je ne crois pas qu’il y ait autant de différence que ça entre les deux. Ceux qui ont décidé de ces cotes sous-estiment Jean Pascal ou surestiment Sergey Kovalev.

Pascal est chargé à bloc

Je jasais avec l’entraîneur de Jean, Marc Ramsay, à son retour du camp d’entraînement. Il me disait à quel point le camp s’était bien déroulé et que Jean était dans sa bulle. Il était chargé à bloc.

Je m’attends à un combat où Jean va vraiment essayer de gagner. Il y a deux sortes d’approche lorsque tu affrontes Kovalev. Il y a celle où l’on veut survivre le plus longtemps possible, comme Bernard Hopkins a fait lorsqu’il s’est incliné face au Russe, ou celle où l’on veut tout donner pour s’imposer et il arrivera ce qui arrivera. Je pense que Jean optera pour celle-ci.

Pour faire cela, il va devoir s’imposer tôt dans le combat. Je suis convaincu qu’il a une stratégie pour l’emporter. Et pour pouvoir gagner l’affrontement, il devra se faire respecter de bonne heure.

Il va falloir qu’il oblige Kovalev à devenir hésitant. Jean peut te surprendre en explosant et te faire mal. Même s’il n’a pas gagné souvent par knock-out au cours des dernières années, Jean frappe avec autorité. Il a envoyé Hopkins au plancher à deux reprises. Quand il s’est battu contre Carl Froch, c’était parti comme des fous au début et il s’est imposé. Il avait ébranlé Froch de façon à se faire de la distance. Finalement, Jean avait perdu le combat par décision, mais il n’avait pas beaucoup d’expérience à cette époque.

Outre s’imposer tôt, il devra également frustrer Kovalev. S’il y a une faille potentielle chez Kovalev - et je dis cela parce qu’aucun boxeur n’a réussi à nous démontrer la limite du talent du Russe - c’est qu’il peut devenir frustré quand ça ne fonctionne pas à son goût.

C’est arrivé lorsqu’il a visité le plancher - il a plus trébuché qu’autre chose - contre Blake Caparello. Un peu aussi quand il n’était pas capable de coucher Cedric Agnew.

Contre Hopkins, le combat a été à son goût tout au long de celui-ci. La majorité de ses combats se sont déroulés comme il l’avait planifié. Si Jean est capable de le mettre hors d’équilibre et de le sortir de sa zone de confort, là il va être en bonne position.

Mais pour réussir cela, Jean va devoir sortir du coin comme s’il était sur un bloc de départ pour un sprint de 100 m. S’il veut juste étirer le combat pour l’avoir à la fin, Kovalev a prouvé contre Hopkins qu’il est capable de répartir ses énergies et de finir fort. Il ne peut pas compter sur une baisse de régime de Kovalev.

Le plan de match de Kovalev

Pour Kovalev, son plan de match sera d’être intense, de couper le ring, de garder sa distance avec son jab et de frapper Jean le plus souvent possible. C’est ce que Lucian Bute n’a pas été capable de faire. Bute s’est mis dans une position de contre-attaque.

Kovalev n’est pas un contre-attaquant, mais bien un attaquant. Jean est tellement non orthodoxe dans son approche que si tu essaies de trouver un moment pour le contre-attaquer, comme Chad Dawson et Bute ont essayé de le faire, tu finis deuxième avec lui.        

Hopkins avait compris cela. Il s’était organisé pour pas seulement attaquer, mais aussi faire semblant de l’attaquer et c’était suffisant pour mettre Jean sur la défensive.

De toute façon, la recette de Kovalev n’est pas compliquée. Il fait toujours la même. Il coupe le ring, il met de la pression et il contrôle le rythme du combat. S’il fait cela, Jean va trouver le temps long.

Si Jean réussit à s’imposer, lui faire mal, le faire hésiter et dicter le rythme du combat, à ce moment-là, ses chances de l’emporter vont être supérieures.

Le guerrier de la route contre le favori local

Jean Pascal aura la chance de se battre à la maison. Est-ce un avantage? Certainement. Mais pas un énorme.

Dans le cas de Kovalev, on parle d’un road warrior. Quand le Russe est allé en Angleterre pour se battre contre Nathan Cleverly, ça ne l’a pas dérangé du tout. Quand tu es originaire de la Russie et que tu t’en vas à l’extérieur, tu es toujours l’étranger. Donc pour lui, ça ne changera pas grand-chose.

C’est sûr que si c’était ailleurs, Jean Pascal aurait peut-être moins d’inspiration. On dit que lorsqu’un boxeur vient de l’extérieur et qu’il amène sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et sa famille, le gars va se battre à la mort parce qu’il ne veut pas avoir l’air fou devant les siens.

Jean, il va se battre devant les siens au Centre Bell.

Si tu es à l’extérieur et que ça ne se passe pas à ton goût, il se peut que tu te décourages plus rapidement. Mais quand tu es chez toi, tu ne te décourages pas.

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne