Clarissa Shields, Clarissa Shields, Clarissa Shields... C’est tout ce qu’on entend chez les Américains à Flint, au Michigan. C’est comme si Marie-Ève Dicaire n’existait pas. 

Pourtant, elle est bel et bien championne mondiale et montre une fiche parfaite de 17 victoires en autant de combats. Mais à Flint, connaît pas… 

Cette fois, Marie-Ève a la chance de coiffer quatre couronnes.   

Dicaire sait boxer, mais elle est négligée des parieurs et l’accepte. Contrairement à plusieurs de nos boxeurs québécois qui ont fait faillite en match de championnat, elle n’a pas crié à qui voulait l’entendre qu’elle épaterait le monde entier lors de ce match. Non, elle s’est tout simplement entraînée du mieux qu’elle le pouvait. Son titre est en jeu, et elle le défendra âprement. 

Si elle gagne, elle écrira une page d’histoire non seulement au Québec, mais dans le monde entier. 

Nos boxeurs n’ont pas été tellement chanceux dans la défense de leurs titres à l’extérieur du Québec au fil des ans. 

Le voyage ne paie pas 

En 1988, Matthew Hilton a perdu son titre IBF des super-mi-moyens aux mains de Robert Hines. La défaite est survenue au Hilton Center, de Las Vegas. 

En 2003, Éric Lucas s’est rendu en Allemagne pour se faire voler sa couronne WBC des super-moyens, à la suite d’une décision partagée douteuse en faveur de Markus Beyer. 

En 2012, Lucian Bute a connu son premier revers en carrière après 30 victoires et s’est fait assommer au cinquième round par Carl Froch, lui remettant ainsi son titre IBF des super-moyens, à Nottingham en Angleterre. 

Il y a 25 mois, plus exactement le 2 février 2019, Eleider Alvarez perdait la décision face à Sergey Kovalev et était du même coup déchu de son titre WBO des mi-lourds dans le Star Theater de Frisco, au Texas. 

Mais il faut persévérer. Personne ne donnait une mince chance à David Lemieux lors de son affrontement avec le géant Goliath, dans la vallée d’Elah, en Israël. On connaît la suite. C’est le négligé qui est sorti victorieux. 

Pas comme Gaétan Hart 

Marie-Ève ne s’en va pas au Michigan comme Gaétan Hart, quand il a affronté Aaron Pryor, à Cincinnati, le 22 novembre 1980 en match de championnat. Hart était totalement inconnu hors du Québec et avec  un entourage très limité, il était négligé des parieurs, ce qui n’est pas le cas sur tous les plans pour la Québécoise. Oui,  elle est délaissée par les parieurs, mais pas par une marge aussi large  et il faut bien l’admettre, elle est beaucoup plus talentueuse que ne  l’était notre ex-champion québécois. 

Dicaire ne se sent pas gênée ni incommodée par cette négligence. Au contraire, elle a bien accepté son sort, mais dans son for intérieur elle est consciente qu’elle affrontera la meilleure boxeuse au monde et devra puiser dans tout son répertoire pour garder le tempo avec elle. 

Ðeux choses importantes 

Deux choses attendent Marie-Ève Dicaire vendredi soir. 

Ou bien elle imitera le triomphe surprise d’Oscar Valdez sur Miguel Berchelt, il y a quelques semaines, ou bien elle connaîtra le même sort qu’Avni Yildirim, face à Canelo Alvarez. 

Dicaire a toute une commande sur les bras et les preneurs aux livres le savent très bien. Pourtant, sa fiche est impressionnante : 17 victoires en autant de combats mais pas un seul K.-O.. Chez elle, c’est la base fondamentale de la boxe qui prime. C’est le jab, suivi du crochet au corps ou à la tête ou encore vice-versa, qui lui a permis de devenir reine de l’IBF. Et il faut bien le dire, sa défense n’est pas piquée des vers non plus.  

Comment va-t-elle se comporter devant l’Américaine dont la bouche est aussi active que ses poings. 

Première fois hors Québec 

Marie-Ève en sera à sa première sortie hors du Québec. Elle se présentera dans un environnement hostile, ce qu’elle n’a jamais vécu auparavant. 

Sur le plan technique, on ne peut faire autrement que de favoriser l’Américaine. Médaillée d’or à deux occasions, en 2012 et en 2016, elle n’a perdu qu’un seul match au cours de ses carrières amateur et professionnelle. 

Seule la Britannique Savannah Marshall (9-0-0—7 K.-O.)  peut se vanter d’avoir vaincu Clarissa Shields. C’était en 2012, lors du championnat mondial amateur, à Quinhuangdao, en Chine. 

Un jour ce sera Marshall 

Shields veut absolument effacer ce revers de son dossier et si elle parvient à vaincre Dicaire, elle va tout faire pour retrouver la Britannique. D’ailleurs, Marshall doit se battre en avril prochain, en Angleterre, mais son adversaire n’a pas encore été choisie. 

Auparavant, Shields doit se produire en art martiaux mixtes à la mi-juin pour le compte de la Professional Fighters League sur le réseau ESPN. 

Ça fait drôle... Shields prochainement  dans les arts martiaux mixtes et Dicaire, une ex-championne de karaté. Qui sait, peut-être un jour vont-elles s’affronter dans l’octogone? 

Âgée de 34 ans, Dicaire n’est pas sans savoir qu’elle n’a pas de temps à perdre. La pandémie l’a obligée à demeurer inactive sur le ring pendant près de 16 mois, soit depuis le 23 novembre 2019. 

Yvon Michel dans son coin 

Depuis des lunes, le promoteur Yvon Michel s’est toujours contenté de suivre les combats de ses protégés en veston-cravate. Vendredi soir, il laissera tomber cette tenue vestimentaire pour le coupe-vent aux couleurs de GYM et il sera dans le coin de Dicaire pour aider sa protégée et ainsi épauler son entraîneur Stéphane Harnois. 

C’est une marque de confiance de la part d’Yvon Michel à l’égard de celle qu’il favorise pour revenir au Québec avec tous les titres.

« La tâche sera difficile, d’expliquer Yvon, mais c’est réalisable. » 

Malgré tout, Shields a pris ce combat très au sérieux, du moins c’est ce qu’elle prétend. Elle a même changé son nom de « T-REX » pour celui de « Wolf. »  

« Dicaire est la première boxeuse gauchère à qui je dois faire face, admet-elle. Ma performance me donnera la chance de montrer mon intelligence, mon savoir-faire de la boxe. Moi aussi je suis inactive depuis plus d’un an, mais ne vous en faites pas, je suis en grande forme et je vais gagner! » 

Prédiction : Clarissa Shields par décision 

Bonne boxe!