Ç'a été une soirée particulièrement forte en émotions vendredi soir au Centre Bell. J'ai eu peur de ne pas terminer le combat parce que mon épaule gauche me faisait très mal. La douleur est apparue au deuxième round, mais la situation s'est empirée au quatrième lorsque mon bras est resté pris dans les câbles.

C'est difficile d'expliquer ce qui s'est produit, même les médecins n'en ont pas la moindre idée. J'avais de la difficulté à soulever mon bras et à lancer des coups et j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'un nerf coincé. Je vais subir un examen d'imagerie par résonance magnétique lundi, car l'enflure était trop importante pour le passer samedi matin.

Ça n'a rien à avoir avec la blessure subie pendant mon deuxième combat contre Adrian Diaconu, alors que l'épaule droite était sortie de l'articulation et que l'os s'était fracturé en deux. À choisir entre être privé de la droite ou de la gauche, je choisis la droite! Sans la gauche, j'avais de la difficulté à me protéger et à mesurer la distance. J'étais obligé de foncer tête baissée pour essayer de toucher à mon adversaire.

Par contre, je n'aurais pas pu mieux tester ma main droite. Au 10e round, j'ai cependant ressenti une petite douleur et puisque j'avais déjà l'épaule gauche amochée, j'ai décidé de la ménager un peu. Dans les circonstances, je crois que j'ai donné un bon spectacle.

Chose certaine, l'idée de jeter l'éponge ne m'a jamais traversé l'esprit. Dans la vie, j'ai la devise de ne jamais abandonner. À l'école, dans les sports ou encore dans nos relations, il ne faut jamais lâcher. Il faut toujours y aller jusqu'à la fin. Je savais que j'avais 6000 partisans derrière moi, alors c'était facile de me dire que j'allais combattre la douleur et remporter la bataille.

Toutefois, c'est évident que ce n'est pas plaisant d'entendre des huées et ça me fait mal au cœur parce que je m'entraîne vraiment fort. J'ai donné mon 100 pour cent avec une main en mois. Bien d'autres boxeurs auraient abandonné, comme Bernard Hopkins l'a déjà fait dans son premier combat contre Chad Dawson.

Je comprends que les gens veulent voir des victoires par knock-out, mais la boxe c'est le noble art. C'est une question de technique avant tout. Mais bon, je préfère croire qu'il ne s'agit que d'une minorité d'amateurs qui avaient beaucoup de plaisir, plus la soirée avançait!

Pas question de revivre 19 mois loin du ring

Après 19 mois d'inactivité, les 10 rounds ont été vraiment bénéfiques. Si je l'avais emporté par knock-out rapidement, je n'aurais pas assez fait de millage. Les 10 rounds ont été difficiles et je suis convaincu que je serai à 100 pour cent pour mon prochain combat.

Je pense également que ces blessures ne sont qu'une question de malchance. Mon entraîneur Marc Ramsay me compare souvent à une Formule 1. Un petit détail parvient souvent à la faire dérailler. C'est tout simplement mon corps qui est fait comme ça. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas y aller de quelques ajustements dans le futur.

Pas question cependant de remonter dans l'arène si je ne suis pas complètement en santé. Mon épaule me faisait encore extrêmement mal samedi matin, mais après des traitements subis pendant l'après-midi, l'état de mon épaule s'est amélioré de 50 ou 60 pour cent. J'espère qu'il n'y a pas de déchirure que je ne devrai ne faire qu'un peu de physiothérapie.

De l'extérieur, c'est facile de juger sévèrement Aleksy Kuziemski, mais Diaconu n'avait également pas été capable de me battre même si je ne me défendais qu'avec une seule main. Il craignait vraisemblablement ma force de frappe ou pensait que ce n'était qu'un piège. Dans le ring, il y a une tonne de choses à penser en même temps, c'est loin d'être évident.

Mes hommes de coin ont quant à eux été très calmes malgré la situation. C'était du déjà vu et ils ont bien réagi. Marc m'a tout de suite rappelé que je m'étais battu à une main une fois et que je pouvais très bien le faire une deuxième. J'ai aussi appris que la mâchoire de Kuziemski était fracturée, ce qui signifie que je l'ai atteint très solidement. Bref, c'est dans ce genre de moments que l'on sépare les petits des grands athlètes.

Avant le combat, je m'étais imaginé ne prendre qu'une semaine de vacances après avoir battu Kuziemski, car je ne voulais pas être trop éloigné du gymnase, surtout après 19 mois loin du ring. Je vais connaître les résultats de mes examens lundi après-midi et si c'est négatif, je me ferai opérer dès le lendemain. Par contre, cela signifie que je serai à l'écart pour une période d'au moins six mois, dont les trois premiers uniquement en physiothérapie.

Je ne veux certainement pas revivre ça, car j'ai réalisé ce que Georges St-Pierre a vécu à son retour dans l'octogone en novembre. Les réflexes, la coordination et la notion de distance peuvent être retrouvés à l'entraînement, mais c'est une autre paire de manches dans l'arène avec un adversaire.

Pour vous donner une meilleure idée, je porte un casque et des gants de 18 onces en sparring, alors que je n'ai pas de casque et des gants de 10 onces dans un combat. C'est un monde de différence.

En terminant, j'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter un joyeux temps des Fêtes aux lecteurs du RDS.ca ainsi qu'aux téléspectateurs de RDS.

*Retranscription d'une entrevue accordée à l'émission L'antichambre