Il faut pardonner à l'aspirant des poids lourds Oleg Maskaev d'être un peu perplexe et ennuyé.

À l'âge de 37 ans, l'immigrant du Kazakhstan disputera son premier combat de championnat du monde samedi soir, alors qu'il affrontera Hasim Rahman au Thomas & Mack Center de Las Vegas. Maskaev, qui a obtenu un spectaculaire KO au huitième round face à Rahman en novembre 1999, est excité à l'idée de pouvoir remporter une ceinture mondiale, mais il n'est pas un grand partisan du thème du combat et de la campagne de marketing entourant la soirée.

Cherchant un angle pour vendre un combat qui n'existe pas particulièrement les masses, Bob Arum, le promoteur de Top Rank, a joué la carte du nationalisme et, sur un fond de drapeau américain, a appelé la soirée "America's Last Line of Defense" (la dernière ligne de défense de l'Amérique).

La boxe et le nationalisme ont toujours marché main dans la main et Arum ne voulait pas laisser passer cette opportunité, alors que trois des quatre champions des lourds sont des produits de la machine sportive de l'ancienne Union soviétique.

Il y a Wladimir Klitschko, la star ukrainienne et l'enfant chéri de HBO qui a défait l'Américain Chris Byrd en avril pour remporter le titre.

Il y a Nicolay Valuev, le géant russe de sept pieds et 320 livres qui fait paraître le fictif Ivan Drago, rival de Rocky Balboa, tout petit à côté de lui.

Et il y a le Bélarus Sergei Liakhovich, qui a surpris l'Américain Lamon Brewster en avril pour s'emparer lui aussi d'une ceinture.

Ce qui laisse à Rahman (41-5-2, 33 KOs), un natif de Baltimore qui réside maintenant à Las Vegas, le poids d'être le seul Américain d'origine à détenir un titre mondial, tout un retour de situation considérant que pendant près d'un siècle, le championnat des lourds a été l'affaire presque exclusive des Américains.

Il y a un seul problème, cependant.

Maskaev (32-5-0, 25 KOs) est aussi Américain.

Il est peut-être né et a grandi sous le vieux drapeau soviétique - il a été lieutenant dans l'Armée soviétique pendant sept ans - mais il réside à Staten Island, dans l'État de New York, depuis 1999 avec sa femme, Stevlana, et leurs quatre filles.

Il y a deux ans, comme des millions d'immigrants avant lui, il est devenu citoyen américain, et il est agacé par le fait qu'il est dépeint comme tout sauf un américain loyal.

"C'est quelque chose qui m'agace c'est vrai, a mentionné Maskaev. Peu importe le gagnant de ce combat, il sera Américain."

Pourquoi avoir laissé un petit détail se transformer en sorte de deuxième Guerre froide?

"Nous sommes un peu mêlés avec le thème de la soirée, a affirmé Fred Kesch, le gérant de Maskaev. Oleg, qui est un citoyen américain, se dit que Rahman veut peut-être envahir Staten Island, où Oleg vit avec sa famille."

Pour prouver son amour aux États-Unis, Maskaev s'est présenté à la conférence de presse de mercredi avec son certificat de naissance en main. Et pour en rajouter, son équipe portait des chandails avec la photo de Maskaev qui portait un drapeau américain sur ses épaules.

"Je dirais que je suis un fier russo-américain, a dit Maskaev. À présent, je suis un citoyen américain. J'ai quatre enfants, et la dernière d'entre eux, est Américaine également. Elle est née ici. J'ai eu la chance de pouvoir offrir une bonne éducation à mes filles et une maison pour rendre ma femme heureuse. Elle est très heureuse d'être ici. C'est le rêve américain."

Arum a dit ne pas vouloir manquer de respect à Maskaev lorsqu'il a nommé le combat. Il a ajouté qu'il n'avait pas réalisé que Maskaev était devenu un citoyen.

Peu importe, Arum demeure à l'aise avec le thème.

"Même s'il est un citoyen américain, ça demeure la dernière ligne de défense de l'Amérique parce que Rock est le dernier Américain d'origine à être champion des lourds, a mentionné Arum. Je comprends ce que dit le camp de Maskaev, et je ne veux certainement pas insulter les immigrants, mais Maskaev va toujours être considéré comme un boxeur venant du bloc soviétique. Il est un produit du système sportif soviétique et il a servi dans l'armée soviétique. C'est ce que les gens vont voir."

Rahman, 33 ans, croit pour sa part qu'il serait déjà assez dut de perdre une fois de plus face à Maskaev. Laisser aller la dernière ceinture des lourds à un autre boxeur de l'ancienne Union soviétique serait impensable.

"Regardez autour de vous. Tous les autres détenteurs de ceintures ne sont pas Américains et ils tentent de compléter le balayage, a noté Rahman. On m'envoit pour représenter mon pays et c'est ce que j'ai l'intention de faire."

Rahman a ajouté qu'il ressentait une responsabilité supplémentaire de l'emporter pour son pays.

"Je dois le vaincre pour mon pays, a-t-il dit. Je sens que si je perds ce combat, je vais me laisser tomber ainsi que ma famille, mon équipe et mon pays. Je n'ai jamais senti que je portais mon pays sur mon dos comme ce sera le cas. Je ne peux tout simplement pas permettre un balayage."

Lorsqu'on a dit à Rahman que Maskaev était devenu citoyen américain il y a deux ans, Rahman n'a pas changé de ton.

"Laissez-moi être plus spécifique, a-t-il mentionné. Ça ne m'intéresse pas de savoir d'où il vient et depuis combien de temps il est ici. Cet Américain - en se pointant - va détenir le titre."