RDS diffusera samedi dès 22 h 45 le combat opposant Bernard Hopkins à Sergey Kovalev, en direct d'Atlantic City.

La première chose qui me frappe chez Bernard Hopkins, c’est sa barbe. Elle est aussi blanche que la mienne et pourtant, nous avons presque 35 ans de différence d’âge. Là s’arrête ma comparaison avec celui qui aime se faire appeler « L’Extra-terrestre ».

Mais attention. Comme le soulignait si bien son rival Sergey Kovalev, « Alien, en anglais veut dire un chevreuil en russe. Donc, je suppose que Hopkins est un chevreuil extra-terrestre », de se moquer Kovalev.

Un fait demeure, à 49 ans (il en aura 50 le 15 janvier prochain), Bernard Hopkins est un phénomène de la nature. Même son médecin traitant, le docteur Adam Pasternak, n’en revient pas.  « Il a la santé d’un jeune homme de 20 ans, » ne craint pas de dire le toubib.

Notre quinquagénaire n’est pas comme la plupart des autres boxeurs, « B-Hop » n’a jamais reculé devant les meilleurs. Nommez-les, il les a tous battus : Felix Trinidad, Oscar De La Hoya, Tavoris Cloud, Kelly Pavlik, Antonio Tarver, pour ne parler que de ceux-là.

Contrairement à Kovalev, Hopkins est un habitué des longs combats. D’ailleurs, 14 de ses 15 derniers affrontements se sont rendus à la limite de 12 assauts. Seul celui contre Chad Dawson, en avril 2012, s’est terminé par un « no contest » au deuxième engagement, résultat d’une prise de lutte qui avait envoyé B-Hop dans les câbles et l’avait blessé à l’épaule.

Le fils de Hopkins

À 31 ans, Sergey Kovalev pourrait être le fils de Mathusalem Hopkins.

Il est jeune, il est invaincu, il présente une force de frappe qui sort de l’ordinaire et prétend qu’il est prêt à faire 12 rounds, 15 s’il le faut. Mais souvenez-vous. Kelly Pavlik avait dit à peu près la même chose avant de paraître comme un amateur devant le maître.

Kovalev avant la limite

Kovalev réalise actuellement un rêve. Le rêve américain en somme. Il a été élevé dans la pauvreté en Russie, tout comme Hopkins aux États-Unis. En 2009, il a immigré aux Etats-Unis et a commencé à boxer professionnellement. Tout allait très bien mais après 15 combats, et 15 victoires, voyant qu’il n’avançait à pratiquement rien, il est venu bien près de retourner dans son patelin natal.

Ce n’est qu’en 2012 qu’il a vu son rêve prendre son envol grâce à Kathy Duva, la présidente et directrice générale de Main Event Promotions. Ce 1er juin 2012, elle le lança sur le ring dans un match contre Darnell Boone, le seul qui, jusque-là,  était parvenu à faire la limite devant Kovalev.  Il n’a fallu que deux rounds pour finalement assommer Boone, et c’est à la suite de ce triomphe que Madame Duva l’a baptisé « Krusher ».

C’est en 2013, en Grande-Bretagne, que Kovalev a gagné son premier titre mondial en battant Nathan Cleverly en quatre rounds.

Cette conquête a semblé figer les meilleurs boxeurs de la catégorie des mi-lourds et les adversaires ne se présentaient pas aux portes très souvent pour le défier.

Enfin son rêve se réalise non seulement sur le ring avec cet affrontement contre un champion qu’il respecte au plus haut point, mais aussi dans sa vie privée. Samedi soir, sur le Boardwalk d’Atlantic City, Kovalev livrera le plus important combat de sa carrière, tandis que pour son rival, ce sera une soirée comme bien d’autres qu’il a connues au cours de sa longue carrière.

Si Kovalev était énervé, pour ne pas dire ébahi, quand il a gagné sa première ceinture mondiale WBO, imaginez ce qu’il pourrait ressentir s’il parvenait à mériter les trois titres à l’enjeu ce soir-là.

Un nouveau papa

Il vit maintenant à Los Angeles, en Californie et son épouse vient de donner naissance il y a un peu plus d’un mois à un fils qui se nomme Aleksander.

Pour montrer le sérieux de Kovalev, dans son entraînement, il n’a pris qu’une journée de son camp d’entrainement à Bear Lake situé à environ deux heures de Los Angeles pour venir assister son épouse dans son accouchement.

« Je voulais absolument qu’il soit là pour prendre son fils dans  ses bras », de dire son épouse Natalia.

Après la journée à l’hôpital, Kovelev est retourné à son camp d’entrainement à 7 000 pieds d’altitude dans les montagnes.

« Mon fils n’aura pas à vivre une jeunesse comme moi », n’a pas manqué de souligner Kovalev.  Mais avant tout, je vais lui montrer d’où je viens. Je vais lui raconter comment j’ai dû m’exiler, suer, baver, pour arriver où je suis aujourd’hui. »

Qui va gagner? La jeunesse, la force de frappe de Kovalev ou bien la finesse, la brutalité d’Hopkins?

À première vue, Hopkins est un meilleur boxeur que Kovalev.  Au cours de sa carrière de 26 ans dans la boxe, il n’a jamais été mis K.-O. et pourtant, il a affronté les meilleurs. Mais à 49 ans, même si la médecine le prend pour un phénomène, même si son corps ne ressemble en rien à celui d’un quinquagénaire, un jour, comme chacun de nous le « père Temps » va le rattraper. Ce jour est-il arrivé? « Certes pas », se plait à affirmer B-Hop.

« Je mène une vie rangée depuis toujours. Je m’entraîne régulièrement. Je mange sainement. Je n’ai donc pas à m’en faire avec ma santé et ma condition physique. En plus ma façon de boxer, d’éviter les coups me rend la tâche plus facile. »

L’exemple de la tortue

Lorsque l’on parle de sa défensive à toute épreuve, Hopkins se plait à la comparer à une tortue.  « Vous savez ce que fait une tortue lorsqu’elle est en difficulté?  Elle rentre le cou en dedans de sa carapace et elle attend le moment opportun pour se sortir la tête. C’est exactement ce que je conseille à tous les jeunes qui viennent s’entraîner avec moi. Tu baisses ta tête le plus loin que ton cou peut le faire et tu reprends ton attaque quand la pression est passée. »

Honnêtement, je ne sais pas qui va gagner. J’ai opté pour Kovalev à cause de son âge et de sa force de frappe. S’il gagne, son nom sera inscrit dans le livre des records comme ayant été celui qui a mis fin au règne du plus vieux champion boxeur sur cette basse terre.

Les cotes sont serrées, mais en faveur de Kovalev. Surtout en raison de son jeune âge comparé à son rival. Mais sera-t-il capable de tenir le coup pendant 12 rounds?  Pourra-t-il éviter les coups de tête et les coups de coude de B-Hop.  Et surtout, Krusher sera-t-il capable de maintenir le cap pendant 12 assauts ? Il n’a jamais réussi un tel exploit. Le plus loin qu’il s’est rendu sur un ring, c’est huit rounds et il y a déjà quatre ans de cela.

La dernière phrase de Kovalev concernant Hopkins veut tout dire. « Je veux mettre un terme à sa carrière, car lui ne le fera jamais. »

Pourtant, l’Extra-terrestre a bien spécifié que, gagne ou perd, il va continuer à se battre. On peut se demander pourquoi. Il est riche à millions, est en bonne santé, a une belle famille et il fait ce qu’il veut quand il le veut. Que demander de plus?

Je choisis  Kovalev pour devenir le premier boxeur de l’histoire à passer le K.-O. à Bernard Hopkins. Toutefois, un bémol. Il devra réussir l’exploit avant le neuvième assaut, sinon la tâche sera extrêmement ardue et il y a de fortes chances que l’Extra-terrestre continue son règne victorieux  encore et encore.

Et que fera le gagnant avec ses trois ceintures? Se mesurera-t-il enfin à Adonis Stevenson ou la guerre des nerfs entre Kathy Duva et Yvon Michel va-t-elle durer encore bien longtemps? Si tel est le cas, l’adversaire idéal pour celui qui sortira victorieux serait nul autre que Jean Pascal, celui-là même qui avait terrassé deux fois Hopkins dans un même combat.

Pascal-Hopkins ou bien Pascal-Kovalev, ou encore Stevenson contre l’un ou l’autre?  Pas de différence, tant que l’affrontement ait lieu. Et n’oubliez pas, il y a un certain Arthur Beterbiev qui figure dans le portrait. Il a déjà vaincu Kovalev deux fois chez les amateurs. Dans un avenir rapproché, lui aussi son tour va venir.

Bonne boxe!