MONTRÉAL – Dès le moment où Tom Breese a franchi le seuil de la porte du Tristar, il a su qu’il ne reviendrait jamais sur ses pas.

C’était en 2013. Breese avait 21 ans et six combats à son actif. Sa plus récente victoire, aussi facile que les précédentes, lui avait valu le titre de champion des mi-moyens de l’organisation britannique BAMMA. Son entraîneur de l’époque, Marc Goddard – le même que vous connaissez peut-être pour sa carrière parallèle d’arbitre –, sentait que son élève commençait à plafonner dans son petit gym de Birmingham, en Angleterre. Il a donc contacté son bon ami Éric O’Keefe, à Montréal, pour voir s’il ne pouvait pas s’occuper de son poulain pendant quelques semaines.

La proposition tombait à point. Au même moment, Georges St-Pierre cherchait des gauchers pour l’aider dans sa préparation pour son combat contre Nick Diaz. Breese répondait au critère et a ainsi fait incursion dans l’équipe du stratège Firas Zahabi. Pendant huit semaines, il a mis les gants contre celui qui était considéré par plusieurs comme le meilleur combattant au monde.

« De toute ma vie, jamais je n’avais appris autant de choses en si peu de temps », raconte le sympathique gaillard.

Sans hésiter, Breese a donc défait ses valises et opté pour la modestie des dortoirs adjacents à son nouveau gymnase dans le but de s’offrir le vrai luxe, celui de compter sur des enseignants et des partenaires d’entraînement capables d’amener sa carrière à un autre niveau.

« Il faut s’entourer des meilleurs si on veut devenir le meilleur, a-t-il réalisé. En Angleterre, c’était impossible pour moi d’obtenir un encadrement d’une telle qualité. Il n’y avait personne pour me sortir de ma zone de confort. Ici, on me pousse constamment à me dépasser. »

La malchance a toutefois repoussé l’apparition des dividendes recherchés. En juillet, alors qu’il se préparait pour un combat contre Cathal Pendred, Breese s’est déchiré le ligament croisé antérieur du genou gauche. Il est retourné à la maison pour se refaire une santé, travaillant dans les bars pour renflouer ses économies.

À son retour, 16 mois plus tard, il a signé sa septième victoire, sa sixième par soumission. L’UFC l’a aussitôt jugé mûr pour les ligues majeures et l’a invité à faire ses débuts au sein de l’organisation.

Tom Breese« Il ne fait aucun doute pour moi que je n’y serais pas arrivé aussi vite si je n’étais pas entré au Tristar. Si les gens de l’UFC m’avaient vu comme un gars d’une petite équipe d’Angleterre avec une fiche de 7-0, je crois qu’ils auraient attendu encore un peu avant de m’offrir ma chance. Le Tristar m’a ouvert des portes. »

Autres défis, même efficacité. À son premier combat à l’extérieur de son pays natal, Breese a passé le K.-O. à Luiz Jorge Dutra Jr au Brésil. Il a ensuite envoyé Pendred à la retraite en lui réservant le même sort devant ses partisans, en Irlande. Deux favoris de la foule éliminés en moins d’un round.

Avec le boni que lui a valu sa plus récente victoire, Breese s’est acheté un condo près du gym, rue Jean-Talon. Sa décision de traverser l’Atlantique pour s’établir à Montréal a été payante et il est ici pour y rester. L’avenir de GSP est flou et Rory MacDonald n’a certainement pas dit son dernier mot, mais le visiteur, bien au fait des règles de la maison, entend tôt ou tard ramener une ceinture au Tristar.

« Je ne me suis jamais battu contre un coéquipier et ça ne commencera pas ici. Si Rory devient champion, je le laisserai faire ce qu’il a à faire. J’attendrai en ligne s’il le faut, mais je serai champion un jour. »

Des gradins à l’octogone

Breese venait d’avoir 17 ans quand l’UFC est débarqué à Birmingham, en octobre 2008. Son père et lui étaient dans les gradins quand Michael Bisping, le héros local, a fait sa marche vers l’octogone pour affronter Chris Leben dans le combat principal de la soirée.

« Bien avant d’aspirer à en gagner ma vie, j’étais un grand amateur de MMA. Je connaissais les statistiques de tous les combattants sur le bout des doigts, j’étudiais le sport assidument », dit le jeune Brummy dans son fort accent typique du cœur de l’Angleterre.

La passion de Breese ne se limitait pas à la théorie. Deux ans plus tôt, il s’était initié aux arts martiaux en s’inscrivant à un cours de jiu-jitsu japonais. Peu de temps après, il avait trouvé mieux encore : un vrai gymnase d’arts martiaux mixtes où a pris forme l’athlète de pointe qu’il est devenu.

Oubliez le stéréotype du combattant britannique unidimensionnel. Bien sûr, Breese sait boxer. Même s’il n’a jamais touché un sou en enfilant les gants de 10 onces, il possède sa licence de boxeur professionnel et a servi de partenaire d’entraînement à Lucian Bute alors que ce dernier se préparait à affronter James DeGale l’automne dernier.

Mais il a aussi été champion national junior en lutte libre avant d’arriver en Amérique et aux plus récents championnats du monde de jiu-jitsu sans gi, il a remporté la médaille d’argent dans la division des poids lourds des ceintures violettes.

Mélangez tout ça et vous obtenez une machine bien programmée qui, après avoir complétée une carrière amateur avec neuf victoires en autant de combats, n’a toujours pas connu la défaite chez les pros.

Samedi, Michael Bisping disputera son septième combat devant son public anglais et cette fois, au lieu d’assister au spectacle des gradins, Tom Breese en fera partie. Il partagera peut-être même un vestiaire avec son idole d’enfance alors qu’il se battra en sous-carte du gala qui mettra en vedette le « Count » face au Brésilien Anderson Silva.

« Je ne lui ai jamais parlé encore, mais je sais qu’il me connaît. Dans une entrevue, récemment, je l’ai entendu inclure mon nom dans la liste des jeunes combattants anglais qui montaient dans les rangs », sourit Breese, qui livrera son premier combat dans son pays natal depuis son déménagement à Montréal.

« Je ne m’attends pas à un accueil à tout casser, prédit-il humblement. En ce moment, je sais que plusieurs personnes ont des attentes très élevées envers moi. Je veux montrer que je peux gagner de façon constante, je veux leur donner raison. Mais je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup de partisans en Angleterre. Peut-être que je me trompe. Peut-être que j’aurai une belle surprise. »

Après avoir démonté un combattant deux fois plus expérimenté que lui en Pendred, Breese se frottera à un autre vieux renard du nom de Keita Nakamura, un Japonais de 31 ans qui compte 40 combats à son actif.

« Un vrai combattant veut se mesurer à tous les styles d’adversaires, alors je suis prêt pour n’importe qui », prévient-il.