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RÉSULTATS

Le coeur brisé...

Chronique boxe d'Yvon Michel Chronique boxe d'Yvon Michel - RDS
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Mise à jour

Mon ami Lou DiBella vient d'afficher sur son compte « X » : La boxe brise simplement ton cœur... encore et encore.

C'est pertinent pour les millions de supporteurs de Ryan Garcia qui vient d'apprendre que leur idole a testé positif aux stéroïdes.

Ce l'est également pour Oscar De La Hoya ou Canelo Alvarez, tout dépendant de notre perspective, qui se lancent des insultes vicieuses en conférence de presse.

C'est aussi approprié quand un boxeur qu'on connaît très bien décède prématurément à l'âge de 57 ans comme Dingaan Thobela qui est venu boxer chez nous à quatre reprises et qui a participé au début d'une grande épopée de la boxe au Québec.

Ryan Garcia positif  : un éclairage nouveau sur sa victoire

Ryan Garcia (25-1, 20 K.-O.) n'aura même pas eu deux semaines pour célébrer la plus importante victoire de sa carrière contre Devin Haney du 20 avril dernier au Barclays de Brooklyn. Mercredi dernier, le ciel lui est tombé sur la tête quand le rapport de VADA a révélé avoir détecté de l'Ostarine dans son urine et peut-être une autre substance qui reste à confirmer.

Comme dans tous les cas de ce genre, le boxeur va nier, son promoteur va le supporter, son adversaire va le traiter de tricheur et l'accuser d'avoir attenté à sa vie, la commission athlétique va parler de la sécurité et l'intégrité du sport, le milieu de la boxe va le suspendre, le public va demander des excuses et les parieurs vont crier au vol.

Oui, les parieurs qui avaient misé sur Haney ne pourront jamais revendiquer des gains même si le verdict devait être changé. Pour m'assurer, j'ai communiqué avec Frédéric Dufour de Mise-O-Jeu.

« Les résultats sont déterminés en fonction de l'annonce officielle faite sur le ring, sauf si une modification est apportée en fonction d'une erreur humaine commise au moment de l'annonce des résultats. Une fois qu'elle est enregistrée dans son système, on ne tient pas compte des protêts, des décisions renversées ou des résultats modifiés », a dit Dufour.

Madame Christiane Ayotte de l'INRS a souvent pris la parole sur le sujet et selon sa vaste expérience, il n'y a jamais de fumée sans feu et tout athlète est responsable de tout ce qui se trouve dans son système, que ce soit sciemment on non. Je suis pas mal d'accord avec cette position.

J'ai vécu cette expérience extrêmement difficile et pénible avec un de mes athlètes. Lucian Bute, a testé positif à l'ostarine après son combat, un verdict nul contre Badou Jack à Washington le 30 avril 2016. Le résultat a été annoncé le 27 mai. Bute était assommé et incrédule et je l'ai toujours cru quand il se disait non responsable.

Pour prouver son innocence, Bute a retenu les services d'un avocat spécialisé en Californie qui a réussi à faire la démonstration par un laboratoire californien que celui qui avait préparé la mixture des suppléments nutritifs recommandés par son nutritionniste avait été contaminés par des traces d'ostarine. Parce que oui, on avait décelé que des traces infimes dans son test positif, mais aujourd'hui les tests sont tellement sophistiqués et précis qu'on peut détecter la plus infime trace de molécule.

Lucian a dû investir plus de 100 000$ en frais pour prouver qu'il n'avait pas d'intentions illégales.

Malgré tout, son verdict nul contre Jack a été changé par une défaite par disqualification. Il a dû payer 50 000$ d'amende au WBC et a servi une suspension de six mois. L'annonce de son test positif a été publiée partout dans le monde, mais celle qui démontre sa bonne foi n'a été publiée que par un seul journaliste, dans le Journal de Montréal le 25 novembre suivant. Personne d'autre n'a jugé bon d'en faire seulement mention.

Encore aujourd'hui, alors qu'on annonce le résultat de Garcia, de nombreux articles, comme celui de Mike Coppinger sur ESPN.com, rappellent le test positif de Bute à la même substance en 2016 sans toutefois mentionner que dans son cas il a été prouvé que la cause était des suppléments contaminés.Lucian Bute ey Yvon Michel

Alors, est-ce que Garcia s'est délibérément dopé? C'est certain que son attitude générale et son comportement ne plaident pas en sa faveur, mais je suis de ceux qui croient qu'il faut lui donner la chance de s'expliquer parce que c'est la première fois que ça lui arrive.

Comme Bute, peu importe les explications, il va y avoir un prix à payer. Sa victoire va lui être enlevée, probablement six mois de suspension, un programme de dépistage antidopage strict et une pénalité financière.

Là où je considère que le système est faible, c'est au sujet des récidivistes. Dillian Whyte s'est fait prendre trois ou quatre fois, Jarrell Miller aussi et ils ont toujours leurs permis, là on ne peut plus donner le bénéfice du doute. Une récidive, ça devrait être un bannissement à vie du sport. De cette façon. ça enverrait un message clair à tous.

Canelo vs De La Hoya, règlement de compte ou une stratégie?

Je ne sais pas si vous avez suivi la conférence de presse Alvarez/Munguia mercredi dernier, mais l'aspirant Jaime Munguia (43-0, 34 K.-O.) n'était qu'un spectateur témoin de la bagarre verbale entre son promoteur Oscar De La Hoya et son adversaire le champion Canelo Alvarez (60-2-2, 39 K.-O.).

Le rendez-vous avec les médias était pour promouvoir l'événement de boxe de la célébration Mexicaine « Cinco de Mayo » qui commémore la victoire des forces du Mexique sur celles de la France à Puebla, le 5 mai 1862.

Alvarez va défendre ses quatre titres WBC, WBA, IBF et WBO des super moyens pour la 4e fois au T-Mobile Arena de Las Vegas, présenté sur Prime Video aux États-Unis et sur DAZN dans le reste du monde. Une promotion de Premier Boxing Champions en collaboration avec Golden Boy.Canelo Alvarez

De La Hoya a encore sur le cœur la défection de son ancienne grande vedette en 2021. C'est la première fois depuis la victoire d'Alvarez sur Callum Smith, au Alamodome en décembre 2020, que les deux se retrouvent sur la même scène.

On se souvient que le divorce est survenu à la suite d'une poursuite intentée par Alvarez contre Golden Boy et DAZN qui s'est réglée par une entente hors cours. Mais ça faisait très longtemps que le courant ne passait plus entre le président de GB et le champion.

Dans son allocution, De La Hoya a admis ses antécédents de consommation, ses séjours dans des cliniques de désintoxications et ses problèmes de santé mentale qui auraient fait perdre tout respect pour lui de sa grande vedette et l'éventuelle séparation.

Il a souligné le manque de respect, de loyauté et d'empathie de Canelo pour tout ce qu'il avait fait pour sa carrière. Il a surtout mis l'emphase sur les 2 tests antidopages manqués par Canelo et son bonheur d'avoir enfin trouvé, en Jaime Munguia, un jeune boxeur de 27 ans qui va détrôner celui que serait usé, malgré ses 33 ans, par ses nombreuses années en boxe professionnelle.

Alvarez a débuté sa carrière professionnelle à 16 ans, a livré 484 rounds en 64 combats dont 23 en championnat du monde (19-2-2, 11 K.-O.) dans 5 divisions de poids de 147 à 175 livres.

La réplique de Canelo a été incisive. Il a parlé de l'absence de De La Hoya dans les combats importants de ses boxeurs, de son ego surdimensionné qui éclipse tous ses boxeurs, de son goût pour le sexe excentré et enfin l'a accusé de voler ses boxeurs et que lui a été obligé d'engager des avocats pour se protéger. Après la conférence, De La Hoya se disait heureux d'avoir pénétré l'épiderme de la vedette pour trouver un avantage pour son protégé et que sa stratégie avait fonctionné. Questionné s'il a craint que Canelo lui assène un coup de poing, il a répondu par la négative.

C'était peut-être une stratégie, mais ça lui a fait sûrement du bien de se défouler sans retenue.

Pour Canelo, il a dit qu'il avait trop d'expérience pour se laisser déranger et qu'il savait compartimenter le combat et sa promotion. Il a aussi ajouté que si son ancien partenaire avait été près de lui pour la photo finale, il l'aurait certainement frappé! Il a terminé en prédisant une victoire par K.-O. au 8e round.

Munguia, toujours très respectueux, n'a pas eu à faire grand-chose pour mousser l'intérêt affirmant qu'il était prêt à relever le défi.

Il faut avouer que la conférence a certainement contribuée à mousser l'intérêt de cet événement, mais contrairement aux boxeurs qui vont mutuellement se féliciter et faire l'accolade après le combat, peu importe le résultat, l'animosité entre Alvarez et De La Hoya va toujours être aussi ardente, ce qui est quand même dommage et triste pour ces 2 grandes légendes de la boxe.

Saul Alvarez est un boxeur complet, expérimenté, incisif et motivé. Il n'a pas obtenu de  K.-O. à ses quatre derniers combats, mais trouve toujours le moyen de faire mal à ses adversaires et obtenir leur respect. Il est polyvalent, brillant en attaque et véritablement génial en défensive où ses changements de plans, d'angles et ses constants mouvements déséquilibrent le meilleur attaquant.

Munguia vient de connaître ses deux meilleures performances en carrières avec une décision en juin 2023 sur le solide Sergiy Derevyanchenko (15-5, 10 K.-O.) et son  K.-O. technique au 9e round sur John Ryder (32-7, 18 K.-O.). C'est un boxeur intense, agressif, qui excelle offensivement. Durant toute sa carrière, c'est son attaque qui a été sa défensive c'est-à-dire qu'il bouscule ses adversaires sans leur laisser la chance de répliquer.

Le combat sera spectaculaire, en fait c'est toujours spécial et excitant quand Alvarez est sur le ring, et Munguia va avoir ses bons moments. Cependant, s'il y a une place où on ne peut se permettre des carences face au champion, c'est bien en défensive et c'est effectivement la plus grande faiblesse de l'aspirant. J'abonde dans le même sens que Canelo et une victoire par  K.-O. de ce dernier, mais plutôt vers le 10e round.

Le décès de Thobela fait remonter les souvenirs

La première fois qu'on m'a parlé de Dingaan Thobela, j'étais à Mexico City au congrès annuel du WBC en octobre 2000. Le Sud-Africain venait de remporter le titre WBC des super moyens, le mois précédent, en détrônant l'anglais Glenn Catley par un K.-O. à sept secondes de la fin du 12e round. Catley menait par 108-100 et 107-102 sur deux cartes des juges et ne pouvait perdre aux points.

Il était connu de tous que Chris Sanigar, le promoteur de Catley, se présentait au congrès WBC avec l'intention d'exiger un combat revanche considérant que son boxeur était en avance aux points et qu'il prétendait que l'arbitre avait arrêté le combat prématurément à quelques secondes de la fin de celui-ci.

Le promoteur de Thobela était Cedric Kushner de New York, un collaborateur et ami de longue date. Ce dernier ne voulait pas de combat revanche pour son protégé espérant pouvoir capitaliser un peu sur cette victoire in extremis en organisant une défense optionnelle payante.  

J'étais sur place également, comme à toutes les années, et mes intérêts dans la division étaient Éric Lucas que je voulais faire classer aspirant no 1.Dave Hilton et Dingaan Thobela

On avait également deux autres boxeurs dans la même division qui venaient de terminer une trilogie au Centre Molson, sur le gala de la GattiMania, Stéphane Ouellet qui venait de vaincre aux points Davey Hilton Jr. après deux tentatives infructueuses.

La seule façon que Kushner peut éviter une résolution du congrès obligeant Thobela à donner un combat revanche immédiat à Catley était de conclure une entente pour une défense optionnelle de son boxeur avant la session des combats de championnats qui était prévue au 3e jour de la convention.

Dès mon arrivée à l'hôtel de la convention à Mexico City, j'ai un message d'appeler d'urgence Cedric Kushner. On se rencontre dans sa suite. Il avait vu le combat Ouellet-Hilton III présenté sur ESPN2.

Il me propose alors un combat de championnat du monde WBC des super moyens pour Dave Hilton Jr contre son champion Dingaan Thobela, en Afrique du Sud, pour le mois de décembre. Je lui propose Stéphane Ouellet.

J'aurais aimé proposer Éric Lucas, mais il était alors blessé à la main droite et avait dû se retirer d'un affrontement prévu avec Dave Hilton Jr qui a conduit au 3e combat de Hilton contre Ouellet. De toute façon, Cedric aurait refusé.

Alors j'insiste pour que ce soit Ouellet, mais l'Américain veut une victoire assurée et il a vu le Jonquiérois totalement dominer les 10 rounds de son dernier combat contre Hilton. Il me dit même "écoute Yvon si j'acceptais un combat Thobela-Ouellet ce serait comme si je te disais de repartir d'ici avec la ceinture de champion. Oublie ça, c'est impossible."

Je lui dis alors OK pour Hilton à condition que ce soit à Montréal. Il a aimé l'idée et on a passé le reste de la soirée à négocier les détails, bourses, droits de télévision et options. Si Hilton l'emportait, ses 2 combats suivants seraient en co-promotion avec Kushner.

Quand la journée de la session des championnats arrive et quand la proposition que Catley obtienne immédiatement un combat revanche est à l'ordre du jour, Kushner se lève, demande la parole au président Jose Sulaiman et annonce que nous avons conclu une entente officielle, Dingaan Thobela va défendre son titre contre l'aspirant Dave Hilton Jr. au Centre Molson de Montréal le 15 décembre suivant.

Le WBC accepte de sanctionner le combat à condition que le gagnant s'engage à défendre sa couronne à son combat suivant contre Glenn Catley.

Ce fut un excellent combat à Montréal devant une belle foule et les échanges ont été très partagés du début à la fin. Après le combat, Cedric me donne la main et me dit mon boxeur a gagné, mais les juges vont le donner au tien. Ce fut en effet une victoire par décision partagée de Dave Hilton Jr qui devient champion du monde à 37 ans, 20 ans après avoir fait ses débuts professionnels. Cette marque est un record mondial qui tient encore.

Ce sera également mon premier champion du monde, le premier champion du monde d'InterBox, le premier champion du monde d'une nouvelle ère qui venait de prendre son élan à Montréal.

Kushner n'aura jamais eu l'occasion de se prévaloir des deuxf options sur Hilton qui devait être condamné par la justice dans les mois qui suivirent et le WBC lui retira sa ceinture.

Éric Lucas et Glenn Catley vont ainsi s'affronter pour le titre vacant le 10 juillet 2001 au Centre Molson de Montréal et Éric Lucas sera couronné champion du monde WBC des super moyens par un retentissant K.-O. de son poing de la main droite, au 7e round.

Parce que j'en devais une à Cedric, nous avons convenu d'une défense optionnelle d'Éric contre Thobela qui a eu lieu encore au Centre Molson, quelques mois plus tard, le 30 novembre 2001. Cette fois-ci, ce n'était pas serré et Lucas, après avoir gagné tous les rounds, martèle son adversaire sans relâche au 8e pour forcer l'arrêt de l'arbitre.

Thobela reviendra deux autres fois au Québec, au Centre Bell. Le 22 novembre 2003 contre Otis Grant, une défaite aux points en huit rounds, et l'année suivante le 3 décembre 2004, contre le jeune Lucian Bute qui l'a arrêté au 4e round.

En fait, Dingaan Thobela (40-14-2, 26 K.-O.) est un héros national en Afrique du Sud. Il aura été couronné champion du monde à trois reprises, WBO des légers de 1990 à 1991, WBA des légers 1993 et WBC des super moyens en 2000.

Après sa défaite contre Hilton en 2000, il ne remportera plus jamais la victoire sur le ring, subissant la défaite à ses sept derniers combats de 2001 à 2006, dont trois fois à Montréal.