Une nouvelle voix, une mission précise pour Aubin-Mercier
UFC vendredi, 9 déc. 2016. 19:07 dimanche, 15 déc. 2024. 07:37TORONTO – Depuis qu’il a fait la transition du judo de haut niveau aux arts martiaux mixtes professionnels, les forces d’Olivier Aubin-Mercier crèvent les yeux.
Fort comme un bœuf, l’athlète de 27 ans a su transposer avec succès ses habiletés techniques du tatami à l’octogone. En six combats depuis son accession à l’UFC, il a réussi 17 amenées au sol, a repoussé 83% des tentatives de projection de ses adversaires et a signé trois de ses quatre victoires par soumission.
Mais après dix combats pros, dont huit se sont soldés à son avantage, il est toujours à la recherche de son premier K.-O. Aubin-Mercier a fait énormément de progrès depuis qu’il a décidé d’explorer jusqu’où il pouvait pousser son potentiel en MMA, mais le combat debout n’est toujours pas considéré comme l’une de ses forces.
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« C’est sûr qu’on en parle, admet avec candeur Lévis Labrie quand on lui mentionne le zéro qui apparaît toujours à la fiche du Québécois. Parce qu’à l’entraînement, Olivier fait beaucoup de dommage. Ce n’est pas facile de lui trouver des partenaires qui vont rester. »
Labrie en sait quelque chose. Un ancien combattant qui a pris sa retraite après son troisième combat professionnel, il a lui-même mis les gants à de nombreuses reprises avec la jeune vedette montante lors d’intenses séances de sparring au Tristar Gym. C’est la force de frappe et l’ardeur au travail de son ami qui l’a incité à reconsidérer son rôle.
« J’ai un rythme de vie assez élevé, raconte-t-il. J’ai un job à temps plein, je travaille parfois sur des quarts de jour, d’autres fois sur des quarts de nuit. Olivier, lui, est un athlète professionnel. J’étais un peu tanné de me faire frapper, de me faire lancer à gauche et à droite et d’avoir mal tous les matins! »
Labrie s’est mis à penser à une façon moins douloureuse et plus efficace de contribuer à la croissance de son tortionnaire. Il s’est assis avec Firas Zahabi et Richard Ho, les deux principaux entraîneurs d’Aubin-Mercier, et les deux hommes, conjointement avec leur élève, ont convenu que l’équipe pourrait bénéficier de l’ajout d’un nouveau membre.
« Il avait déjà plusieurs athlètes qu’il avait pris en charge dès le début de leur carrière et qui s’étaient rendus très loin en kickboxing. Je trouvais que ça en disait long sur ses qualités d’entraîneur, se souvient le ‘Québec Kid’. En plus c’est une bonne personne et il a une voix incroyablement sexy. Je me suis dit que c’était parfait! »
Le rôle de Labrie, un spécialiste de la boxe thaïlandaise qui avait déjà pris sous son aile la championne canadienne Johannie Gervais chez les amateurs, serait très précis : travailler sur le standup du spécialiste de la soumission.
« Je trouvais que j’avais besoin d’un changement, approuve Aubin-Mercier. Ça faisait déjà cinq ou six ans que j’étais avec Richard, j’avais besoin de voir de nouvelles choses. Je m’entraînais aussi avec Luc-Vincent [Ouellet] et Samuel [Décarie-Drolet] du Groupe Yvon Michel, mais c’était beaucoup plus axé sur la boxe. Même s’ils étaient vraiment à un autre niveau, ils n’étaient pas spécialisés avec les coups de pied. J’avais besoin de quelqu’un habitué avec l’attaque et la défensive contre les coups de pied. Lévis était mon candidat favori à Montréal. »
« Dès le départ, je lui ai dit que j’allais me concentrer sur lui à 100%. Que n’importe quel jour, n’importe quelle heure, j’allais être là pour ses besoins. Depuis ce temps-là, ça va super bien », se réjouit Labrie.
Comme un poison
Le premier constat que Labrie a fait quand il a regardé son bon chum avec les yeux d’un entraîneur, c’est qu’il n’aurait pas à tout démonter et à recommencer à zéro.
« Je vais te résumer ça avec la phrase suivante : souvent, un athlète se fait dire quelque chose par le même coach pendant dix ou quinze ans. Puis il y en a un nouveau qui arrive et qui lui dit pratiquement les mêmes choses, mais d’une façon différente. Et ça lui fait du bien. À partir de ce moment, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas énormément de travail à faire avec le standup d’Olivier. C’était déjà un athlète accompli. »
Le puzzle était presque complété, mais le contour n’était pas encore tout à fait assemblé. Labrie a identifié quelques détails à peaufiner et les deux complices se sont mis au boulot.
« La seule chose qu’on a faite, on a peut-être un peu mieux assemblé les choses. Des meilleures amorces, des meilleures combinaisons. Il avait des points forts et on a essayé de bâtir autour de ces points-là. Essayé de cacher ses forces, dans le fond, pour qu’il puisse les sortir comme un poison. C’est peut-être là que j’ai eu mon importance. »
Labrie croit qu’il est normal qu’Aubin-Mercier ait été hésitant, depuis le début de sa carrière, à laisser aller ses poings et à tenter des nouvelles expériences au grand jour. Il croit aussi que les amateurs sont sur le point de voir une nouvelle version de son poulain.
« Plus un combat approche, plus un athlète va s’approcher de sa réelle identité, va retraiter vers sa zone de confort. C’est normal. Mais Olivier a montré de superbes choses à l’entraînement, il a été constant. Il sortait des combinaisons efficaces, qui touchaient. Il n’y a aucune raison qu’il ne les amène pas avec lui dans la cage samedi soir. »
Rêver par procuration
Lévis Labrie, qu’Olivier Aubin-Mercier décrit comme un « vieux de la vieille » au Tristar, a déjà été considéré comme un bel espoir des arts martiaux mixtes au Québec. Il a gagné ses deux premiers combats pros, en 2010 et 2011, puis s’est incliné par décision unanime face à Kevin Lee, un Américain qui se bat aujourd’hui à l’UFC.
« Je m’étais toujours dit que dès que j’allais perdre un combat, j’allais me tasser et c’est ce que j’ai fait, confie le père de deux enfants, qui est aujourd’hui âgé de 36 ans. Je n’ai pas de regret. Je me suis fait construire une maison à Mercier, j’ai ouvert un petit gym et je me suis découvert une nouvelle passion. Au départ, je ne voulais pas ‘coacher’ pour former des combattants, mais avec le temps, j’ai vu des athlètes qui se présentaient constamment au gym, les combats sont arrivés, ils ont eu du succès et à partir de là, ça a déboulé. »
Par un chemin complètement différent de celui qu’il avait envisagé, Labrie a donc réussi à accéder à l’UFC. Il en ressent autant de satisfaction que s’il y était parvenu avec les gants aux poings.
« C’est magique, c’est sûr. Il y a très peu de feelings qui peuvent s’approcher de ça. Je fréquente les meilleurs entraîneurs au monde, les meilleurs combattants au monde et je le fais entouré de mes amis. Je tripe et c’est sûr que je souhaiterais avoir d’autres athlètes éventuellement. Mais simplement avec les performances qu’Olivier va donner, puisqu’il n’est même pas proche d’avoir atteint son plein potentiel, je risque d’être à l’UFC de plus en plus souvent. »