MONTRÉAL – Plus de trois années ont passé depuis le passage d’Aiemann Zahabi chez les professionnels. À l’époque, le prometteur combattant s’était promis de bloquer la pression extérieure, de ne pas plier devant les compliments de ceux qui le croyaient trop talentueux pour traîner dans les ligues mineures et de ne brûler aucune étape.

Zahabi voulait prendre son temps. Il l’a pris. Maintenant, il veut passer aux choses sérieuses.

Quand l’UFC a annoncé la tenue d’un gala à Ottawa au mois de juin, le jeune Lavallois y a vu l’occasion parfaite de finalement briguer sa place au sein de l’organisation. Déjà bien connu du clan de Dana White en raison de son lien fraternel avec Firas Zahabi et de son propre rôle d’entraîneur au Tristar Gym, Aiemann a établi le contact avec le matchmaker Sean Shelby.

Quand les détails de la carte ont été annoncés plus tôt cette semaine, on y retrouvait les noms bien connus de ses coéquipiers Olivier Aubin-Mercier et Alex Garcia, mais aucune mention du plus beau prospect québécois.

« J’étais un peu déçu, admet Zahabi. C’est comme quand tu écoutes le repêchage de la NFL, tu sais? Tout le monde veut être choisi en première ronde. Mais il y a maintenant neuf combats d’annoncés, donc il reste quelques places et je me dis que j’ai encore une petite chance d’y être ajouté. Je le souhaite, en tout cas. »      

Il est clair depuis longtemps que Zahabi possède les aptitudes physiques pour pratiquer son sport au plus haut niveau. Il devait toutefois franchir cette barrière mentale qui ne s’érige pas dans les gymnases, acquérir cette confiance en ses moyens qu’on ne peut valider qu’en la comparant à celle d’un rival dans l’hostile solitude de l’arène

« Quand quelqu’un a du potentiel, on veut le pousser le plus vite possible pour voir ce qu’il peut faire contre les meilleurs. Mais le potentiel, ça veut dire quoi? Ça veut dire que quelque chose pourrait grandir, mais seulement si on prend le temps de le développer. Mon frère m’a toujours dit qu’on saurait quand le temps serait venu et il avait raison. Je ne voulais pas être dans l’UFC parce que certaines personnes croyaient que j’y avais ma place. Je veux être dans l’UFC parce que je suis plus fort mentalement que je ne l’ai jamais été. Je suis prêt. »   

Zahabi ne s’est pas éternisé lors des six occasions où il y a été convié en duel. Chacun de ses combats pros s’est terminé avant la fin du premier round. Néanmoins, la somme de ses apparitions lui procure la conviction qu’il a atteint le niveau recherché.

« Ça m’arrive souvent de regarder mes premiers combats, mes combats amateurs. Quand j’y repense, j’avais tellement peur! Je me souviens, pendant que je me battais, je me souciais du regard des spectateurs, de ce qu’ils pouvaient penser de moi. Je m’attardais à des détails comme l’éclairage. Maintenant, je ne pense plus à rien de tout ça. J’ai commencé ma carrière devant des foules de 200 personnes. À mon dernier combat, il y en avait 2000 dans les gradins et des milliers d’autres qui pouvaient le regarder en direct partout au Canada. J’en étais conscient, mais ça ne m’a jamais traversé l’esprit. »

« Le temps est l’allié de tout combattant, résume le jeune sage. C’est le conseil que je donnerais à tous les jeunes : battez-vous. Efforcez-vous de trouver des bonnes opportunités pour prendre de l’expérience. Ça ne sera pas facile, mais ne sautez pas sur la première occasion d’accéder aux grandes ligues si vous n’êtes pas prêt. L’aspect mental, c’est crucial dans notre sport. »

Un peu d’égoïsme

Pendant plusieurs années, Aiemann Zahabi a mis ses propres ambitions de côté pour se consacrer à la carrière de ses coéquipiers. Au fil des ans, il est devenu un partenaire d’entraînement précieux dans l’ombre de combattants comme Kenny Florian, Miguel Torres, Yves Jabouin et Ivan Menjivar.

Zahabi affirme qu’il n’y aucun lien entre le départ progressif de ces vétérans vers une autre étape de leur vie et son envie de vivre ses propres rêves. Le fait demeure toutefois qu’il mettra désormais moins de temps à la disposition de ses compagnons.

 « Je veux penser un peu plus à moi. Je continuerai d’aider les gars avec qui je m’entraîne chaque jour, mais quand j’aurai un combat à l’horaire, je ne pourrai plus m’occuper des autres. Je veux me concentrer sur ma propre carrière. Après huit ans dans le coaching, c’est difficile! Les gars viennent encore me voir, mais j’essaie de leur faire comprendre que maintenant, quand je viens au gym, c’est pour corriger mes erreurs et travailler sur mes points faibles. »

Aiemann ZahabiÀ 28 ans, Zahabi ne peut pas être considéré comme un « jeune » espoir. Après tout, il est plus vieux que six de ses pairs qui font partie du top-15 de la division des poids coqs de l’UFC, une compagnie qui tente de créer des nouvelles vedettes avec des athlètes comme Sage Northcutt et Paige VanZant, respectivement âgés de 20 et 22 ans.

Mais les chiffres ne le dérangent pas. Tout ce qu’il a vu et entendu dans les coulisses au cours des dernières années l’assure qu’il a encore toute la vie devant lui.

« Kenny Florian avait 27 ans quand il a commencé dans les arts martiaux mixtes et il a pris sa retraite à 35 ans. Il a atteint deux fois le sommet du classement à 155 livres et l’a fait une fois à 145 livres. Il s’est battu dans trois combats de championnat du monde. Il a eu une carrière complètement folle. Ça ne me dérangerait pas d’être un autre Kenny Florian! »

En attendant d’en arriver là, Zahabi continuera de perfectionner son art sans attirer trop l’attention. Si l’UFC désire le faire patienter, d’autres options sont à sa portée. L’organisation canadienne Prestige FC, pour laquelle il a combattu en mars, lui a promis un combat de championnat qui pourrait se concrétiser en juillet prochain.

Il s’agit d’une option qui plaît à Zahabi.  Après avoir patienté pendant si longtemps sur les lignes de côté, il faudra plus que quelques mois d’attente supplémentaires pour saper son moral.

« Le plus important, c’est de rester actif. C’est si difficile de trouver des combats quand on commence dans ce milieu. Maintenant que j’ai un certain plan devant moi, je ne me soucie pas trop des plans de l’UFC. Plus on me fait attendre, plus je serai dangereux quand j’y arriverai. »