NEWARK - Par Nicolas Landry - Georges St-Pierre a plongé dans le bain de foule qui suit une victoire avec sa classe habituelle. Bombardé de questions, accroché de toutes parts pour une photo ou un autographe, il s'est prêté au jeu en ne refusant aucune demande. Mais le sourire qu'il s'efforçait d'afficher cachait difficilement l'amertume dont il était habité.

Quelques minutes auparavant, on aurait pu croire qu'il venait d'apprendre qu'il était condamné à mort. Planté au centre d'une arène qu'il venait pourtant de conquérir, fixant le sol en pestant silencieusement contre lui-même, c'est presque à contre cœur que GSP a laissé l'arbitre Kevin Mulhall lui lever le bras gauche pour officialiser la quatrième défense consécutive de son titre des mi-moyens du UFC.

"Ce combat ne passera pas à l'histoire, a dû concéder St-Pierre, qui n'avait pas caché son intention de faire la vie dure à Dan Hardy et de commencer à laisser sa marque de façon plus convaincante dans l'histoire de son sport. Ce que je veux, c'est que quelqu'un qui ne connaisse rien aux arts martiaux mixtes ouvre son téléviseur, voit mon combat et aille dire à tous ses amis que ce qu'il a vu était magnifique."

Mais pour St-Pierre, ce qualificatif ne collait assurément pas à sa plus récente performance.

"C'est un peu comme un sprinteur qui gagne un 100 mètres en dix secondes et qui remporte sa course suivante avec une temps identique, a-t-il ensuite illustré, jamais à court de comparaisons. Malgré sa victoire, il ne sera pas content. C'est comme ça que je me sens. J'ai gagné, mais je n'ai pas battu ma dernière performance."

Plusieurs combattants paieraient pourtant le gros prix pour la chance d'offrir une performance aussi dominante que la démonstration faite samedi soir par le Montréalais, qui a facilement cloué Hardy au tapis à chaque fois que l'envie lui en a pris. À deux reprises, la première à l'aide d'une clé de bras à la toute fin du premier round et la deuxième avec un convaincant kimura au quatrième, la première victoire par soumission de St-Pierre depuis décembre 2007 semblait dans la poche, mais sa victime n'a jamais voulu abdiquer.

"Je me suis mal servi de la masse musculaire que j'avais gagnée, a savamment analysé GSP. Dans mes tentatives de soumission, j'ai voulu utiliser la force au détriment de la technique, avec comme résultat que je ne me donnais pas le bon angle d'attaque, le bon levier. Je ne parvenais pas à stabiliser ses hanches au sol, ce qui lui permettait de rouler et de s'en sortir."

Une explication simple que St-Pierre a seulement pu livrer après avoir discuté avec ses entraîneurs après le combat.

"Sur le coup, je ne comprenais pas. J'y suis vraiment allé sans aucune retenue et à un certain moment, à entendre les sons qui sortaient de son corps, je pensais que je lui avais cassé le bras."

"J'ai peut-être des carences au niveau technique, je ne suis peut-être pas encore assez fort physiquement, mais je n'abandonne jamais", a souligné Hardy après une bataille exténuante pour verbaliser ce qu'il venait de démontrer pendant 25 minutes.

Une question de probabilités

Si Hardy avait une chance de ramener avec lui la ceinture de l'autre côté de l'Atlantique, dans son Angleterre natale, c'était en demeurant nez à nez avec le champion. Sur ses deux pieds, l'arrogant britannique avait un espoir réaliste d'ébranler le favori avec ses solides jointures.

St-Pierre était le premier à le savoir. Fort conscient de la force de frappe de son rival, il n'a eu aucune difficulté à appliquer une stratégie évidente qui, si elle n'a pas fait le bonheur des spectateurs qui auraient souhaité un spectacle plus flamboyant, lui a bien souri.

"Je ne voulais pas m'engager dans une bataille de rue avec lui, a-t-il admis sans gêne avant de se justifier. J'aurais probablement pu le battre en restant debout. Je crois que ma boxe est supérieure à la sienne, mais ça demeure une question de mathématique, de probabilités. C'était plus intelligent pour moi d'aller au sol, parce que je lui enlevais sa force principale."

Le président du UFC, Dana White, a entendu le mécontentement des amateurs, mais il a refusé de donner écho à ceux qui par exemple, sur son compte Twitter, ont comparé le combat principal du UFC 111 à un mauvais combat de lutte.

"Si Hardy avait été capable d'empêcher Georges de l'amener au sol, on aurait eu tout un combat! Mais on ne peut pas blâmer GSP pour avoir utilisé cette stratégie. Après tout, ce sont des arts martiaux mixtes, ça fait partie du jeu."

"Par contre, si Dan Hardy peut combler cette lacune, c'est effrayant ce qu'il pourrait accomplir. Je crois qu'un jour il pourrait être le champion du monde", a osé prédire le grand manitou du UFC.

"J'avais dit de Hardy qu'il n'était pas un vrai pratiquant d'arts martiaux, mais j'ai changé d'idée après le combat, a dit St-Pierre en poussant un rire sincère. À mon premier combat de championnat, je m'étais fait battre dès le premier round par Matt Hughes. Hardy s'est beaucoup mieux débrouillé et s'il continue de s'entraîner avec autant de sérieux, on risque de se revoir un jour."