« We speak later. »

Ça devait être une fin de semaine de fête pour Ferrari. Devant ses partisans, la Scuderia avait toutes les cartes en main pour obtenir une première victoire à Monza depuis 2010. Ça regardait bien après la séance de qualifications, avec Kimi Räikkönen en tête suivi de Sebastian Vettel.

Puis, l’Allemand a prononcé ces trois mots alors que son équipe le félicitait à la radio. À partir de ce moment, le week-end de Ferrari a pris une autre tournure.

Tout d’abord, pourquoi Sebastian Vettel était-il mécontent après la qualification? Bien sûr, il a été battu par son coéquipier, mais sa frustration cachait plus encore. Ce qu’il reproche à son écurie, c’est de ne pas lui avoir permis de prendre l’aspiration de son coéquipier.

Pour ceux qui sont peut-être moins familiers avec la course automobile, le concept d’aspiration est assez simple. Lorsque vous suivez une voiture, la monoplace devant perturbe l’air, qui offre alors moins de résistance dans son sillage. Cela permet à la voiture derrière de rouler plus rapidement en ligne droite. C’est un concept qui s’applique dans la plupart des sports de courses, surtout en sport automobile, mais aussi en cyclisme ou en patinage de vitesse, pour ne nommer que deux exemples.

Revenons à Vettel et au Grand Prix d’Italie. Comme le circuit de Monza est composé principalement de lignes droites, l’effet de l’aspiration est encore plus prononcé. Une voiture qui en suit une autre va gagner quelques kilomètres/heure, et donc, quelques centièmes de seconde au tour. C’est pourquoi, en qualifications, les équipes vont souvent tenter de mettre leurs deux voitures une derrière l’autre, permettant à la deuxième voiture de profiter de l’aspiration.

Chez Mercedes, on a appliqué ce concept lors de la Q3. Lors du premier tour, c’est Hamilton qui était devant Bottas, et lors du dernier tour en fin de séance, c’était l’inverse. Une façon équitable de permettre aux deux pilotes d’en profiter.

Chez Ferrari toutefois, c’est Vettel qui était devant Räikkönen lors des deux tours. C’est sans doute ce qui a déplu à Vettel, lui qui est au plus fort de la course au titre.

D’ailleurs, ce n’est pas la première fois cette saison que ce phénomène est au cœur d’une lutte à l’interne. Après la séance de qualifications en Autriche, Daniel Ricciardo était furieux de devoir donner l’aspiration à Max Verstappen lors de ses trois tours en Q3. Chez Red Bull, les pilotes doivent alterner de position de Grand Prix en Grand Prix. Comme les deux pilotes ont un statut similaire, Red Bull n’a pas dérogé à sa politique, même si Verstappen a fait trois tours plutôt que les deux habituels en Autriche.

Par contre, chez Ferrari, Sebastian Vettel est clairement le numéro un et est en pleine lutte pour le titre mondial. C’est pourquoi j’ai de la difficulté à de comprendre cette décision de la Scuderia. Pourquoi n’avoir donné aucun tour derrière l’aspiration à Vettel? Pourquoi avoir favorisé Räikkönen, qui n’a aucune victoire depuis son retour chez Ferrari ? Moins de deux dixièmes de seconde ont séparé Räikkönen et Vettel en qualifications. Si Vettel s’était qualifié premier, Räikkönen aurait pu jouer son rôle et protéger Vettel des attaques d’Hamilton. À l’inverse, en partant deuxième, Vettel se retrouvait dans une situation plus complexe au départ. Ne pouvant passer devant Räikkönen, il est rapidement devenu la proie de son grand rival.

D’ailleurs, je ne suis pas le seul à évoquer cette décision de Ferrari. Sur les ondes de Sky Sports, Martin Brundle, ancien pilote de Formule 1 et maintenant analyste, se posait la même question. « Je crois que Ferrari a ruiné sa course le samedi. Ils auraient dû donner l’aspiration à Vettel pour qu’il prenne la position de tête. Mercedes avait déjà montré qu’elle était prête à donner des consignes d’équipes en Allemagne et elle l’a fait encore cette fin de semaine. Ça aurait dû être Vettel en tête et Räikkönen qui le couvre et le défend », a-t-il expliqué.

C’est là toute la différence. Alors que Mercedes n’hésite pas à sacrifier Bottas pour aider Hamilton, Ferrari hésite encore à le faire. Souvenez-vous des communications radio en Allemagne. Pendant que Vettel fulminait, car il était coincé derrière son coéquipier sur une stratégie différente, Ferrari expliquait en long et en large et à mot couvert la situation à Räikkönen, voulant lui faire comprendre sans le dire qu’il devait laisser le passage. Chez Mercedes, alors que Bottas était en position de dépasser Hamilton, on lui a dit très clairement. « Valtteri, tu gardes ta position. »

Je retiens donc ce commentaire de Nico Rosberg après la course, lui qui était parmi l’équipe d’analystes de Sky. « C’est plutôt ironique que Ferrari soit l’équipe réputée pour utiliser des consignes d’équipe, mais que lorsque ça compte, ce soit Mercedes qui les utilise à son avantage et Ferrari qui ne les utilise pas et qui en sort perdant », avait-il noté.

En Allemagne comme en Italie, les décisions (ou non-décisions) de Ferrari n’ont pas plu à Vettel et dans les deux cas, le pilote a par la suite commis des erreurs coûteuses. Il s’agit probablement de coïncidences… ou est-ce le résultat d’un pilote déconcentré? Votre opinion est aussi valable que la mienne.

Hamilton en mission, Vettel brouillon

Bref, je me questionne sur les décisions stratégiques de Ferrari. Mercedes met tout en place pour que Lewis Hamilton connaisse du succès et je peine à comprendre pourquoi Ferrari ne fait pas de même avec Vettel. Certains trouveront peut-être la tactique de ralentir Räikkönen avec Bottas un peu déloyale, mais je n’y vois aucun problème. Au contraire, Mercedes a compris que si elle veut gagner le championnat, c’est avec Hamilton.

Par contre, comprenez-moi bien. On peut se questionner sur ces décisions, mais à la fin, Vettel n’a que lui a blâmé. Même s’il prétend l’inverse, Hamilton lui a laissé suffisamment d’espace lors de son dépassement. Vettel s’est entêté à défendre sa position et en a payé le prix. De plus, son tour de qualifications comme son départ n’étaient pas parfaits.

Déconcentré ou non, un quadruple champion du monde doit être en mesure de mettre ses frustrations de côté et rapidement passer à autre chose. On peut comprendre ses questionnements, mais c’est à lui de passer au travers et de prouver qu’il peut faire encore mieux. Les erreurs de Vettel s’accumulent depuis un an et sans elles, il n’aurait pas un retard de trente points au classement, il serait présentement premier.

De plus, il ne faut pas enlever de crédit à Lewis Hamilton, qui était vraiment en mission cette fin de semaine. Ses manœuvres de dépassement étaient bien calculées et exécutées. Sa gestion des pneus était impeccable, contrairement à celle de Räikkönen qui n’avait plus de pneus en fin de course. Même sous pression, devant une foule hostile et  avec une voiture qui semble tout juste inférieure aux Ferrari, il ne fait pas d’erreurs, n’abandonne pas, est constant et va chercher les résultats. Honnêtement, je crois que son niveau de concentration n’a jamais été aussi élevé. Ses performances sont remarquables et c’est pourquoi il a toujours les commandes de la course au titre.

Voyons voir maintenant ce qui se passera sur un circuit totalement différent à Singapour. D’ailleurs, c’est à cet endroit que tout s’était écroulé pour Ferrari et pour Vettel l’an dernier après un accrochage au départ…