La F1 est présentement dans une très mauvaise position : à la merci des grands constructeurs. Les seuls à posséder la technologie, le personnel et le budget pour construire (et vendre) un groupe propulseur hybride de F1.

Pourquoi une très mauvaise position? Parce que les constructeurs finissent tous par s’en aller (sauf Ferrari, un cas à part en raison de son ADN sportif).

Faut-il rappeler les sorties des écuries Honda (fin 2008), Toyota (fin 2009) et BMW (fin 2010)?

Trop cher

J’avoue aimer la nouvelle technologie des groupes propulseurs (V6 turbo, double système de récupération d’énergie) qui a eu le mérite de baisser la consommation en essence de 40 %, pour des vitesses similaires. Un message important lancé à l’ensemble de l’industrie automobile.

Mais il aurait fallu, dès le début, imposer un coût maximum raisonnable, pour que le budget motorisation n’étouffe pas les écuries indépendantes.

Or un Mercedes coûte environ 26 M $US, ce qui grève sérieusement le budget d’une écurie comme Force India, estimé à 140 M $US.

Mais il y a pire. Mercedes roule, depuis le GP d’Italie, avec une évolution moteur (phase 4) qui n’est pas disponible à ses clients.

Mais il y a encore pire. Toro Rosso, une écurie sérieuse, risque de courir en 2016 avec un groupe propulseur Ferrari 2015 (comme le fait présentement Manor avec un Ferrari 2014).

C’est la F1 à deux vitesses.

Les grands manufacturiers d’un côté, qui se donnent des avantages et décident de fournir ce qu’ils veulent à qui ils veulent, et les autres.

Que faire

Bernie Ecclestone, qui gère les droits commerciaux, a proposé une solution pour libérer la F1 de l’emprise des grands constructeurs.

Ils veulent promouvoir leur technologie, ce qui les aide à vendre leurs voitures de rue? Pas de problème, qu’ils continuent.

Pour assurer la survie des écuries indépendantes, qui ne sont là que pour faire de la F1, Bernie suggère la possibilité d’utiliser un autre type de moteur.

Un V6 de 3500cc à double turbo, ou même un V8 pré 2014. Avec une formule d’équivalence qui permettrait à ces moteurs, certes rustres, mais économiques, de fournir autant de puissance que les groupes propulseurs hybrides.

Et si jamais les grands constructeurs devaient se fatiguer de la F1 et s’en aller, la F1 ne s’écroulerait pas en un jour.

Oui, ce serait un pas en arrière dans la vision globale de la F1, mais il faut avant tout assurer la survie de la discipline.

Et cette situation a déjà existé. En 1987 et 1988, par exemple, les V6 turbo de 1500cc coexistaient avec les V8 atmosphériques de 3500 cc. La technologie moderne (les boîtes noires sur les voitures) permettrait d’établir une véritable équivalence entre deux types de moteur.

Évidemment, lors d’une réunion à Genève la semaine dernière, les grands constructeurs ont rejeté cette idée. Réunion à laquelle assistait le président de la FIA, Jean Todt...

Au moins niveler les performances

On le sait, le groupe propulseur Mercedes domine la concurrence. De 20 à 50 ch de mieux. Impossible à compenser par la seule qualité d’un châssis.

La marque allemande en a pleinement profité en 2014 et en 2015. N’est-ce pas assez?

Certains diront que, sur un plan sportif, on ne peut leur enlever cet avantage technique mérité.

Et pourtant des précédents existent.

Lorsqu’une écurie se donne un avantage marqué sur la partie châssis de sa voiture, la FIA ne se gêne pas pour fermer ce secteur de développement.

Il faut se souvenir du double extracteur chez Brawn, des échappements soufflants chez Red Bull. Bannis après que ces écuries en eurent bien profité!

Adrian Newey, le concepteur en chef de Red Bull, a particulièrement souffert des restrictions imposées par la FIA pour limiter les performances de ses voitures.

Normal qu’il réclame maintenant que la FIA agisse pour niveler la performance des groupes propulseurs. Il déclare que l’organisme régulateur de la F1 en a le droit selon le règlement actuel.

Autre solution : fixer une puissance maximum. Le premier qui y arrive (on gage Mercedes?) en bénéficie puis les autres le rejoignent et ça s’arrête là. Parité sur le plan de la puissance.

Mais un motoriste aura toujours l’occasion de faire un meilleur travail que la concurrence à d’autres niveaux, par exemple sur le plan de la consommation, ou de la fiabilité, etc.

Bernie Ecclestone n’aime pas la situation actuelle, mais s’avoue lui-même impuissant face aux grands constructeurs qui dirigent maintenant la F1, via leur monopole sur la motorisation, ainsi que par leur pouvoir décisionnel via le Groupe Stratégique.

C’est peut-être la raison pour laquelle il ne s’est pas offusqué du fait que les écuries Force India et Sauber aient déposé une plainte auprès de la Commission européenne sur la concurrence, au sujet de la distribution des revenus et de la gouvernance de la F1. Certaines de ses déclarations laissent même entendre que cela fait son affaire.

Bien sûr qu’il aimerait que la gouvernance de la F1 soit retirée des mains des grands constructeurs pour qu’elle lui revienne tout entier.

Les grands constructeurs finissent toujours par partir. Bernie est encore là.