Question théorique : aimeriez-vous mieux voir les F1 rouler au maximum de leurs possibilités en course, que voir des Grands Prix dont le déroulement est affecté par les pneus?

Question réaliste : aimeriez-vous mieux voir Sebastian Vettel partir de la position de tête et dominer une course, que voir des Grands Prix dont le déroulement est affecté par les pneus?

Parce que tout le paddock le sait : si vous donnez des pneus de course parfaits à Red Bull, on ne va plus les revoir de la fin de semaine tellement la RB9 est une formidable machine.

Question complémentaire : avez-vous oublié à quel point les Grands Prix pouvaient être ennuyants, en raison du manque de dépassements, avant l’arrivée de Pirelli?

Avez-vous oublié qu’à l’automne 2009 Bernie Ecclestone, le détenteur des droits commerciaux de la F1, suggérait l’instauration d’une loterie pour établir le devant de la grille de départ (les dix plus rapides en qualifications auraient tiré au sort leur position de départ).

Alonso en contrôle
Alonso en contrôle

Avez-vous oublié qu’en janvier 2010, le même Ecclestone suggérait l’installation d’un raccourci sur les circuits dans le but d’améliorer le spectacle (un pilote aurait eu le droit d’utiliser ce raccourci à cinq reprises durant une course pour passer devant un rival).

Ces mesures ont été rejetées par les écuries qui ont préféré une autre approche, qui concerne plus le domaine de la technique que du show-business.

Elles ont demandé à Pirelli de leur fournir des pneus pouvant recréer le Grand Prix du Canada 2010. Une course où les pneus avaient souffert, ce qui s’était traduit par plusieurs rebondissements au cours de l’épreuve.

À chaque année depuis son arrivée en 2011, Pirelli a proposé des pneus différents.

En 2012, les écuries ont eu de la difficulté à bien comprendre les pneus, ce qui a donné sept vainqueurs différents lors des sept premiers Grands Prix. Puis les ingénieurs ont commencé à maîtriser le sujet.

Les courses du début de saison 2012 se sont déroulées avec 2-3 arrêts. Après Monaco, on a vu des courses à 1-2 arrêts. À partir de l’Inde, les courses se sont déroulées avec 1 seul arrêt. Et tout cela avec la même sélection de pneus Pirelli!

Tout comme les écuries réussissent à développer l’aérodynamique de leur voiture, elles sont capables de développer une meilleure utilisation des pneumatiques.

En réaction à ces courses à un seul arrêt à l’automne dernier, courses moins spectaculaires, Pirelli a de nouveau modifié ses pneus pour 2013. Soit des nouvelles constructions et surtout des gommes plus tendres, pour assurer un retour à 2-3 arrêts par course.

Et les équipes de F1 sont tout aussi mystifiées en ce début de saison qu’il y a exactement douze mois.

N’importe quoi?

Est-ce pour autant devenu n’importe quoi?

Certains pilotes ne se sont pas gênés en fin de semaine : c’est aussi sportif que la lutte WWF, selon Mark Webber (Red Bull). Jenson Button (McLaren) lui se plaignait « d’être le chauffeur de Miss Daisy » (référence au film « Driving Miss Daisy »).

D’autres considèrent que c’est un autre type de défi technique à relever pour les ingénieurs de F1. Comme interpréter à son avantage le règlement technique.

Ce défi, il est bien relevé par certaines écuries. Certainement Lotus, parfois Ferrari (Alonso OK en Chine mais pas Massa).

D’autres pataugent. Et tentent des stratégies pour sauver les meubles. En Chine, Button s’est plaint qu’il ne pouvait se battre en piste à cause de ses pneus. Mais c’est lui et son écurie qui ont fait le choix de tenter deux arrêts au lieu de trois comme les Ferrari, Mercedes et même Lotus!

Est-ce n’importe quoi quand les cinq premiers à l’arrivée sont les cinq champions du monde en piste cette saison?

Adaptation

Depuis longtemps les ingénieurs en F1 se consacrent surtout sur l’aérodynamique de leur voiture. L’art de générer beaucoup d’appuis aérodynamiques, de la manière la plus stable possible, tout en minimisant la traînée (la résistance au vent).

Mais depuis le monopole de Pirelli, il semble que les voitures générant beaucoup d’appuis aérodynamiques s’avèrent parfois trop exigeantes pour les pneus.

Faut-il, dans l’ère actuelle de la F1, chercher à tout prix des appuis aéros? Ne faut-il pas faire porter les efforts sur d’autres domaines, les suspensions par exemple, pour mieux exploiter les pneus?

Après s’être beaucoup plaint des pneus Pirelli 2013, après avoir fait du lobbying pour que Pirelli revienne aux gommes de 2012, Red Bull semble faire face à la réalité.

Le patron Christian Horner, face à la presse écrite après le GP de Chine : « notre voiture est très performante. C’est une voiture très rapide, mais une voiture rapide exige plus de ses pneus, et les pneus actuels ne peuvent l’accommoder. De toute évidence nous devons adapter notre approche, nos réglages et la manière dont nous opérons la voiture pour optimiser le travail des pneus. C’est la même donne pour tout le monde, c’est juste une autre approche. »

Pirelli à l’écoute

Bien sûr, il y a toujours place à l’amélioration.

Si la gomme tendre 2013 était un peu moins tendre, le niveau de dégradation serait un peu moins élevé, tout comme les récriminations des pilotes.

Et si c’était aussi une question de (mal)chance? Si les températures en Chine avaient été aussi basses que d’habitude (23-25° en 2012 contre 27-33° en 2013), la gomme tendre aurait mieux résisté.

Pirelli a toujours déclaré vouloir attendre le déroulement des quatre premiers Grands Prix de la saison avant de faire une évaluation et apporter, au besoin, certains changements.

Déjà, l’allocation des pneus pour Bahrein a été changée : le combo gommes tendre et dure, annoncé en février dernier, a été remplacé par un choix de gommes médium et dure.

Mais il y a une chose que l’on doit à Pirelli, sans équivoque. Personne, vraiment personne sur la planète Terre, ne pouvait prédire, dimanche avant le départ, le vainqueur du Grand Prix de Chine.

Est-ce que la fin justifie les moyens?