Que pouvez-vous acheter avec un chiffre d’affaires de 7,425 milliards $ généré par la vente de 5,387milliards de cannettes de boisson énergétique?

Après avoir acheté deux écuries de F1 (Jaguar en 2004 et Minardi en 2005), vous pouvez vous offrir un Grand Prix! Incluant la piste évidemment…

Dietrich Mateschitz, le propriétaire de Red Bull, est originaire de la région de la Styrie en Autriche. Tout comme son conseiller pour le sport automobile, Helmut Marko (ex-pilote de F1, 9 GP en 1970-1971).

L’homme de 70 ans connaît donc bien l’histoire de la F1 en Autriche. Qui a débuté en 1964 avec une course sur l’aéroport de Zeltweg (une municipalité de la Styrie). Et qui s’est poursuivi de 1970 à 1987 sur le circuit Osterreichring aux alentours de la même ville.

L’Osterreichring était une magnifique piste dans le style du circuit originel de Spa-Francorchamps : de fortes dénivellations, des courbes extrêmement rapides tout en appui, une vitesse au tour très élevée (la position de tête la plus rapide de 1987 a été réalisée à Zeltweg). Une piste appréciée des pilotes pour ses défis.

Mais comme tous les grands circuits de l’époque, la sécurité des pilotes n’était pas assurée. En cas de perte de contrôle, soit les voitures tapaient les rails qui étaient trop près de la piste, soit les voitures prenaient (littéralement) le champ. Quelques recherches sur YouTube vous le prouveront.

Après deux carambolages au départ (oui, un troisième départ a été nécessaire) lors du Grand Prix de 1987, la F1 a fait ses adieux à l’Osterreichring.

Puis des gens de la région ont voulu relancer les activités. Plus particulièrement Franz Wurz, le père d’Alexander qu’on a vu en F1 chez Benetton et Williams. Papa Wurz (qui fut champion européen de rallycross) s’occupait d’écoles de conduite et cherchait de nouveaux sites pour ses entreprises.

Avec l’aide financière de A1 (un géant des télécommunications) et de l’architecte allemand Hermann Tilke (son premier projet F1, avant de devenir le maître d’œuvre de tous les nouveaux circuits de F1), le A1 Ring est né en 1997.

Cette « nouvelle » piste utilisait une portion de l’ancien circuit. Pour se différencier, le circuit a été officiellement jumelé à Spielberg (5000+ habitants), une municipalité plus petite mais plus près du circuit que Zeltweg (7000+ habitants).

Évidemment, les vieux de la vieille ont hurlé à la désacralisation d’un lieu saint. Mais soyons honnête : les Grands Prix disputés sur le A1 Ring version Tilke ont donné des courses spectaculaires. Notamment en raison de la signature Tilke : un très gros freinage à la suite d’une bonne ligne droite.

Mais la course n’est pas rentable. Et Bernie Ecclestone, patron de la FOM, vise des marchés plus lucratifs. L’Autriche disparaît du calendrier 2004 alors qu’apparaissent Bahreïn et la Chine.

C’est alors au tour de Dietrich Mateschitz de s’impliquer.

Première étape : l’achat du circuit. Il en devient propriétaire le 1er octobre 2003.

Le monsieur a de l’ambition. Son projet est gigantesque. Il veut faire du circuit un lieu animé douze mois sur douze, avec parc à thème, salle de concert et école spécialisée. Une école combinant lycée et université et qui formerait en neuf ans de cursus des jeunes à l'ingénierie automobile, aéronautique et électronique, et dont deux tiers des élèves seraient des boursiers.

Mais le projet a des opposants, notamment les fermiers environnants. La politique s’en mêle et le projet ne décolle pas, alors que les bulldozers ont déjà commencé à démolir les bâtiments existants.

Mateschitz menace de tout abandonner et, effectivement, le circuit maintenant délabré demeure fermé durant cinq ans.

Puis le patron de Red Bull révise ses plans. Fin 2008, il lance un projet de rénovation de 100 millions de dollars.

Le tracé du A1 Ring demeure le même, mais toutes les infrastructures (gradins, garages, etc.) sont refaites. Le site est digne d’une course de F1. Digne de porter son nouveau nom : Red Bull Ring.

Mais il y a plus. Mateschitz crée une compagnie (Projekt Spielberg) qui aura la charge de développer le site.

Tout est basé sur une série d’hôtels qui accueilleront bien sûr les spectateurs du Grand Prix.

Mais qui accueilleront aussi les amateurs de golf, de sport équestre, de vélo de montagne, de randonnée et de ski de fond en hiver, toutes des activités disponibles autour du site. Sans oublier les sports motorisés (karting, moto, quad).

Le circuit comme tel ouvre ses portes en 2011 pour une manche du championnat allemand DTM (voitures de tourisme).

Puis les rumeurs de F1 commencent à circuler. Le A1 Ring remplacerait le New Jersey au calendrier 2013.

L’annonce attendue tombe enfin le 23 juillet 2013: Mateschitz et Ecclestone signent un contrat de sept ans débutant en 2014.

Mateschitz déclare payer de sa poche le prix du plateau (évalué à 30 millions de dollars sinon plus…). Les montants générés par la vente des billets serviront à l’organisation de l’événement.

Lors de l’ouverture de la vente des billets sur internet, les serveurs seraient tombés en panne en raison de la forte demande. Une fois le service rétabli, tous les billets se seraient vendus en 36 heures.

L’accès sera limité à 225 000 spectateurs sur trois jours (maximum de 80 000 samedi et dimanche).

Mateschitz a l’ambition d’offrir “un Grand Prix charmant et différent des autres”. Effectivement, le cadre champêtre du site s’y prête en raison de la présence de montagnes en arrière-plan.

Lauda mécontent

Niki Lauda, le triple champion du monde autrichien (1975, 1977et 1984), s’est déclaré très heureux du retour de la F1 dans son pays lors de l’annonce initiale.

Mais, au mois de mai dernier, il a découvert que le patriotisme de Dietrich Mateschitzavait ses limites.

En effet, Lauda s’est alors aperçu que le virage qui portait son nom était devenu le virage Pirelli!

Lauda, qui est président non exécutif du conseil de l’écurie Mercedes,a déclaré : « la seule raison à laquelle je peux penser est que je suis maintenant chez Mercedes et que nous battons Red Bull ».

Le seul virage dont le nom n’a pas été commercialisé est le Rindt Kurve, du nom du Jochen Rindt, l’Autrichien couronné champion en 1970 à titre posthume.

Il reste au moins une chose que 5 milliards de cannettes ne peuvent changer.