Kimi Räikkönen a remporté le premier Grand Prix de la saison en effectuant deux arrêts pour changer de pneus, alors que ceux qui étaient devant lui en début de course (Sebastian Vettel, Felipe Massa, Fernando Alonso) ont dû s’arrêter une fois de plus et se sont retrouvés derrière le Finlandais.

C’est la tenue de route de sa Lotus E21, très douce avec ses pneus, qui lui a permis d’obtenir cette victoire. Tout en lui permettant aussi de signer le meilleur chrono de la course, au 56e des 58 tours de l’épreuve. Nous n’avons pas assisté à une version motorisée de la fable de La Fontaine, Le lièvre et la tortue.

La E21 se montre ainsi la digne héritière de la voiture 2012.

Des qualités

En effet, l’an passé, la Lotus E20 se distinguait déjà par sa maniabilité et par sa douceur dans l’utilisation des pneus.

Elle avait aussi les défauts de ses qualités. À savoir une difficulté à rapidement faire monter les pneus en température, ce qui nuisait aux pilotes dans l’exercice des qualifications alors qu’il faut réussir un temps canon dès le premier tour lancé.

Quel était son secret? En piste, elle semblait posséder une suspension moins rigide que la concurrence. Selon Radio Paddock, la E20 utilisait une technologie de suspension innovatrice.

À l’origine, la E20 bénéficiait aussi d’une belle trouvaille. Les ingénieurs avaient incorporé à la suspension avant des petits cylindres hydrauliques pour maintenir la garde au sol en phase de freinage. La FIA a approuvé le système au mois de janvier, avant de changer d’avis une semaine plus tard! La E20 a dû s’en passer pour la saison 2012.

Cet épisode n’est pas sans rappeler l’histoire du « mass damper » en 2006. Les ingénieurs de l’écurie Renault (qui s’est muée en Lotus-Renault en 2011) avaient placé un poids de 9 kg, suspendu entre deux ressorts, dans le museau de la voiture afin d’amortir les mouvements du train avant, notamment lors du passage de la voiture sur les bordures. La FIA l’avait accepté à partir du début de la saison 2005, pour finalement l’interdire à l’été 2006. Allez comprendre…

Ces deux histoires nous prouvent à nouveau que les ingénieurs de toute bonne écurie de F1 travaillent constamment dans les zones grises du règlement.

… et des défauts

Bon, elle n’avait pas que des qualités cette E20, sinon elle aurait remporté plus qu’une course! Et cette victoire, elle l’aurait eue au mérite : Räikkönen n’aurait probablement pas gagné à Abou Dhabi sans l’abandon sur bris mécanique (pompe à essence) de Lewis Hamilton, qui avait dominé la qualification et le début de la course.

L’an passé, l’écurie Lotus a été lente à adopter le système des échappements soufflants de type Coanda (*), qui s’est avéré déterminant dans la performance des Red Bull, McLaren et Ferrari, et ce, dès l’entame du championnat.

Lors de la conception de la E20, les études de simulation par ordinateur n’avaient pas convaincu les ingénieurs Lotus de l’efficacité de ce système. Par contre, en raison de la géométrie complexe des tuyaux d’échappement, les ingénieurs savaient que ce système allait bouffer de 10 à 12 ch de la puissance du moteur (et non pas 50 ch comme on a pu l’entendre).

Ce n’est qu’en Corée à la mi-octobre qu’un tel système est finalement apparu sur la E20, avec une amélioration immédiate de l’adhérence du train arrière.

Version améliorée

La nouvelle E21 semble avoir conservé la principale qualité de sa devancière, à savoir une « délicatesse » envers les pneus.

Cela tombe bien, puisque Pirelli a produit pour 2013 des gommes plus tendres qu’auparavant. Selon le fabricant italien, la gomme médium 2012 est équivalente à la gomme dure 2013.

Des gommes plus tendres qui montent plus rapidement en température, ce qui devrait permettre aux Lotus de mieux de qualifier. Cela n’a pas été confirmé à Melbourne, en partie parce que Räikkönen et Romain Grosjean ont avoué avoir commis de petites erreurs dans leur seul tour lancé en Q3.

Par ailleurs, Lotus a amélioré son système d’échappements soufflants de type Coanda. Selon le directeur technique, James Allison, ce système ne coûte maintenant que 5-6 ch en perte de puissance moteur et s’avère encore plus efficace.

Un atout dans la manche?

Mais Lotus ne va pas se contenter de ses acquis et travaille déjà sur quelques astuces.

Regardez la prise d’air pour le moteur située en hauteur derrière la tête du pilote. Elle possède deux ouïes verticales sur les côtés. Deux ouïes qui pourraient représenter un avantage intéressant pour Lotus.

Depuis l’an passé, l’écurie travaille sur un DRS passif. Un quoi?

DRS : système de réduction de la traînée (soit la résistance au vent). Depuis 2011, le pilote peut entrouvrir les lames de l’aileron arrière en poussant sur un bouton situé sur son volant (certaines écuries utilisent plutôt une pédale). Ainsi entrouvert, l’aileron arrière offre moins de résistance au vent, donc la voiture va plus vite en ligne droite. Cette saison, l’usage du DRS est restreint à des endroits bien précis, et ce, durant toute la fin de semaine. Il s’agit d’un système actif, puisqu’actionné par le pilote.

DRS passif : ou comment obtenir un résultat similaire sans que le pilote ait à intervenir. L’idée de base : envoyer, dans les lignes droites, un surplus d’air sur l’aileron arrière pour détruire son efficacité.

Lotus a commencé à travailler sur un système passif dès l’an passé, mais sans l’utiliser en course. L’air s’engouffre dans les ouïes latérales de la prise d’air moteur et, à une certaine vitesse, une trappe s’ouvre et laisse passer cet air vers l’aileron arrière. D’une belle simplicité, n’est-ce pas?

La difficulté, l’énorme difficulté, c’est de faire fermer cette trappe à sensiblement la même vitesse ou même à une vitesse inférieure, afin d’avoir les appuis aérodynamiques nécessaires pour freiner ou négocier une courbe.

Malgré cet obstacle technique, les ingénieurs croient que ce système peut offrir un gain de performance appréciable, d’autant plus qu’aucun règlement ne régit son utilisation. On le croit chez Lotus, mais aussi chez Mercedes et McLaren.

Lotus vise la 3e place au classement des constructeurs. Le début de saison est prometteur, mais la guerre de développement ne fait que débuter. Le plus dur reste à faire.

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* La théorie de l’ingénieur roumain Henri Coanda, selon laquelle un fluide (par exemple de l’air) a tendance à se coller à une surface avoisinante (par exemple la carrosserie d’une F1). Cet effet, combiné à l’air qui s’écoule sur la carrosserie de la voiture en marche, pousse les gaz d’échappement chauds vers le bas de la voiture pour créer de l’appui aérodynamique.