McLaren : docteur, est-ce grave?
Formule 1 mardi, 9 avr. 2013. 10:48 dimanche, 15 déc. 2024. 10:38L’écurie McLaren connaît son pire début de saison depuis la campagne 1994.
J’oublie la saison 2000? C’est vrai que les deux pilotes de l’écurie (Mika Hakkinen et David Coulthard) cumulaient 0 point après les deux premières courses. Mais cela était dû à un double abandon (moteur) en Australie, suivi d’un abandon (moteur Hakkinen) et d’une disqualification (dérives latérales de l’aileron avant trop basses de 7 mm sur la voiture de DC, qui avait terminé 2e) au Brésil. Par contre la voiture était performante, puisque le duo McLaren occupait la première ligne sur la grille de départ de ces deux Grands Prix.
En 1994, McLaren entamait sa collaboration avec Peugeot comme motoriste. Oui oui, vous avez bien lu : Peugeot. Abandonné par Honda fin 92, McLaren s’était tourné vers le bon vieux moteur Ford Cosworth en 1993 avant de tenter l’aventure Peugeot. Q8 et Q18 au Brésil avant deux abandons, puis Q4 et Q6 au Pacifique avant deux autres abandons. Avant la fin de l’année, McLaren avait signé avec Mercedes pour entamer un fructueux partenariat qui dure encore.
Gar(d)e au sol
De retour en 2013. De quel mal souffre la McLaren, qui n’a obtenu que deux 9es places à l’issue des deux premières courses de la saison, alors qu’une telle écurie doit viser la victoire d’entrée de jeu?
En gros, la MP4-28 ne fonctionne bien qu’avec une garde au sol (distance entre le dessous de la voiture et la surface de la piste) trop basse par rapport aux normes.
Avec une garde au sol trop basse, une F1 a tendance à talonner sur les moindres bosses, ce qui crée de l’instabilité.
Elle a aussi tendance à user la planche située sous le plancher *. Or le règlement stipule que cette planche de 10 mm d’épaisseur ne peut s’user de plus de 1 mm du début à la fin d’un Grand Prix.
Comme le déclarait avec humour Jenson Button à Melbourne, un circuit urbain bosselé, les réglages optimum pour la MP4-28 auraient fait que non seulement la planche sous la voiture serait disparue, mais aussi la moitié de la voiture!
Sur la surface plus plane du circuit de Sepang une semaine plus tard, le problème était moins prononcé.
Pour rouler avec une garde au sol plus basse que normale, il faut rigidifier les suspensions, ce qui amène d’autres problèmes en matière de tenue de route.
Il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des solutions
Cette citation s’applique à la F1, surtout en ce qui concerne une écurie comme McLaren possédant budget et personnel qualifié. Mais une autre question se pose. Combien de temps pour trouver la ou les solutions?
S’il ne s’agit « que » d’améliorer l’aérodynamique de la voiture : l’écurie peut faire du travail de recherche avec la simulation sur ordinateur et la soufflerie, puis apporter de nouvelles pièces sur les Grands Prix à un rythme accéléré.
Mais…
Si le problème de base provient de sa nouvelle suspension avant **, la solution peut réclamer plus de temps.
Si l’écurie arrive à la conclusion qu’il faut modifier les points d’ancrage de la suspension sur le châssis, cela s’avère une tâche compliquée. On peut modifier le châssis existant (ce qui risque d’ajouter du poids) ou on peut aller jusqu’à fabriquer un nouveau châssis (90 jours de travail).
Attendons de voir, dans un premier temps, les modifications que l’écurie aura apportées à sa monoplace pour le GP de Chine.
Vettel fait de la résistance
Plusieurs m’ont demandé si le cas de Sebastian Vettel, qui a refusé d’obtempérer à des consignes d’équipe au GP de Malaisie, était unique en F1.
Disons que le terme « rare » serait approprié.
Voici un résumé des grands refus de l’histoire de la F1 :
Grande-Bretagne 1951
José Froilan Gonzalez, parti de la position de tête, ignore par deux fois les ordres du directeur sportif de Ferrari qui lui demande de s'arrêter. Il craint, comme quinze jours plus tôt au GP de France, de devoir céder sa monoplace à Alberto Ascari qui avait abandonné à bord de sa propre voiture (un tel changement était permis à l’époque). Gonzalez reste en piste et gagne.
Brésil 1981
Les Williams de Carlos Reutemann et Alan Jones, le champion en titre, dominent le Grand Prix du Brésil. L'équipe demande à l'Argentin de laisser passer l'Australien, ce qui est stipulé dans son contrat. Reutemann refuse. Il l'emporte, mais le paiera cher lorsqu’il sera dans la course au titre en fin de saison : Williams ne fera rien pour l’aider.
Saint-Marin 1982
Les deux Ferrari de Gilles Villeneuve et Didier Pironi mènent facilement la course. Marco Piccinini, directeur sportif de la Scuderia, fait passer le panneau « restez sur vos positions ». Pironi n’en tient pas compte et dépasse le Québécois pour remporter la course.
France 1982
Les Renault turbo dominent le Grand Prix de France. René Arnoux est en tête avec une bonne avance sur Alain Prost qui joue le titre. L’écurie demande à Arnoux de laisser la victoire à son coéquipier. Le Grenoblois ignore la consigne et remporte la course. Il faut dire qu’Arnoux était déjà en discussion avec Ferrari pour la saison suivante…
France 2001
Ralf Schumacher (2e derrière son frère Michael sur Ferrari) est en difficulté avec son deuxième train de pneus et son coéquipier Juan Pablo Montoya s’approche rapidement de lui. L'écurie Williams demande alors à Ralf de laisser passer Montoya, mais l'Allemand refuse d'obtempérer.
Grande-Bretagne 2001
À la mi-course, Juan Pablo Montoya (sur deux arrêts) est bloqué derrière son coéquipier Ralf Schumacher (sur un seul arrêt). L’écurie Williams demande à Ralf de le laisser passer, mais l'Allemand refuse d'obtempérer.
[Pour ceux et celles qui veulent tout savoir]
* La Fédération internationale de l’Automobile a imposé l’installation de cette planche sous les F1, afin de les empêcher de rouler trop près du sol, ce qui est bénéfique sur le plan aérodynamique, mais dangereux, car les voitures ont alors tendance à talonner (la voiture heurte le sol et se relève d’un coup, perdant ainsi une bonne partie de ses appuis aérodynamiques). Cette planche est fabriquée à base de bois et de résine. Dimensions : largeur 300 mm, épaisseur 10 mm, longueur variable selon la voiture (de l’axe des roues arrière jusqu’à 330 mm derrière l’axe des roues avant). Date d’apparition au règlement : GP Allemagne 1994, comme réaction à l’accident d’Ayrton Senna survenu deux mois plus tôt (une théorie voulait que sa voiture ait tiré tout droit dans une courbe à la suite d’une perte d’appuis aérodynamiques, après avoir talonné sur une bosse).
** Ferrari a adopté l’an passé une suspension avant à tirants. McLaren est la seule écurie à faire de même en 2013.