La réduction des coûts en Formule Un.

Une obligation, selon les petites écuries indépendantes (soit Force India, Sauber, Marussia et Caterham).

Une petite économie, selon les grandes écuries (Ferrari, Mercedes, McLaren, Red Bull).

Les premiers prônent un plafond budgétaire, les seconds détestent l’idée. Officiellement parce que ce n’est pas gérable (selon Red Bull, impossible de contrôler l’argent que le constructeur automobile Mercedes investit dans l’écurie de F1 Mercedes). Dans les faits, on est prêt à dépenser tout l’argent dont on peut disposer.

Évidemment, ce sont les seconds qui décident. En toute légalité. Car ils contrôlent maintenant la F1.

Tout a commencé avec les nouveaux Accords Concorde, qui lient les écuries et la FOM (ou plus précisément le DDC - le détenteur des droits commerciaux - représenté par Bernie Ecclestone). Ces accords prévoient notamment comment le DDC distribue les revenus de la F1 aux écuries.

Afin de créer (avec succès) une scission au sein de la FOTA (l’association des écuries, dissoute en début d’année), le DDC a signé des ententes unilatérales avec les écuries, pour la période 2014-2020.

En commençant par offrir plus d’argent aux grandes écuries. Puis de moins en moins aux autres. Qui ont quand même signé. Que pouvait faire Sauber, par exemple : ne pas accepter les termes et signer l’arrêt de mort de l’entreprise qui n’existe que pour et par la F1 ?

Ces nouveaux Accords Concorde comprenaient aussi une nouvelle gouvernance de la F1.

Finis les groupes de travail, voici le Groupe stratégique qui a pour fonction de proposer tous les changements aux règlements techniques et sportifs de la F1.

Tout repose sur le mot « proposer ». C’est très malin.

Car si toutes les propositions du Groupe stratégique doivent être entérinées par la Commission F1 (où sont représentés toutes les écuries, les promoteurs, les commanditaires) puis par le Conseil mondial du sport automobile, il ne faut pas oublier que ce qui n’est pas proposé n’existera jamais! Tout ce que les membres du Groupe stratégique n’aiment pas, ils n’ont qu’à ne pas le proposer. Simple!

Et devinez qui compose ce Groupe stratégique? Red Bull, Mercedes, Ferrari et McLaren à titre d’écuries (récemment) championnes du monde; Williams en raison de son héritage; et Lotus comme « meilleure des autres » du championnat de l’an passé. Chacune dispose d’un vote.

La FOM (Formula One Management) et la FIA possèdent six voix chacune. Tout vote se fait à majorité simple.

Évidemment, comme la FOM favorise financièrement Red Bull, Mercedes, Ferrari, McLaren et Williams dans les nouveaux Accords Concorde, on devine facilement l’issue des votes.

Le Groupe stratégique a évidemment rejeté toute idée de plafond budgétaire.

Pour les grandes écuries, la réduction des coûts doit plutôt venir d’une série de modifications aux règlements technique et sportif.

En conférence de presse au Grand Prix de Monaco, Christian Horner (patron de Red Bull) avait parlé des discussions en cours sur le sujet : « jusqu’à présent, nous avons probablement sauvé environ 10 000 €, mais nous allons dans la bonne direction ».

Quoi? 15 000$? Alors que Red Bull et Ferrari dépenseraient environ 400m $, McLaren et Mercedes près de 300m $ par année pour mettre deux voitures en piste?

Les discussions au sein du Groupe stratégique ont donné lieu aux propositions suivantes, entérinées la semaine passée par le Conseil mondial du sport automobile (qui ne peut qu’accepter ou rejeter les propositions du Groupe stratégique) en vue de la saison 2015 :

réduction des essais privés :
- avant la saison : trois séances (4 jours) comme en 2014 mais seulement en Europe (alors que Pirelli souhaite tester ses produits au moins une fois à la chaleur); et seulement deux séances (4 jours) en 2016;
- durant la saison : deux séances (2 jours) au lieu de quatre

diminution du temps alloué pour le travail en soufflerie :
- de 80 à 65 heures de passage en soufflerie
- une seule soufflerie

diminution de la simulation par ordinateur :
- de 30 à 25 téraflops

modification au règlement du parc fermé :
interdiction de modifier les réglages de la voiture à partir du début de la séance d’essais libres du samedi matin (auparavant : à partir du début de la séance de qualifications samedi après-midi)

Wow, de quoi sauver… 5-10 millions de dollars?

Seule décision sérieuse : quatre moteurs pour la saison au lieu de cinq.
(mais est-ce que le budget moteur va baisser de 20%? On peut en douter).

Et pourtant il y a des idées qui flottent dans l’air afin de réduire les coûts.

Par exemple, comme le suggère les petites écuries, limiter le développement des voitures. Les équipes ne pourraient modifier leur monoplace que 2 ou 3 fois par année. Option : imposer un gel sur le développement à partir d’une certaine date (disons le 1er juillet).

Voilà une manière de s’attaquer directement aux (trop) grands budgets de la F1.

N’oubliez pas que les grandes écuries développent constamment de nouvelles pièces. Pour chaque Grand Prix.

Sachant que le budget requis pour une écurie de milieu de peloton est d’environ 140 M$ US (voiture, personnel, équipement), où passe le reste des (trop) grands budgets? Dans le développement!

Limiter le développement, c’est limiter les coûts.

Bien sûr une écurie pourrait encore dépenser tout l’argent qu’elle veut pour s’assurer que chaque développement s’avère fructueux. Mais il y a sûrement une limite aux nombre d’ingénieurs que l’on peut faire travailler sur une évolution d’aileron avant!

Les mesures adoptées la semaine dernière sont-elles suffisantes pour sauvegarder l’avenir des petites écuries ?

Il y en a un qui ne s’en soucie pas.

« Si vous n’avez pas l’argent nécessaire, vous devez partir ».

Vous aurez deviné l’auteur de la déclaration. Avec une fortune personnelle estimée à 4,2 milliards de dollars américains, lui n’a pas de soucis.