Nico Rosberg avec panache
Formule 1 dimanche, 27 nov. 2016. 16:27 jeudi, 12 déc. 2024. 07:29Avant même le lancement du Grand Prix d’Abou Dhabi, on savait tous que les probabilités favorisaient Nico Rosberg pour décrocher le titre des pilotes. Son avance de 12 points ne lui imposait que de terminer sur le podium, et ce, en tenant compte d’une victoire de Lewis Hamilton. En réussissant très bien son départ, tout comme son coéquipier, en s’installant derrière lui dès l’extinction des rouges, on a cru que l’issue du championnat était déjà décidée. Mais c’était sous-estimer les aléas que cette saison excitante nous a fournis depuis le tout début et clairement, il allait y avoir encore quelques rebondissements avant que Rosberg puisse crier victoire. Nico a dû travailler fort, beaucoup plus fort que prévu avant de savourer sa conquête.
Il y eut tout d’abord Max Verstappen qui est venu brouiller les cartes avec une stratégie audacieuse d’un seul arrêt. Victime d’un léger contact avec Nico Hulkenberg dès le départ, le jeune prodige a encore une fois remonté le peloton avec dextérité mais il a surtout brillement étiré un premier relais sur 21 tours avec la gomme super-tendre. Dès que la perspective de le voir s’arrêter qu’une seule fois est devenue bien réelle, Mercedes a insisté auprès de Rosberg pour qu’il attaque Verstappen, après être retombé derrière lui après son propre premier arrêt. On voulait préserver le podium de Rosberg et la victoire de l’écurie. Or, se battre avec Verstappen était probablement la dernière chose que voulait l’Allemand aujourd’hui, en connaissant les coups de volant parfois incisifs du Néerlandais. Le futur champion allait toutefois s’acquitter de cette tâche avec brio, même si les roues ont failli se toucher!
Deuxième tuile pour Rosberg, ce long deuxième relais de Sebastian Vettel, qui lui permit de chausser la gomme super-tendre avec 18 tours à faire. Seul en piste avec ces pneus performants, parmi les meneurs, Vettel s’est mis à remonter le peloton à la vitesse de l’éclair, jusqu’à la 4e place. En moins de temps qu’il ne le fallait, le quadruple champion était directement dans la boîte de vitesse de Vertappen, qu’il dépassa finalement avec cinq tours à faire, pour terminer 3e.
Mais le plus gros souci de Nico Rosberg est finalement venu de son propre coéquipier! Réalisant qu’il y allait y avoir de la compagnie derrière Rosberg, Hamilton se mit à lever le pied, tentant de créer un étau autour de Nico, voulant ainsi créer une situation potentiellement hasardeuse envers le futur champion. Malgré les instructions de son équipe, Hamilton poursuivit sa tactique, ce qui plaça Rosberg dans une situation intenable jusqu’au drapeau à damier. Il parvint malgré tout à éviter le piège et les Mercedes terminèrent la course et la saison 2016 avec un autre formidable doublé.
« Ce ne fut pas une course très agréable » furent les mots exprimés sur le podium par le nouveau roi de la F1. Chez Mercedes, on était visiblement heureux du résultat mais mal à l’aise avec le refus d’obtempérer du champion sortant. On verra si la situation laissera des séquelles, ce dont je doute, personnellement. On a déjà vu bien pire, après tout, dans l’histoire du Championnat du monde!
De toute façon, en bout de ligne, le titre de Rosberg est pleinement mérité. Si la malchance l’a épargné, contrairement à son coéquipier, il fut globalement en mesure de profiter de toutes les opportunités qui s’offraient à lui. Quant à Hamilton, il se priva de précieux points en ratant quatre départs cette saison. Nico Rosberg est donc un champion de plein droit. Et la façon dont il s’est comporté à Abou Dhabi ajoute du panache à l’obtention de son titre!
Verstappen et l’invasion des jeunes
En toile de fond de ce mémorable duel Rosberg-Hamilton, la saison 2016 aura été marquée par le transfert percutant de Verstappen, de Toro Rosso vers la grande écurie Red Bull. Dans la perspective bien évidente de ne pas laisser filer ce talent d’exception, les dirigeants de RBR ont emprunté au hockey et à d’autres sports une formule connue : la promotion d’un jeune, rempli de promesse, depuis la filière de développement vers les plus hauts échelons.
À lire également
Verstappen a aussitôt répondu à cette extraordinaire démonstration de confiance de la façon la plus inimaginable qui soit, en remportant le GP d’Espagne… à l’âge de 18 ans et 228 jours! Sa victoire, inscrite à la suite d’une belle bagarre avec un ancien champion du monde, Kimi Raikkonen, a convaincu tous les sceptiques qui doutaient encore de sa place en F1, à un aussi jeune âge.
Mais c’est sa performance à Interlagos, au GP du Brésil, qui a convaincu les derniers sceptiques à propos de son talent d’exception, de la perspective de le voir, un jour pas si lointain, être couronné champion du monde. Sa maîtrise, pour ne pas dire sa magie, dans des conditions de pluie frôlant l’indécence, a ébloui l’univers de la F1 et a soulevé l’admiration à l’échelle de la planète. Même s’il n’est monté que sur la 3e marche du podium, sa remontée depuis la 16e place, au cours des 15 derniers tours de l’épreuve, a produit un effet encore plus fort que sa victoire. D’un trait, on a cessé de la blâmer pour ceci, de le critiquer pour cela. On s’est mis unanimement à l’encenser, dans tous les cercles.
Titulaire du deuxième meilleur volant du championnat 2016, Verstappen a profité d’un contexte presque idéal pour épater la galerie. Ce ne fut pas nécessairement le cas, malheureusement, pour les autres jeunes loups qui ont atteint la F1 et ce, tout-à-fait légitimement. Qu’importe, les Carlos Sainz, Esteban Ocon et Pascal Wehrlein ont quand même réussi à démontrer qu’une toute nouvelle génération de pilotes était prête à prendre le flambeau, de brillante façon, au moment où se retiraient des vétérans comme Felipe Massa et Jenson Button. Quand Lance Stroll fera officiellement son entrée au championnat, au printemps 2017, il ajoutera une dimension très importante à ce mouvement jeunesse irrésistible.
Virage technique majeur
La simple mention du nom de Stroll nous ouvre déjà grandement l’appétit en vue de la saison de F1 2017. 40 ans après Gilles Villeneuve, 20 ans après la conquête de son fils Jacques, le jeune Lance deviendra le porte-étendard d’une troisième génération de pilotes de chez-nous à atteindre la F1. À n’en pas douter, ses premiers tours en essais hivernaux susciteront beaucoup d’intérêt et seront à la base même d’un crescendo menant vers Melbourne, le 25 mars.
Même s’il admet être ambivalent à ce sujet, le jeune Stroll pourrait être avantagé de faire ses débuts dans la discipline reine au moment où elle connaîtra un virage technique important. Ce n’est pas une révolution, comme celle des moteurs il y a trois ans, mais une forte avancée sur deux fronts. Grâce aux pneus Pirelli plus large de près de 25 % et d’un accroissement de l’appui aérodynamique, les monoplaces de 2017 pourraient retrancher une moyenne de quatre secondes au tour! Sans que nous connaissions encore les ajustements qu’il faudra apporter au chapitre du pilotage, dans ce nouveau contexte, il est légitime de se demander si les plus jeunes du plateau n’auront pas une faculté d’adaptation plus rapide que les vétérans.
Reste maintenant à savoir si Mercedes poursuivra sa domination des dernières années. Celle-ci est aussi liée, bien sûr, au progrès des autres écuries et bien malin celui qui pourrait prédire, au moment d’écrire ces lignes, qui aura le mieux maîtrisé le nouveau cahier de charge technique. Chose certaine, malgré la qualité exceptionnelle du groupe propulseur Mercedes, les progrès de Red Bull en 2016 et la volonté de Ferrari de faire oublier sa saison difficile sont autant de facteurs qui nous permettent d’espérer un meilleur équilibre des forces. Williams et Force India ont aussi de bonnes bases et pourraient de temps en temps jouer les trouble-fêtes, qui sait.
Que Nico Rosberg et Lewis Hamilton nous redonnent une aussi belle confrontation que celle qui s’est terminée il y a quelques heures, nous sommes tous preneurs. Mais qu’il y ait une sérieuse perspective de victoires pour les autres pilotes, au moins sur une base régulière, nous serions comblés!