Le Brier emblème de la suprématie masculine en curling au Canada bat son plein cette semaine en provenance de Calgary. Avec la puissance et l'équilibre des forces en présence, on savait d'entrée de jeu que le spectacle s'annonçait des plus intéressants et jusqu'à présent, les amateurs n'ont pas été déçus des performances offertes par les athlètes qui participent à cette édition 2015.

Bien que le Nord de l'Ontario de Brad Jacobs semble vouloir se détacher du peloton, la lutte pour les trois autres places dans la ronde éliminatoire est féroce et risque de se poursuive jusqu'au dernier lancer du dernier match du tournoi à la ronde vendredi matin. Il ne faudrait pas non plus exclure la très forte probabilité de bris d'égalité pour finalement obtenir un tableau final des quatre équipes qui se battront dans la ronde des médailles.

Mis à part la qualité du spectacle offert, nous avons également eu droit à une multitude de distractions plus intéressantes les unes que les autres.

Tout d'abord, ces matchs impliquant d'anciens coéquipiers ont donné une saveur de match éliminatoire au beau milieu de la semaine. Si vous avez suivi le match Alberta de Kevin Koe contre son ancienne formation dirigée maintenant par Morris et Simmons, vous avez pu noter qu'il n'y avait rien d'ordinaire dans cet affrontement. Les joueurs, en plus de jouer ce match avec les émotions à fleur de peau, ont livré une performance digne des plus belles finales du Brier.

Comme autre divertissement, notons le mini-scandale du « Broomgate », incident dans lequel certains joueurs du Nord de l'Ontario insatisfait du comportement de leurs adversaires sur les glaces ont manifesté leur désapprobation de façon antisportive. Dans un sport ou le fairplay est la règle numéro un et cela depuis sa création, disons que ce comportement du Nord de l'Ontario en a surpris plusieurs.

On sait très bien que la philosophie olympique qui impose aux équipes de se surpasser autant sur les glaces que dans les périodes d'entraînement hors glace a changé la face du curling depuis quelques années, mais sommes-nous rendus au point de faire fi des traditions de gentilhommerie qui toujours caractérisé ce sport? J'ose espérer que non et j'ose espérer que la formation de Brad Jacobs, qui aurait pu être, qui pourrait être l'image du curling masculin au cours des prochaines années, réalise les responsabilités supplémentaires qui s'imposent à toute équipe championne qui aspire à le demeurer et à être adulé par les millions d'amateurs au Canada.

Brad Jacobs et certains de ses coéquipiers ont déjà dans le passé piétiné quelques platebandes sacro-saintes du curling canadien, mais avec cet incident du « Broomgate », ils ont peut-être franchi une étape que les amateurs canadiens ne seront pas prêts d’accepter.

Ironie du sort, quelques matchs plus tard ce fut au tour de l'Albert d'être impliqué dans un incident impliquant le fairplay. Une pierre de Carter Rycroft d'équipe Canada, a été retirée du jeu à cause d'un mauvais fonctionnement du mécanisme électronique à l'intérieur de la poignée. Bien que rien ne l'exige dans les règlements, la formation de Kevin Koe a redonné la pierre à Rycroft pour que celui-ci recommence son lancer! Dans les dents monsieur Jabobs et sa troupe!

On peut encore être les meilleurs au monde et respecter la plus belle tradition de ce sport qui se joue dans 99 pour cent des cas, sans même la présence d'un officiel! Ce geste anodin de la formation albertaine, m'a rendu particulièrement fier du sport que j'ai choisi de pratiquer il y a une trentaine d'années et m'a rappelé l'espace d'un geste, pourquoi il mérite d'être connu et pratiquer par une plus grande portion de la population. Combien d'autre sport, professionnel ou amateur aurait offert à l'adversaire une deuxième dans de telles circonstances?

Parmi les performances sur les glaces, soulignons l'excellente prestation de nos Québécois. Éternel négligé malgré un titre en 2006 et une quatrième position l'an dernier, Jean-Michel Ménard poursuit son travail méthodique et accumule les victoires. Jean-Michel et ses coéquipiers ont l'air de batailleurs, sur les glaces. Ils n'ont pas tous un style aussi parfait que ceux d'un Brad Jacobs ou d'un Brad Gushue. À regarder jouer le capitaine Ménard avec ses choix tactiques inorthodoxes, on pourrait même croire que quelqu'un lui a volé quelques bâtons de son sac de golf! Mais il continue de pousser sa balle dans le trou avec les moyens du bord et surtout avec régularité qui semble déconcerter ses adversaires. Au moment d'écrire ces lignes, le Québec vient tout juste de s'incliner contre Équipe Canada. Il lui reste un gros match à disputer contre Brad Gushue et sa troupe, avec une victoire le Québec aurait de fortes chances de participer à un bris d'égalité ou peut-être même de terminer seul en quatrième place, dépendant des résultats des autres matchs.

Sans vouloir en rajouter, Jean Michel et sa troupe de joueurs amateurs - pas professionnel ou semi-professionnel comme plusieurs autres participants - ressemblent davantage à l'image traditionnelle du curling, c'est-à-dire un groupe d'athlète qui partage la même passion et qui réussit à atteindre les plus hauts sommets, tout en respectant les valeurs traditionnelles du sport en question.

Combinez la performance des équipes comme celles du Québec au geste de l'Alberta sur le coup de Carter Rycroft et les amateurs de curling peuvent encore rêver au curling canadien dans toute sa splendeur et sa pureté. En cette période ou le « Broomgate » et zone de relégation sont les sujets de l'heure à Calgary, la performance du Québec et l’esprit sportif de Kevin Koe ne pouvait ne mieux tomber!