Dans le sport comme dans toute autre facette de nos vies, les grands philosophes nous répètent souvent qu’il faut savoir apprécier autant le cheminement que l’accomplissement. Si cette règle s’applique également aux joueurs de curling, il faut espérer que les membres des dix-huit formations en liste lors des essais olympiques qui s’amorcent ce week-end à Ottawa auront su appliquer cette maxime au cours des quatre dernières années.

En effet, la route menant aux Jeux olympiques est très longue. Le processus de qualification qui s’étale sur plusieurs années est très, très long. De ces équipes qui ont mérité le droit de participer à cette compétition la plus relevée au monde, il y aura plusieurs appelés, mais que deux élus.

Si, au cours de ses longues années de préparation, les efforts fournis et les sacrifices offerts par chacun des joueurs n’ont pas été accompagnés d’expériences de vie enrichissantes, de rencontres inoubliables, et surtout, de satisfaction d’avoir tout fait ce qu’il était possible de faire pour se retrouver là, le choc risque d’être brutal. Le syndrome post-olympique qui touche tant d’athlètes de haut niveau, risque de les frapper en plein visage avant même que la semaine soit terminée.

Nous, de notre côté, les amateurs de curling, nous sommes prêts! Nous avons fait nos classes. Nous avons suivi les meilleures formations du pays se disputer toutes sortes de compétitions depuis quatre ans: Championnats canadiens, Coupe Canada, Skins games, Coupe continentale, Compétitions du Grand Chelem, etc. Nous avons fait tout ce qu’il fallait pour être prêts. Nous avons tout un chacun une idée sur les équipes qui devraient l’emporter. Une opinion de qui nous souhaiterions voir représenter le pays aux prochains Jeux olympiques.

Mais, au-delà de toute préférence, comment évaluer réellement les chances de chacun et chacune des formations de remporter cette grande compétition?

Durant mes temps libres, entre mon travail d’analyste à RDS et celui d’enseignant, mes longues randonnées en montagne ou mes interminables escapades en vélo sur les routes, il m’arrive à l’occasion de m’intéresser à d’autres sports que le curling. Que ce soit la Ligue nationale de football ou le Baseball majeur et il m'arrive de jeter aussi un coup du côté dans la Ligue nationale de hockey (vous me direz qu’il est difficile de faire autrement lorsque l’on demeure dans une province où le CH est roi). Mais tant qu’à verser dans les confidences, disons qu’à l’occasion bien sûr, je mise sur différents événements sportifs. Je le fais très modestement et tout en m’assurant évidemment d’apprécier davantage le cheminement que l’accomplissement! Heureusement d’ailleurs.

Je participe à de nombreux pools de toutes sortes et ça m’amuse. Mais bien que je le fasse par pur divertissement et que la plupart du temps, les montants en jeux n’ont aucune valeur par rapport au véritable plaisir que procurent les droits de vantardise qu’apporte une victoire dans un pool donné, je prends ce loisir très au sérieux.

Malgré que je le fasse comme passe-temps, j’y consacre un certain effort. Lorsque je choisis une équipe pour l’emporter, peu importe le sport, je fais un minimum de travail. J’essaye d’oublier mes préférences et de choisir avec ma tête et non avec mon cœur! Pas toujours facile, croyez-moi! Et dans mon cas, encore plus difficile au curling, où j’y compte encore de nombreux amis.

La très grande majorité des parieurs sportifs développeront leur propre système d’évaluation. Ce que nos amis anglophones appellent un « power ranking » des différentes formations en lice. Par la suite, on y incorpore différents éléments que l’on pourrait qualifier de situationnels, comme par exemple,  l’avantage de jouer à domicile. Dans la Ligue nationale de football, cet avantage procure généralement +3 points à l’équipe locale. Ce n’est pas peu dire (Rachel Homan et John Morris sont originaires de Ottawa et auront sûrement l’avantage du cinquième joueur (foule).

On regarde également les joueurs blessés, les séquences victorieuses, l’expérience dans telle ou telle compétition, les affrontements précédents entre ces équipes, etc. Tous ces facteurs peuvent venir influencer votre classement des forces en présence (« power ranking »). Ce travail ne vous garantira pas une victoire à coup sûr, mais vous aidera à déterminer les probabilités de victoire dans une compétition ou dans un match donné.

Au curling, un des facteurs les plus influents dans notre prise de décision est d’évaluer qui joue bien à ce temps-ci de l'année. À titre d’exemple, l’an dernier la formation de Rachel Homan était de loin la favorite. Elle remportait presque toutes les compétitions auxquelles elles participaient incluant le titre canadien et le Championnat du monde. Cet automne, c’est plus laborieux. L’an dernier, le nom de Casey Scheidegger n’était pas souvent mentionné lorsque l’on évoquait les meilleures formations au pays. Présentement, elle est classée quatrième chez les boursières au pays augmentant drastiquement sa valeur et par le fait même modifiant son classement dans les forces en présence.

Alors, on s’amuse à ajouter tous ces ingrédients dans un grand bol, on brasse aussi souvent que l’on veut. On laisse mijoter et on espère trouver la recette gagnante.

Je répète ce processus tous les week-ends quand vient le temps choisir qui remportera les matchs de la Ligue nationale de football. J’avoue humblement que la plupart du temps le résultat est indigeste, mais le plaisir de la préparation ne se tarit pas pour autant.

Dans le cas des essais olympiques, qui s’amorcent ce week-end, disons simplement que ça fait presque quatre ans que nous laissons mijoter tous les ingrédients ensemble.

Je vous offre donc ici les résultats de cette longue macération. Incorporez-les comme bon vous semble dans votre propre évaluation. Ils doivent être considérés simplement comme un ingrédient et non comme une recette complète.

Classement des forces en présence (« power ranking ») :

Hommes                 Femmes

Brad Gushue          Jennifer Jones
Kevin Koe                Rachel Homan
Brad Jacobs           Casey Scheidegger
John Epping           Krista McCarville
Reid Carruthers     Val Sweeting
John Morris             Chelsey Carey
Mike McEwen          Julie Tippin
Brian Bottcher         Michelle Englot
Steve Laycock         Allison Flaxey

Voilà, la table est mise en ce qui me concerne. Ne reste plus qu’à laisser cuire durant une semaine ou un peu plus à une haute température émotive et nous devrions savoir si la recette mérite d’être ajoutée à mon grand dictionnaire culinaire ou non.

Sur ce, je vous souhaite une belle semaine de curling.  Il y a longtemps que nous, les amateurs de curling, attendons avec impatience cette compétition . La seule chose qui est garantie, et sur laquelle je n’hésiterais pas à parier, c'est que nous aurons du curling de haut niveau tout au cours de la semaine.

Je vous laisse, il y a 12 parties dans la LNH à évaluer pour samedi et 16 parties dans la NFL dimanche... Ouf!