Pour une deuxième année consécutive un championnat mondial de curling se déroulera en Asie. Avec la Chine comme pays hôte des Mondiaux masculins l'an dernier et le Japon cette année du côté féminin, ce doublé asiatique vient en quelque sorte confirmer la mondialisation de ce sport au cours des dernières années.

Le curling a toujours été l'affaire de quelques pays nordiques. Inventé en Écosse, il s'est rependu dans les pays scandinaves et en Amérique du Nord principalement. Le Canada est depuis une cinquantaine d'année la Mecque du curling mondial et avec ses nombreux titres olympiques et sa multitude de titres mondiaux, le Canada est de loin la force dominante de ce sport au niveau international.

Cela étant dit, on peut quand même conclure que le paysage change rapidement depuis une dizaine d'années. Certains pays ne supportaient le curling que sur une base récréative, mais avec l'arrivée du curling sur la scène olympique, ceux-ci ont décidé d'investir non seulement dans les structures, mais également le développement des athlètes pratiquant ce sport.

La victoire de la chinoise Bingyu Wang aux Mondiaux de 2009 est venue concrétiser ce changement, et cette situation a donné beaucoup d'espoir aux jeunes fédérations internationales. La Chine, avec cette victoire, est venue démontrer hors de tout doute qu'un développement rapide d'athlètes de haut niveau était une chose réalisable en curling. Cette nouvelle donnée est venue ouvrir les valves financières pour de nombreuses fédérations de curling de divers pays. L'espoir de médailles olympiques demeure encore dans plusieurs pays où le sport professionnel ne fait pas foi et loi, un attrait important, tant pour les commandataires potentiels que pour les politiciens.

Le Canada cependant tient le coup. Même s'il est attaqué dorénavant sur plusieurs fronts, le très grand nombre de joueurs de curling au Canada (près de un million) représente encore un chiffre supérieur à l'ensemble des autres fédérations mondiales réunies et permet aux Canadiens d'être toujours parmi l'élite mondiale. Quand un soldat tombe au combat, un autre est tout juste derrière, prêt à reprendre le flambeau. Ce phénomène est différent dans d'autres pays, où le déclin d'une formation signifie généralement une disette dans les années qui s'en suivent. La Chine, avec la retraite de Bingyu Wang, en est un bon exemple.

Cet avantage démographique (plus grand nombre de joueurs de curling) assure au Canada de demeurer plus que compétitif au niveau international. La prestation aux derniers Jeux olympiques, à Sotchi, des deux formations canadiennes a confirmé encore une fois la suprématie canadienne. Dans les faits, le Canada a remporté les trois dernières médailles d'or olympiques chez les messieurs et une d'or, d'argent et de bronze durant la même période chez les dames.

Pourtant cette suprématie canadienne est plus ou moins présente lors des Championnats mondiaux féminins. La Canada n'a pas réussi à monté sur le plus haute marche du podium depuis 2008. Jennifer Jones, la représentante de cette année aux Mondiaux, avait réussi le fait d'armes en 2008. Cette même Jennifer Jones, qui a balayé les Olympiques en février 2014 d'une main de maître, n'a cependant pas un palmarès étincellent aux Championnats mondiaux ; une seule victoire en quatre participations!

Difficile d'expliquer ce phénomène. La raison qui semble la plus évidente est la parité chez les meilleures équipes canadiennes. Le fait d'envoyer trop souvent des formations différentes aux Mondiaux, à cause du surplus de talent canadien, nuirait peut-être aux chances des Canadiennes, qui souvent manquent d'expérience à l'échelle internationale. Pourtant, les hommes n'éprouvent pas de difficultés malgré la profondeur en curling masculin.

Est-ce que le curling international se serait mieux développé chez les dames que chez les messieurs? Possible. Mais je suis plutôt d'avis que les plus maigres succès des Canadiennes au cours des dernières années n'est que circonstanciel et représente un échantillon trop petit pour permettre d'en tirer des conclusions. Certes, le Canada n'a pas gagné depuis 2008, mais elles ont remporté les dernières Olympiades. Elles ont remporté une multitude de médailles aux Mondiaux durant cette période, plus souvent qu'autrement pas très loin dernière les médaillées d'or. Par ailleurs, les Canadiennes remportent plus que la majorité sinon la totalité des tournois majeurs du circuit mondial de curling (WCT).

Le Canada n'aura pas besoin de la loi de la moyenne pour remporter les prochains Mondiaux. Jennifer Jones et sa troupe se présenteront à Sapporo comme l'équipe favorite, et à moins d'une grande surprise, devraient ramener le titre au Canada. Jennifer et sa troupe n'ont pas nécessairement été étincelantes aux dernier Tournoi des cœurs. Juste assez expérimentées et efficaces pour enlever le titre.

Une fois sur les glaces au Japon, une fois qu'elle revêtiront à nouveau la feuille d'érable qui les a si bien servies à Sotchi, il y a à peine un an, l'émotion et surtout la préparation qui avait permis aux Canadiennes de dominer leurs adversaires aux dernières Olympiades, permettra à Jennifer Jones de s'imposer.

Les trois principaux adversaires du Canada devraient être l'Écosse d'Ève Muirhead, la Suède de Margaretha Sigfridsson et la Russie d'Anna Sidorova.

Le Canada n'aura pas trop de difficultés contre la jeune formation russe, bien que celle-ci continuera d'être l'attraction médiatique du tournoi pour diverses raisons, les lacunes stratégique de la capitaine lui couteront une place sur le podium.

Jones aura le dessus sur la formation de Sigfridson (Suède) car celle-ci semble rendu au bout du rouleau. Christina Bertrup (troisième) continuera d'éprouver des difficultés dans les moments clés et Maria Prutz n'a plus l'assurance et la touche que l'on lui connaissait au cours des dernières années pour réparer les pots cassés par Bertrup.

Jones aura le dessus également sur les écossaises parce qu'elle ont une formation plus complète. Kaitlyn Lawes (troisième de la formation canadienne), en particulier aura le meilleur sur Anna Sloan, une excellente jeune joueuse mais trop unidimensionnelle pour tenir tête à Laws.

Kathlynn Lawes sera la joueuse clé de la formation canadienne. Elle est parmi les meilleures vice-capitaines au Canada et cet avantage, jumelé à l'expérience de Jennifer Jones, devrait être suffisant pour assurer la victoire canadienne.

Du haut de ses 40 ans, la capitaine canadienne n'aura probablement plus beaucoup d'autres opportunités de s'illustrer sur la scène internationale, et elle voudra sans doute faire oublier ses insuccès de début de carrière au niveau international et du même coup justifier encore davantage sa victoire aux Jeux de Sotchi.