Montréal, Alban Quénoi

Avant l’ère de l’internet à haute vitesse accessible à tous, les alternatives pour quelques parties entre amis sur ses jeux vidéo favoris n’étaient pas légion : soit on optait pour envahir le salon et la console d’un désigné volontaire, ou bien on investissait ce même salon à grand renfort de PC, écrans CRT à l’encombrement non négligeable, et on se montait un réseau local, le temps d’un après-midi ou d’une fin de semaine. Les quelques jeux du tout début des années 2000 offrant les possibilités de parties en mode multijoueur commençant à se développer, comme le nerveux Quake III arena, le concept du LAN party prit rapidement une ampleur remarquable.
Inspiré par le Polybash, tenu à l’école polytechnique, c’est ainsi que naquit l’envie chez Roch Turgeon de monter son propre événement au coeur de l’École de technologie supérieure, dont il était l’étudiant en 2002. Il réunit quelques amis pour monter son équipe, et obtient l’accord de la direction. Pour 40$, la promesse d’une demi-pizza et surtout, une fin de semaine de jeux endiablés, le pari est tenu : plus de 200 participants feront résonner les murs de l’ÉTS au rythme des frags de Quake III, Unreal Tournament et autre Counter-Strike.

La référence québécoise

Si dès sa première édition, les tournois sont déjà récompensés en argent sonnant, le but d’avoir un maximum de fun dans une ambiance bon enfant est l’âme de l’événement. “Je me souviens encore de l’émotion que j’ai eue en remettant l’une des deux Xbox à gagner à un kid de douze ans, il avait les larmes aux yeux”, nous raconte le fondateur de l’événement. C’est ça aussi, le LAN ETS : une fête du jeu vidéo, ou l’on échange autant les rencontres, que les frags et les rires. Fort de ce premier succès, Roch remet le couvert les deux années suivantes, en doublant le nombre de participants, tout en veillant à garder les dotations au même niveau, afin de ne pas faire d’ombre aux autres LANs québécoises. Car c’est déjà un écosystème fragile qui anime ces réunions vidéoludiques.
Suite à un désaccord avec la direction, 2005 ne verra pas la quatrième édition, mais le LAN ETS revint en force en 2006, avec l’intégration du projet au cursus scolaire des étudiants de l’école. L’événement s’installe alors de manière durable dans la communauté québécoise, et voit une progression quasi constante année après année, tant par son nombre d’inscrits, que les bourses attribuées.

Le virage esports

Le LAN ETS héberge une édition spéciale en 2010 à l’occasion des WCG, l’une des premières organisations esports d’envergure internationale, fondée en Corée du Sud. Le cap du millier de participants est franchi en 2013, jusqu’au grand saut : les murs de l’école étant rendus trop étroits, le LAN s’exporte place Bonaventure, pour atteindre les 3125 participants, joueurs console inclus : un record au Canada. La plupart des jeux compétitifs y sont représentés, tout comme une foule d’activités annexes, du tournoi de Conflicks, jeu indépendant québécois, à la première édition du marathon de Speedrun No Reset, oeuvrant pour des organisations caritatives. Et si l’aspect convivial n’est pas oublié, ce sont les compétitions qui ont pris le pas, suivant l’explosion du sport électronique dans le monde, avec le raz-de-marée Starcraft II puis League of Legends depuis 2010. L’édition 2016 se révèle en fait comme une préparation en vue d’un événement d’une tout autre envergure : le DreamHack, la plus grande structure de LAN venant de Suède, débarque au Canada, en partenariat avec l’équipe du LAN ETS, et amène dans ses valises les prestigieux WCS, compétition reine sur Starcraft II. Le Québec s’inscrit dans le calendrier esports international.

Le LAN ETS 2017 arrive donc à grands pas, avec ses 1800 joueurs BYOC ( i.e. Bring Your Own Computer), sa cohorte de tournois, ses 35 000$ de prix, et ses nombreuses animations. Du haut de ses quinze bougies, il aura vu les diverses évolutions des LANs, du regroupement entre amis, aux joueurs professionnels chevronnés. Et toujours animé par ses étudiants de l’École de technologie supérieure, garants de l’âme “chaud bouillante”.