MONTRÉAL – Son père est entraîneur, sa mère également, tout comme sa sœur et son frère! Vous comprenez mieux pourquoi Justin Chapdelaine a hérité, à 25 ans seulement, du poste d’entraîneur des receveurs des Alouettes de Montréal.

Nul doute, sa nomination a nécessité du cran de la part de son père, Jacques Chapdelaine, qui entamera sa première saison complète aux commandes de l’équipe qui se donne en spectacle au Stade Percival-Molson.

Il faut dire que Justin a œuvré pour son paternel à l’Université Simon Fraser, en 2014, et avec les Roughriders de la Saskatchewan, en 2015. Mais, pour la première fois dans la Ligue canadienne de football, Chapdelaine a décidé de confier à son fils la responsabilité d’une unité et il ne s’agit pas de la moindre, celle des receveurs.

Le choix peut sembler audacieux sauf que Chapdelaine assure que son fils aurait été prêt avant pour cette étape. Il a seulement choisi de protéger Justin car il sait que les doutes sont inévitables face à ce contexte.

« Je ne suis pas capable d’empêcher les gens de penser de telles choses », a répondu Chapdelaine au sujet des critiques venant du lien avec son fils.

« En Saskatchewan, il n’y a aucun doute que je lui ai donné le titre d’assistant en offensive au lieu d’entraîneur des receveurs en raison de cette situation », a-t-il souligné sans retenue.

Chapdelaine évoque un exemple à titre d’argument pour illustrer les compétences de son garçon qui a joué pendant cinq saisons à l’Université Queen’s.

« Je l’ai vu interagir en Saskatchewan avec Darian Durant qui lui demande comment l’entraîneur a dit de lire telle situation de jeu et Justin lui répondait que la lecture doit se faire à tel endroit et tel autre endroit. Quand tu constates qu’un entraîneur est capable d’avoir ces discussions avec les joueurs, ce n’est pas un souci (de l’engager) », a raconté l’entraîneur-chef.

Dégageant une prestance naturelle, Justin Chapdelaine est convaincu qu’il n’a pas reçu une faveur de son paternel.

Justin Chapdelaine rejoint Jacques

« En tant que famille d’entraîneurs, on en a embauché beaucoup au fil des ans et on le fait pour le mérite des candidats. Je ne pense pas qu’il m’aurait embauché si ce choix avait placé les Alouettes en mauvaise posture », a-t-il réagi.

« Je pense qu’il m’a engagé notamment parce que je connais son système offensif comme le fond de ma poche. Je crois que je suis la bonne personne pour communiquer ce qu’il veut aux receveurs et leur expliquer les raisons derrière son approche », a poursuivi le jeune homme adepte des tatouages.

Le nouveau pilote des receveurs n’entend surtout pas se laisser envahir par une panique ou une urgence de se faire respecter qui le mènerait à hausser le ton à répétition.

« Je ne suis pas du style à crier. Je vais te donner l’information et j’espère que tu vas t’en servir sur le terrain. Quand les joueurs remarquent que ça fonctionne, ils se joignent au mouvement », a soutenu Justin qui sera plus jeune que plusieurs des joueurs sous ses ordres.

Plus facile sans Duron Carter et Kenny Stafford

Force est d’admettre qu’il s’avère plus facile d’accéder à cette fonction sans avoir à gérer des receveurs comme Duron Carter et Kenny Stafford qui ont été chassés des Alouettes pour le bien collectif.

Justin Chapdelaine a découvert ces drôles de moineaux au camp d’entraînement de 2016 alors qu’il agissait comme entraîneur invité. Maintenant qu’ils ne sont plus dans le portrait, il se retrouve plutôt avec des vétérans – comme Nik Lewis, Samuel Giguère et S.J. Green – qui faciliteront son boulot.

« C’est définitivement plus facile de gérer un groupe avec des vétérans comme eux. C’est extrêmement utile de travailler avec des joueurs de cette trempe. Ils connaissent le football canadien mieux que la plupart des receveurs de cette ligue. Ça devient plus une relation de collaboration et ce sera amusant de travailler avec eux. J’ai hâte de pouvoir utiliser leur talent », a proposé l’entraîneur qui a promis de pouvoir effectuer des entrevues en français à la fin de la saison.

À travers son parcours de plus de 25 ans comme entraîneur, Jacques Chapdelaine a constaté la pertinence de miser sur de jeunes entraîneurs dans un groupe.

« Les jeunes entraîneurs sont capables d’inculquer des notions d’une manière différente et peut-être meilleure que des entraîneurs plus vieux. C’est important d’avoir de la diversité. Ils ont aussi un haut niveau d’énergie alors que nous, les plus expérimentés, on sait que les saisons sont longues et on peut les aider à doser les énergies », a fait remarquer le spécialiste de l’attaque.

À l’âge de 30 ans, Jacques Chapdelaine se souvient qu’il avait encadré un athlète de haut niveau sans être beaucoup plus vieux que lui.

« J’étais coordonnateur des unités spéciales et entraîneur des receveurs à Toronto (en 1992) et on avait un joueur (de 22 ans) de 4,5 millions qui s’appelait Rocket Ismail. C’est là qu’il faut comprendre le milieu dans lequel Justin a vécu. Quand il jouait à Queen’s et qu’il venait à la maison au printemps, il allait courir des tracés avec Geroy Simon et Jason Clermont puis avec Travis Lulay qui lançait le ballon. Dans le fond, tout le monde met ses pantalons de la même manière », a raconté son père en nommant d’anciennes vedettes des Lions de la Colombie-Britannique. 

Cela dit, il n’aurait pas osé placer son fils dans cette position sans avoir obtenu des preuves de ses compétences.

« Je l’ai vu faire ses premières armes à partir de Simon Fraser. Ensuite, il est venu en Saskatchewan et je l’ai vu se développer beaucoup plus. J’ai vu sa croissance et son expérience grandir. Maintenant, quand on est assis ensemble et qu’on regarde des vidéos, tout le monde contribue », a indiqué Chapdelaine en décrivant l’évolution de son fils.

Une seule fois dans l’entrevue, l’entraîneur-chef laisse le père parler.

« Tu le mets en comparaison avec des entraîneurs et tu te dis qu’il se débrouille bien. Il est peut-être même en avance sur d’autres que j’ai connus », a conclu celui qui a tous les droits de ressentir de la fierté.