L’heure était au bilan pour les Alouettes, samedi. Après une saison aussi désastreuse, j’ai tout de même apprécié que Kavis Reed et Patrick Boivin se présentent devant les médias pour faire face à la musique. Je ne pense pas que c’était plaisant pour aucun des deux.

Même si leur plan n’a pas fonctionné, ces deux personnes veulent voir les Alouettes connaître du succès. Je ne pense pas qu’on peut remettre cet élément en doute. Ils ont l’air convaincu de leur plan et de leur façon de faire.

Je comprends que c’était la première fois pour les deux qu’ils se retrouvaient dans une telle position, alors qu’ils en étaient chacun à une première saison à leur poste respectif. Je vois qu’ils veulent travailler à leur façon et avec leurs méthodes. On voit que c’est un duo qui veut créer sa propre identité et se dissocier de l’ancien régime.

Je comprends qu’ils veulent mettre leur propre étampe sur cette organisation, mais il faut faire attention, car à mon avis, il n’y avait pas que du mauvais dans l’ancien régime des Alouettes. C’est vrai que ce dernier n’a pas mené les Alouettes en séries dans les dernières saisons, mais ce n’était pas que du mauvais. Je ne suis pas trop enchanté quand j’entends Reed ou Boivin ainsi dénigrer cette ancienne direction de l’équipe en disant que la culture n’était pas gagnante.

Lorsque Kavis Reed a remercié Noel Thorpe, il avait ajouté publiquement que la défense de l’équipe n’en était pas une d’élite. Je trouve que c’était maladroit et ça n’attire pas la sympathie des gens avec de tels commentaires.

Dans les 20 dernières saisons, il n’y a pas eu que du mauvais, donc il ne faut pas leur jeter tout le blâme.

Pourquoi parler de reconstruction ?

Reed et Boivin ont aussi montré certaines parties du plan en vue de la prochaine campagne tout en revenant sur leurs objectifs de la dernière saison. On est forcé d’avouer que si l’objectif était d’avoir un match éliminatoire, il n’a non seulement pas été atteint, mais c’est un désastre. Lorsque ton objectif est de participer aux séries, mais que tu n’amasses que trois victoires dans la saison, que tu présentes un différentiel de moins-266, on peut dire que c’est un échec monumental. Au moins, ils ont fait leur mea culpa et c’est une preuve d’humilité qui était intéressante de voir. Par contre, c’est décevant, car ils ne sont même pas passez proche de réaliser leur objectif.

J’ai senti tout au long de la conférence de presse que la direction des Alouettes tournait autour du pot lorsque venait le temps de parler de reconstruction. Ça me laisse indifférent pour être franc avec vous. La ligue canadienne compte neuf équipes, c’est donc possible pour les Alouettes de se relancer rapidement.

Les mots qui m’importent bien plus que reconstruction sont : amélioration, compétition et progression.  C’est ce que je veux voir chaque saison. Sur neuf équipes, il y en a six qui font les éliminatoires. Je cherche bien plus à savoir si l’équipe s’est améliorée, a progressé et a été compétitive.

Le vent peut rapidement changer de côté comme nous en avons été témoins dans le passé. Lorsque le Rouge et Noir d’Ottawa est arrivé dans la ligue, il a présenté un dossier de 2-16 à sa première saison. Par contre, dans le 2-16, on voyait que l’équipe progressait au niveau du terrain. C’est ce qui est un peu désolant chez les Alouettes, alors que l’état major nous dit qu’à l’interne il y a une progression, mais disons qu’on ne la voit pas de l’extérieur.

Depuis qu’ils ont laissé partir Jacques Chapdelaine et Thorpe, c’est pire que jamais dans le clan montréalais. Ça s’est terminé avec une défaite de 33-0 à Hamilton. Je crois qu’ils auraient dû expliquer différemment ce qu’ils voulaient dire par progression, car l’équipe a tout de même conclu la saison avec 11 défaites consécutives.

Pour en revenir au Rouge et Noir, la situation a changé drastiquement en une saison. Après une campagne de 2-16, ils ont obtenu un dossier de 12 victoires contre six revers et ils ont perdu en finale de la Coupe Grey.

L’an passé, Ottawa a réussi à participer aux éliminatoires avec une fiche inférieure à .500 et on connaît la suite. Ils ont gagné la coupe. Par contre, lorsqu’on grattait sous la peinture, on voyait des signes encourageants. En regardant leur différentiel de points marqués et de points alloués, ils n’étaient qu’à moins-12.

Ils étaient clairement compétitifs et ne se faisaient pas déclassés. On peut donc comprendre qu’ils aient gagné la Coupe Grey et ça illustre bien la réalité d’une ligue à neuf équipes alors qu’une fois en séries tout peut arriver.

J’ai vécu une situation semblable à Toronto. En 1995, on a terminé la saison avec un dossier de seulement quatre victoires et 14 défaites. L’année suivante, nous avons signé 15 gains contre trois revers et on a gagné la coupe. C’est  certain que nous avions alors un nouvel entraîneur avec Don Matthews et on saluait l’arrivée d’un certain Doug Flutie au poste de quart. J’en conviens, c’est non négligeable ! Mais je voulais ainsi illustrer que pour moi, une équipe n’a pas besoin de parler de reconstruction parce que le vent peut changer rapidement dans la Ligue canadienne.

Sur le terrain, c’est vrai que l’équipe n’a pas montré beaucoup de progrès. Par contre, à l’extérieur de terrain, il y a eu des bons coups, mais ce sont des changements qui sont très difficile à voir, même impossible à voir pour le partisan. Les Alouettes ont maintenant un terrain de pratique au Stade olympique ce qui met un terme au voyage en autobus à St-Leonard pour aller s’entraîner. Un exemple qui peut sembler anodin, la nourriture dans le vestiaire est plus santé. Il faut également penser à ceci :on ne se cachera pas qu’un joueur de football aime manger. Si tu sers de la nourriture au stade, ça fait en sorte que les joueurs vont y passer plus de temps, donc ils pourront s’entraîner plus souvent, étudier des vidéos plus longtemps. Ce sont des petits gestes  positifs, mais pour le partisan ça ne peut pas leur avoir sauté aux yeux, car on n’a pas vus les dividendes sur le terrain.

Besoin de renflouer le talent

Il y a encore des choses qui m’ont laissé songeur dans les propos tenus à la conférence de presse. Encore là, je ne suis pas dans le secret des dieux et je ne sais pas tout ce qui se passe au sein de l’équipe, mais je vous partage tout de même mes réflexions. Lorsqu’on nous dit que l’équipe s’est amélioré au niveau du talent, notamment avec les joueurs canadiens, je dois avouer que je demeure perplexe.

Avec le portrait final, les Alouettes ont terminé au neuvième rang et les Tiger-Cats de Hamilton au huitième échelon. En comparant les deux équipes, les Ti-Cats ont battu les Alouettes lors des deux duels cette saison par une marque totale de 76 à 16. Je ne veux pas faire de raccourci, car ce serait trop simple de se limiter à ces statistiques pour illustrer la situation, mais il y a tout de même des signes qui montrent qu’il y a bel et bien un écart entre les deux formations qui ont terminé au bas du classement cette année.

Je sais qu’il y a eu des blessures à des joueurs clés chez les Alouettes et qu’ils ont donné la chance à de jeunes quarts lors du dernier match, mais je crois que la direction aurait pu se garder une petite gêne lorsqu’elle veut nous vendre qu’il y a du bon talent. C’est peut-être trop simple comme image, mais je voulais vous la partager, car je crois justement que ça peut frapper l’imaginaire et faire réfléchir.

Il a aussi été question du leadership de cette équipe. Pour être franc avec vous, je pense que si une équipe possède beaucoup de leadership, du talent et du caractère, je ne pense pas qu’elle termine la saison avec 11 défaites consécutives. Je ne crois pas qu’elle s’effondre dans une rencontre après un mauvais jeu. Pourtant, cette situation est arrivée à plusieurs occasions cette saison. Combien de fois on a vu une équipe adverse inscrire 20 points dans un quart. L’équipe s’effondrait ensuite. Pour moi, ce sont des indicateurs qu'il y a du travail à faire sur ces différents aspects.

Le plus gros défi reste selon moi de renflouer le talent. On va donc suivre au microscope le travail de Kavis Reed et de ses recruteurs au cours de la saison morte.

La direction semble vouloir révolutionner le football, ce qui est correcte, mais au lieu de vouloir tout remplacer ce qui a été fait avant, pourquoi ne pas tenter de l’améliorer. Lorsqu’il a été question de recrutement, ils nous ont parlé qu’ils mettaient en place un nouveau système basé sur les statistiques avancées. Je n’ai rien contre ça, mais tant que c’est un complément. Je crois toujours au football que si tu veux voir ce qu’un joueur a dans le ventre, tu dois aller le voir sur le terrain, discuter avec ses entraîneurs. Ce ne sont pas les statistiques avancées qui vont te révéler sa force de caractère et comment il va réagir après avoir commis une erreur.

La bonne vieille recette d’aller sur le terrain demeure de mise au sujet du recrutement. Je voudrais savoir combien de fois les Alouettes sont allés dans les universités québécoises afin d’évaluer les jeunes. Je crois encore beaucoup à cette méthode et c’est pourquoi je dis que les statistiques avancées peuvent être utiles, mais comme complément. C’est parfait qu’ils veulent innover, mais il y a encore des fondamentaux à ne pas négliger.

La recherche d'un entraîneur

On a tous hâte de voir la prochaine étape, à savoir qui sera le prochain entraîneur-chef et ses adjoints. Ce sera intéressant à suivre comme dossier, parce qu’avec la saison qui vient de se terminer, je ne pense pas que la perspective en regardant l’équipe est positive.

J’ai presque le goût de dire que les entraîneurs, et même les joueurs autonomes, vont passer eux-mêmes les Alouettes en entrevue et non l’inverse. C’est certain que la direction va vouloir aller chercher le meilleur entraîneur selon sa grille d’évaluation et ses besoins. Avec le manque de progression et de résultats cette année, j’ai hâte de voir quel entraîneur va tenter de relever de ce défi. Les Alouettes vont devoir être convaincants, car si comme entraîneur tu penses que l’équipe manque un peu de talent, ils vont devoir être persuasif sur d’autres facettes.

Il y a aussi un travail à faire avec les recrues afin d’assurer leur développement. Cette année, je dirais que parmi les recrues américaines, seule Branden Dozier a été en mesure de se démarquer.

Lorsque je regarde les ingrédients à réunir pour qu’une équipe connaisse du succès dans la Ligue canadienne, elle a besoin d’un bon quart, de bons joueurs canadiens et de bonnes unités spéciales. Ce sont les départements dans lesquelles une équipe doit exceller afin d’être considérée comme une équipe de premier plan.

Ce sont des points sur lesquels je crois que l’organisation devra travailler afin de s’améliorer en vue de la prochaine saison.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant