Dès le départ, il est possible de dire que les Alouettes ont connu un meilleur match contre les Rouge et Noir d’Ottawa que lors de leur premier rendez-vous préparatoire devant les Argonauts de Toronto. Il y avait une progression au niveau de l’exécution, nous avons eu droit à des jeux explosifs, mais il n’en demeure pas moins qu’il est question d’une rencontre préparatoire.

Autant la semaine dernière il ne fallait pas être trop sévère dans notre évaluation, autant cette fois il ne faut pas leur lancer les fleurs à tout vent. On ne se le cachera pas non plus, Ottawa n’avait pas sa formation « A » sur le terrain à Montréal. Les Alouettes ne contrôlaient pas l'effectif de l’adversaire devant eux et c’est pourquoi il était important qu’ils connaissent du succès dans certaines facettes du jeu.

Il n’en demeure pas moins qu’il est ardu au football pour ces raisons de dresser un portrait fiable lorsqu’on évalue un match préparatoire, mais il faut reconnaître que la troupe de Mike Sherman a connu de bons moments.

Enfin de longs jeux

Tout d’abord, l’attaque a permis d’insérer de bons jeux sur les bandes vidéos en vue des prochaines semaines. Si les longs jeux ont amené une dynamique intéressante, la prochaine étape est d’assurer une certaine constance.

J’entends ici que les quarts devront hausser leur pourcentage de passes complétées qui oscillent à 50 % actuellement.

Les quarts ont montré qu’ils pouvaient réaliser des jeux intéressants, mais il demeure maintenant qu’ils doivent le faire avec régularité. C’est là la prochaine étape.

Parmi les points positifs si on compare au premier match préparatoire, cette fois les Alouettes ont attaqué avec succès les zones profondes. Cette stratégie avait été inexistante contre les Argonauts. Encore une fois, je suis bien aux faits que ce n’était pas le premier groupe de receveurs à ce moment et que l’échantillon était plus exhaustif jeudi, mais c’est un pas dans la bonne direction. Le touché sur 72 verges de DeVier Posey est un bon exemple de ce que peuvent fournir les receveurs des Alouettes.

C’est un élément essentiel dans le cahier de jeux des Montréalais, car il est difficile d’entrevoir une attaque qui sera en mesure de traverser systématiquement le terrain et de manière méthodique en alignant une vingtaine de jeux.

Surtout si la constance des quarts-arrière est un enjeu, la présence de longs jeux devient d’autant plus primordiale. À titre d’exemple, avec un ratio similaire contre les Argonauts avec un taux de réussite de 50 %, les Alouettes affichaient une moyenne de cinq verges sur les passes tentées et un 10 verges sur celles complétées.

Lors du match les opposant au Rouge et Noir, ces chiffres ont grimpé à neuf verges pour les passes tentées et 16 pour celles complétées. Il faut de telles statistiques si le taux se situe à 50 %. Évidemment, on aimerait que le ratio soit plus élevé, mais les quarts en poste n’ont pas encore montré qu’ils pouvaient faire autrement.

Pipkin encore devant Adams fils

Les Alouettes ont entamé le camp préparatoire avec une lutte à quatre au poste de quart et on peut bel et bien dire qu’elle ne concerne plus que deux joueurs, Antonio Pipkin et Vernon Adams fils.

Mon avis sur la question est que Pipkin est encore identifié comme le premier quart de l’équipe et Adams se retrouvera au second rang. Même si ce dernier a produit plusieurs étincelles, il ne faut pas omettre que dans l’évaluation des joueurs, les entraîneurs prennent en compte toutes les répétitions, dont celles à l’entraînement.

Avec le style des deux joueurs, je crois que Pipkin est davantage un partant, tandis qu’Adams fils peut dynamiser une attaque par moments sur certains jeux clés. Je ne crois pas que l’inverse soit le scénario le plus plausible.

Pipkin a bien géré la rencontre devant le Rouge et Noir. Il n’a pas été victime de revirement, de sac du quart et a lancé une passe de touché. Cependant, son taux de passes complétées de 5 en 10 est insuffisant. Même son de cloche pour Adams fils. Les deux joueurs ont cumulé ce genre de statistiques au fil des années, donc j’ai beau souligner qu’il faudrait atteindre les 65 %, mais ils n’ont pas été en mesure de le faire dans les dernières années.

Il faut le reconnaître, Adams a été éblouissant à son entrée avec deux passes de grande qualité et sa passe de touché en évitant un blitz avant de faire preuve d’une belle précision cette fois-ci. Je crois donc que celui-ci est à son mieux lorsqu’il est question d’improviser. Il peut te faire dire « Wow » tant il est bon, mais également « Wow » à la suite d’une crampe au cerveau. Il doit mettre de côté cette facette au cours de la prochaine saison s’il veut voir de plus en plus de répétitions.

Un autre élément de progression concerne le positionnement sur le terrain alors que l’attaque héritait du ballon à sa ligne de 37 en moyenne lors de la première demie. C’est une nette amélioration par rapport à ce qui s’est produit à Toronto puisque ce nombre était le 25 pour cette facette du jeu.

Les Alouettes ont même lancé leur attaque à leur 53, au 54 et 51 d’Ottawa, mais ils ont uniquement inscrit 18 points en première demie. Ils n’ont atteint la zone payante qu’en une seule occasion. Il va falloir à l’avenir avoir cet instinct du tueur et marquer plus de points lorsque la situation se présente.

Ce qui découle de cette rencontre c’est le manque de rythme en attaque alors que les séquences ne parvenaient pas à s’étirer. En première demie, l’attaque a généré 209 verges de gains, ce qui laissait présager un match avec une récolte de 400 verges. Par contre, en décortiquant cette production, on réalise qu’il n’y a eu que sept premiers jeux et 147 verges ont été amassées avec les trois jeux les plus explosifs. Il ne reste que des miettes pour les 21 jeux qui ont complété cette première demie.

Déception pour le jeu au sol

Sur le plan de la protection, la ligne à l’attaque s’est bien débrouillée, mais en ce qui a trait à la protection du ballon en général, il y a véritablement des points à améliorer comme l’équipe a été victime de trois revirements. Encore une fois, si une attaque ne peut être dévastatrice, elle ne peut se permettre de perdre le ballon pour le remettre à l’adversaire.  

Les Alouettes doivent contrôler le ballon pour connaître du succès et s’ensuit l’élément qui me déçoit le plus en ce camp d’entraînement : le jeu au sol. Il a été annoncé que l’attaque montréalaise reposerait en majeure partie sur le jeu terrestre et William Stanback. Depuis le début du camp, la ligne à l’attaque peine à créer des brèches pour obtenir des gains significatifs et  nous en avons eu des exemples jeudi.

Lors du duel devant les Argos, des 122 verges accumulées au sol, 54 ont été réalisées par des quarts. Des 86 verges au sol contre le Rouge et Noir, 51 proviennent des courses du quart-arrière. Je ne crois pas que la philosophie offensive quant au jeu au sol soit que le quart enregistre les portées les plus productives.

En raison des blessures, les combinaisons de la ligne à l’attaque ont été multiples. Une fois que les cinq partants seront identifiés, ils devront s’y tenir. Le temps des expériences est terminé.

Une belle pensée, mais loin des conditions idéales

Un petit mot également sur Hugo Richard qui a été bien accueilli par la foule. C’était un beau clin d’œil pour leur part et les partisans étaient impliqués pour cette fin de rencontre.

Le scénario était présent avec une égalité et la possibilité de procurer la victoire à l’équipe. Autant tout était en place, les conditions n’étaient pas optimales pour l’ancien du Rouge et Or comme il a eu droit à peu de répétitions à l’entraînement.

Richard n’était pas identifié dans la lutte pour les quarts et ce faisant, il a pris part tant aux réunions sur les unités spéciales que celles des quarts-arrière. Donc en plus de devoir assimiler le livre de jeux des quarts, il devait suivre sur les unités spéciales. S’il manquait une réunion des quarts pour cette raison, il était en mode rattrapage auprès de l’entraîneur des quarts.

Fait inusité alors que lorsqu’il a entamé sa séquence dans la pochette, il était déjà sur le terrain comme il figurait sur l’unité de retour de botté. C’est dommage que le scénario n’ait pas été hollywoodien et qu’il ait lancé une interception, mais il aura très certainement appris sur cette séquence. C’est une forme d’apprentissage alors que dans la Ligue canadienne, les demis défensifs sont plus rapides et certaines passes ne peuvent être lancées comme au niveau universitaire.

Richard a cependant montré qu’il a sa place au sein de l’effectif des Alouettes. Il pourra prendre un peu de recul sur les unités spéciales et on ne sait jamais ce qui peut arriver.

Au final, la précision devient plus qu’essentielle pour un quart et c’est sa qualité numéro un. On a beau souhaiter avoir un meneur dans ses rangs, s’il ne peut rejoindre ses receveurs, c’est problématique.

Ceux-ci ont d’ailleurs bien fait contre le Rouge et Noir. On a vu qu’ils sont talentueux et si j’avais un conseil pour eux, ce serait de profiter de chacune de leurs occasions lorsque le ballon sera lancé dans leur direction.

Il serait malhonnête de croire que ce groupe n’est pas talentueux avec DeVier Posey, BJ Cunningham, Eugene Lewis, Quan Bray, Jake Wieneke et Zac Parker pour ne nommer que ceux-là.

Ils sont à la merci de la précision du quart et ils devront s’illustrer dès qu’ils en auront la chance.

La ligne défensive devra épauler la tertiaire

Si l’attaque a montré des signes encourageants, la défense a profité de la présence de la majorité de ses partants.

Henoc Muamba a dissipé tout doute sur sa condition alors qu’il a effectué de bonnes lectures de jeu et des plaqués foudroyants.

Mon point d’interrogation se situe sur la ligne défensive alors qu’il est difficile d’identifier les chasseurs de quart. Antonio Simmons a enregistré deux sacs en fin de rencontre et on va souhaiter qu’il est un bon potentiel.

Avec tout mon respect pour John Bowman et Gabriel Knapton, ils ne peuvent plus mener la charge. La pression doit reposer sur d’autres joueurs et cette profondeur m’inquiète pour le moment.

À l’inverse, la tertiaire m’a impressionné. Bien qu’elle ait accordé plus de 300 verges à deux quarts qui ne sont pas dans les favoris pour le poste à Ottawa, les demis défensifs ont étalé leur potentiel.

C’est d’ailleurs un gros groupe sur le plan physique, alors que plusieurs dépassent le six pieds. Ils ont rabattu des passes, réalisé deux interceptions et effectué de bons plaqués. Si l’an dernier, la défense peinait à empêcher l’adversaire à marquer des points en fin de demie, elle y est parvenue jeudi avec une interception.

Tout comme la ligne à l’attaque, le mandat sera d’assurer une bonne communication et développer une cohésion. Seul Tommie Campbell était un régulier l’an dernier, donc une chimie devra se créer plus tôt que tard.

Je crains cependant que si aucune pression n’est générée par la ligne défensive, la tertiaire sera exposée. Même avec le meilleur groupe de demi-défensifs en place, un quart pourra découper une défense s’il ne reçoit aucune pression.

Si on se garde une petite gêne dans l’analyse avec les matchs préparatoires, nous aurons les vraies réponses la semaine prochaine avec le coup d’envoi de la saison. D’ici au match du 14 juin contre les Eskimos d’Edmonton, l’état-major devra procéder aux dernières coupures. Ensuite, nous pourrons dire : place aux choses sérieuses.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant