C'est un euphémisme de dire que les Alouettes ont offert une performance désastreuse à leurs partisans jeudi lors de la visite des Lions de la Colombie-Britannique. Les joueurs n'ont d'ailleurs pas offert de grand spectacle au stade Percival-Molson lors des deux derniers matchs. La défaite contre Edmonton le 13 août n'avait pas été un grand cru également.

Les Alouettes devaient gagner cette partie. Si tu te considères comme une bonne équipe, tu dois gagner les rencontres que tu es censé gagner.  Les Alouettes avaient gagné leurs deux derniers matchs et ils étaient les favoris face aux Lions à la maison. Ce revers remet en question les performances des deux semaines précédentes. Il est vrai que Rakeem Cato était absent et que Tanner Marsh était en poste, et comme mon collègue Bruno Heppell l'a relaté dans sa chronique sur le RDS.ca, ça n'a pas été une grande performance du quart qui a été victime de six des sept revirements contre son club.

Les Alouettes ont vraiment manqué une occasion de revenir à la barre de ,500 au classement, d'entamer la semaine de relâche dans de très bonnes dispositions et d'entrevoir la deuxième moitié de la saison avec un grand optimisme. Il reste encore du temps à l'équipe pour se ressaisir, mais on ne peut pas échapper les parties que l'on doit en principe gagner.

L'attaque

La recette du succès ces dernières années reposait sur une grosse défense, des grosses unités spéciales, du jeu au sol efficace et un quart-arrière qui ne faisait pas d'erreurs. On ne demande pas au quart de faire gagner l'équipe, mais on lui demande par contre de ne pas la faire perdre. Visiblement, l'équipe n'a pas suivi le plan de match, ce qui a causé sa perte. Le club s'est tiré dans le pied constamment avec les revirements et l'indiscipline. C'est une performance frustrante.

Je comprends que la performance de Marsh est venue brouiller les cartes. Ce serait injuste de tout lui coller sur le dos, mais quand on analyse l'ensemble de l'oeuvre, on constate rapidement que l'attaque n'était pas organisée et qu'elle était mal préparée.

Marsh a pris de mauvaises décisions. On l'a vu fixer ses receveurs de passes, ce qui a entraîné des interceptions. On a vu des receveurs se traîner les pieds sur certains jeux et ne pas arriver à se démarquer pour devenir de belles cibles.

J'ai vu des joueurs de ligne rater leurs blocs. Même Luc Brodeur-Jourdain a raté une remise en formation parapluie, ce qui n'a pas aidé l'équipe. Il y a eu des pénalités, de mauvaises passes, de mauvais tracés et de mauvaises sélections de jeux, ce qui donne les résultats que nous avons obtenus. Bref, tous les joueurs ont eu leur mot à dire dans ce sinistre spectacle.

Les Alouettes ont une grosse lacune en situation de premier essai. Trop souvent, ils n'arrivent pas à convertir ou obtenir un bon résultat en premier essai, ce qui en résulte que l'attaque se retrouve souvent en deuxième essai et long à faire. Depuis la retraite d'Anthony Calvillo, ce club est condamné à être bon en premier essai.  Il faut mettre toute l'énergie en situation de premier jeu, car les Alouettes ont beaucoup de mal en situation de deuxième jeu et long à faire.

Les exemples ne manquent pas. Les Alouettes ont eu 27 jeux en situation de premier essai. À 13 reprises, l'équipe a couru pour un total de 108 verges, dont 93 sur quatre courses, ce qui veut dire que pour les neuf autres courses, ils n'ont gagné que 15 verges. 

En situation de premier jeu, les Alouettes ont tenté 14 passes dont 3 qui ont été interceptées pour un grand total de 14 verges. Globalement si on fait abstraction des quatre courses pour les 93 verges, Montréal n'a rien fait de bon lors de ses premiers essais, ce qui a obligé le club à se retrouver en situation de deuxième et long durant tout le match.

Il faut oublier l'attaque d'il y a quelques années qui était animée par Calvillo et un groupe de receveurs étoiles comme Ben Cahoon, S.J. Green, Jamal Richardson et Brandon London notamment. À cette époque-là, les Alouettes pouvaient se déprendre en situation de deuxième et long, mais pas aujourd'hui. Ce luxe n'est plus disponible alors il faut mettre toutes les énergies en premier et dix. Si j'étais entraîneur, c'est sur cet aspect du jeu que je concentrerais le plus d'efforts.

Deux des interceptions sont survenues en situation de deuxième et dix et trois en situation de premier jeu. Marsh a échappé le ballon en situation de deuxième et 13. Deux des trois sacs sont arrivés en situation de deuxième et 13 et de deuxième et 8. Beaucoup de jeux négatifs sont aussi survenus en deuxième et longs. C'est clair dans mon esprit qu'il faut remédier à cette lacune.

Comme observateur, j'ai ressenti une certaine frustration devant les choix de jeux des Alouettes particulièrement en situation de deuxième et long à faire. Au moins à quatre reprises, on a envoyé le ballon en direction d'Alex Charette pour de courts gains plutôt que de viser S.J. Green. J'ai du mal à comprendre la stratégie des Alouettes. Il faut donner la chance à  Green de faire la différence particulièrement en deuxième essai et à la porte des buts. Ce joueur doit ressortir du lot et devenir la cible. C'est frustrant.

Je n'ai énuméré que quelques situations parce qu'on pourrait en ressortir bien d'autres. Je n'ai rien contre Alex Charette, qui se veut un joueur d'avenir. J'aime sa fougue pour une recrue, mais ce n'est pas normal dans une situation de long gain à faire de ne pas faire appel à certains joueurs.

Le pointage était 17-6 à la mi-temps et la partie était loin d'être jouée malgré les ennuis des deux premiers quarts. Au troisième quart, je m'attendais à des ajustements. L'équipe a profité de neuf jeux durant cette période pour des gains totaux de 32 verges! Sans oublier qu'il y a eu deux interceptions et une course négative. La plus longue passe de Marsh au troisième quart a été de six verges!

Visiblement, on n'a pas fait de gros ajustements à la mi-temps. Il a fallu se rabattre sur le quatrième quart pour espérer voir les choses se replacer un peu. Les Alouettes ont eu un total de 15 jeux pour de timides gains de 39 verges, avec deux sacs du quart, deux interceptions et un revirement sur un troisième essai. Qui dit mieux? Au total, les hommes de Jim Popp ont obtenu 71 verges en deuxième demie. La plus longue passe a parcouru 17 verges. Ça résume bien la soirée de l'équipe.

Autant les joueurs que les entraîneurs doivent être placés dans le même panier. Il est vrai que les Lions n'avaient pas l'intention de se faire passer sur le corps par les Alouettes dans un  deuxième match de suite. Lors de leur match précédent, les Lions avaient donné 251 verges au sol aux moineaux et ils ont cherché à arrêter le jeu au sol pour forcer les Alouettes à tenter des passes. Tout le monde sait que lorsque l'attaque terrestre fonctionne, la passe n'est pas nécessaire, ce qui limite les risques d'erreurs et de revirements.

Les Lions ont utilisé beaucoup de joueurs dans le front défensif et une couverture homme à homme serrée. Tout le monde jouait près de la ligne d'engagement.  Pour déstabiliser le coordonnateur défensif des Lions, je pense qu'il aurait fallu tôt en début de partie tenter une longue passe. On aurait pu lancer un message aux Lions qu'on pouvait réussir les longs jeux. Je pense que ça aurait pu avoir le même effet que le touché de Brandon Rutley sur une passe-piège lors du match précédent à Hamilton. La passe-piège est un jeu efficace contre une équipe qui veut utiliser le blitz à outrance. Si vous vous souvenez, après ce touché de Rutley, les Tiger-Cats ont été beaucoup plus timides dans leur défensive. Ce touché avait complètement changé le plan de match du coordonnateur défensif de Hamilton. On aurait pu tenter de faire peur et semer le doute chez l'adversaire. Alors, pourquoi ne pas avoir cherché à déstabiliser celui des Lions?  La plus longue passe des Alouettes au premier quart a été de huit verges.

De toute évidence, l'attaque n'était pas prête. Cette responsabilité incombe aux entraîneurs, pas uniquement aux joueurs.

N'importe quelle ligne à l'attaque qui se serait compliquée la vie en se retrouvant régulièrement en situation de deux deuxième jeu et long à faire aurait mal paru face aux Lions qui ont brassé la cage des Alouettes. Le front défensif des Lions a été physique et il s'est brillamment repris par rapport au dernier match entre les deux clubs. Depuis des années que la ligne à l'attaque des Alouettes est une valeur sûre et quand cette unité connaît une soirée difficile, ça amplifie les choses. Je dois donner crédit aux Lions, qui ont fait ce qu'il fallait pour venir chercher les deux points au domicile de l'adversaire. La défensive des Lions donnait en moyenne 29 points par partie cette saison et elle n'en a donné que neuf jeudi puisque les Alouettes ont inscrit un touché sur un retour d'interception. Depuis le début de la saison, les Lions n'avaient provoqué que 13 revirements et ils en ont obtenu sept dans la partie de jeudi uniquement. Ils n'avaient que 16 sacs, ils en ont réalisé trois contre les Alouettes.

C'était comme si les Alouettes étaient embourbés dans la boue. Chaque fois qu'il y avait un beau jeu, on croyait que l'étincelle était de retour pour finalement se rendre compte que ce n'était qu'un pétard mouillé. L'attaque n'était pas capable d'enchaîner après un beau jeu. La défensive avait réussi à sortir Travis Lulay du match, ce qui aurait dû constituer une bonne nouvelle dans les circonstances, mais le réserviste John Beck a été en mesure de réussir deux passes de touché.

Parmi les rares points positifs à tirer de cette partie, il y a le travail de la défense. Mon confrère Bruno Heppell en a fait une bonne analyse que je vous invite à lire. Je lève mon chapeau aussi au botteur Boris Bede qui a obtenu à lui seul 10 des 16 points des Alouettes. Il a été parfait en trois tentatives de placement, dont une de 52 verges, un sommet personnel pour la recrue.

Bede a aussi effectué sept dégagements et à quatre reprises, son travail a permis de refouler l'adversaire à l'intérieur de la ligne de 20.

Le meilleur joueur des Alouettes a toutefois été Stefan Logan qui a été le plus électrisant du club du haut de ses 5' 6". Il a totalisé 288 verges sur les retours, ce qui représente 72 verges de plus que l'attaque totale de l'équipe. Imaginez si tout le monde s'était donné comme lui. On aurait pu avoir un résultat différent.

Un examen de conscience à faire

La direction des Alouettes va profiter de la semaine de relâche pour faire un gros travail d'auto-évaluation. Selon moi, il faut tout revoir à partir du livre de jeux à l'utilisation des joueurs. Il faut analyser les tendances de l'équipe. Je pense que ça va jaser fort lors des rencontres. Les gars en attaque n'étaient pas de bonne humeur. La direction a sept jours pour revoir son plan de match afin de terminer la saison en force.

Bravo LDT

Je profite de cette colonne pour féliciter Laurent Duvernay-Tardif qui a connu un  très bon camp avec les Chiefs de Kansas City. Son entraîneur Andy Reid a même déclaré qu'il faisait partie de ses cinq meilleurs joueurs de ligne. LDT n'a pas joué le quatrième match préparatoire et généralement, les partants sont laissés de côté pour cette rencontre.

Bravo au jeune homme qui a réalisé une ascension fulgurante en deux ans seulement. Il est un produit du football universitaire canadien et son cheminement est incroyable. Je l'appuie et j'ai hâte de voir son premier match qui sera contre les Texans de Houston et un certain J.J. Watt qui sera devant lui. Ce sera tout un baptême que vous pourrez voir sur les ondes de RDS.

*Propos recueillis par Robert Latendresse