Congédier un coordonnateur offensif après neuf jours de camp d’entraînement seulement peut sembler inusité, mais tant qu’à le faire, aussi bien procéder tout de suite.

C’est ce qu’ont fait les Alouettes la semaine dernière en invitant Rick Worman à faire ses valises. Le nouvel entraîneur-chef Tom Higgins a dû faire preuve de leadership et de courage pour agir de la sorte.

Après avoir amené Worman avec lui à Montréal, Higgins a fait passer le bien de l’équipe avant tout. Même si Worman est un ami avec qui il avait déjà travaillé à Edmonton auparavant, il se devait de passer à l’action.

Sans manquer de respect à Worman, il suffit de lire certains commentaires et converser avec l’entourage de l’équipe pour réaliser que ce dernier n’a pas impressionné les joueurs, et ce de plusieurs façons.

Proposant un système de jeu comportant plusieurs lacunes dans certaines situations, Worman a créé beaucoup de zones grises. Un manque de clarté qui semait le doute et qui ralentissait conséquemment l’exécution.

Ainsi, si tu n’impressionnes pas tes joueurs par ta préparation, ton système, tes enseignements et ta façon de communiquer et qu’en plus tu n’affiches pas une belle personnalité, que tu es arrogant et que tu fais des commentaires malhabiles et irrespectueux, tu cours à ta perte.

Au cours de ma carrière, j’en ai eu des entraîneurs qui n’étaient pas plaisants, de véritables emmerdeurs pour rester poli. C’était toutefois de grands entraîneurs, d’excellents techniciens et stratèges. Même s’ils n’avaient pas la plus belle personnalité au monde, ils offraient des outils pour être meilleurs.

Bien difficile d’entraîner tes joueurs dans ton sillon quand tu ne fais pas l’unanimité et qu’en plus ce que tu proposes sur le terrain ne mène nulle part. Les joueurs décrochent alors rapidement. Sans en avoir eu la confirmation, j’ai l’impression que c’est ce qui est arrivé.

Droit comme une barre, Tom Higgins se devait d’être cohérent avec le message qu’il véhicule depuis son arrivée. Si tu ne respectes pas ce qu’est un Alouette, tu n’as pas ta place à Montréal. Tout porte à croire que Worman n’en était pas un.

La protection du quart avant tout

Worman parti, c’est Ryan Dinwiddie qui hérite du gros des responsabilités offensives. Techniquement, il n’a pas été nommé coordonnateur offensif, mais il sélectionnera les jeux. Agissant déjà à titre d’entraîneur des quarts-arrières avant cette promotion, il devra donc en prendre plus sur ses épaules.

Après avoir assisté à quelques-unes des séances d’entraînement dirigées par Dinwiddie, la différence est flagrante. Ce dernier met une emphase majeure sur la protection du quart-arrière, à sept joueurs s’il le faut. Beaucoup de passes rapides sont tentées, ce qui accélère le rythme. Il ne cherche pas toujours le long gain comme semblait le faire Worman.

Je n’ai pas vu tous les entraînements menés par Worman, mais il tentait beaucoup, beaucoup de longs jeux. Peut-être suis-je tombé sur la séance où l’équipe pratiquait des situations de jeu de deuxième essai et long, mais je trouvais cela un peu trop agressif. Les Alouettes ne complétaient pas 50 % de leurs passes. Ils semblaient sans réponse face aux blitzs, et Dieu sait qu’ils en voient avec l’unité défensive devant eux à l’entraînement.

Je le répète souvent, si tu ne protèges pas ton quart, tu ne peux pas lancer. J’ai toujours dit qu’avant de concocter des tracés de passe, il importe de dessiner des concepts de protection. Une chose à la fois.

La seule chose qui m’inquiète pour l’instant c’est qu’en étant plus impliqué dans les plans de pratique et de match, Dinwiddie sera privé d’un temps précieux avec ses quarts-arrières, qui sont pour le moins inexpérimentés.

Respectivement, Troy Smith, Tanner  Marsh, Alex Brink et Collin Klein ont 4, 3, 8 et aucun départ à leur fiche en carrière dans la LCF.

Réunis, ces quatre quarts-arrières ont complété 341 passes en 617 tentatives pour 4400 verges de gains, 25 passes de touché et 26 interceptions. On est loin des 5892 passes complétées d’Anthony Calvillo en 9437 tentatives pour des gains de 79 816 verges, 455 passes de touché et 224 interceptions.

Le manque d’expérience au poste de quart chez les Alouettes ne pourrait être plus flagrant.

Reste à voir si Dinwiddie trouvera le temps pour maximiser le développement rapide de ces jeunes protégés. Une chose est certaine, Smith et compagnie auront le support d’un groupe de receveurs hors de l’ordinaire et de porteurs de ballons talentueux.

En quête de profondeur

La ligne à l’attaque risque elle aussi d’amener l’eau au moulin. De loin le groupe qui travaille le plus fort, les membres de cette unité jouissent du bon travail de leur entraîneur Kris Sweet, qui est pourtant arrivé à Montréal avec la réputation d’un entraîneur pas très plaisant.

Jusqu’à maintenant, je suis impressionné par ses plans et enseignements et le fait qu’il passe énormément de temps à faire de la technique. Il n’y a pas une seconde de perdue sur le terrain pendant une pratique, ce qui s’annonce bien quand on connaît l’importance de la ligne à l’attaque dans les succès offensifs.

Il faut toutefois se croiser les doigts que cette ligne à l’attaque soit épargnée par les blessures. Elle compte sur cinq bons partants, mais la profondeur soulève des questions. Jusqu’à maintenant, les jeunes Ryan White et Pascal Baillargeon connaissent un bon camp d’entraînement. Ils pourraient être les sixième et septième joueurs de ligne, mais ils ont peu d’expérience.

Quand Scott Flory et Andrew Woodruff se sont blessés l’an passé, Michael Ola, Kristian Matte et Ryan Bomben étaient prêts à prendre la relève après avoir passé beaucoup de temps au sein de l’organisation à pratiquer et assister aux réunions. Mentalement, ils étaient prêts. Il n’y a donc pas autant de profondeur cette saison.

En ce qui a trait à la défense, la première séance d’entraînement du camp ressemblait au 19e match de la saison dernière. Onze des 12 joueurs ayant évolué sur cette unité l’an dernier sont de retour. Seul Shea Emry a quitté.

Une des seules questions en suspens est donc de savoir qui lui succédera au poste de secondeur intérieur. Tout indique que ce sera l’ailier défensif Aaron Lavarias, puisque Bear Woods est blessé. Une mutation qui aura un effet domino. Pour l’instant, Gabriel Knapton et Brian Brikowski pratiquent avec la première unité et pourraient donc se faire une place.

Par ailleurs, même si la défense a été très performante en 2013, tout n’est pas parfait et il reste des choses à travailler. Dénicher un peu plus de profondeur et peaufiner le système en y ajoutant quelques variables demeurent à l’ordre du jour.

Finalement, sur les unités spéciales, il faudra garder un œil sur les botteurs d’ici la fin du camp d’entraînement.

Même s’il n’a pas toujours été convaincant l’an passé, Sean Whyte part avec un certain capital de sympathie en raison de son expérience et de son vécu avec les Alouettes. Or, quiconque assiste à un entraînement des Alouettes se rend vite compte que Delbert Alvarado a une jambe beaucoup plus puissante. Ses bottés ont un meilleur temps de suspension, une plus grosse distance, et ce sans trop forcer.

Je sais que Tom Higgins a déjà indiqué qu’il avait l’intention d’employer un seul botteur cette saison. Mais avec l’ajout de deux joueurs dans la formation cette année, pourquoi ne pas opter pour un partage des tâches histoire de s’assurer que les unités spéciales fonctionnent à plein régime?

On le saura bien assez vite.

*Propos recueillis par Mikaël Filion