Ce qui à mon sens ressort le plus de la victoire inattendue acquise par les Alouettes jeudi soir à Hamilton, c’est tout le caractère qu’a démontré ce groupe de joueurs dans des circonstances plutôt ardues.

Après tout, les Montréalais se frottaient à une formation possédant une fiche immaculée à domicile depuis l’inauguration du Tim Hortons Field, et à un environnement bruyant et hostile. Ça prend une bonne dose de caractère pour relever un tel défi, et encore davantage lorsque le quart partant tombe au combat après à peine une vingtaine de minutes de jeu.

Quelle a été la réaction des troupes lorsque Rakeem Cato a été sorti de la rencontre? On ne s’est pas effondré, on s’est serré les coudes et poussé dans la même direction. En dépit des distractions de la semaine dernière, on a semblé voir une équipe plus unie que jamais.

Ça aurait été facile de baisser les bras et d’adopter une attitude défaitiste lorsque les Tiger-Cats ont égalé le pointage 23-23 en début de quatrième quart. Malgré le pointage, les Alouettes avaient contrôlé de grandes portions du duel. De voir l’adversaire faire fi de cela et remonter la pente peut s’avérer dévastateur pour le moral. Au contraire, ils sont revenus plus forts encore et ont orchestré la poussée victorieuse couronnée par le botté de précision de Boris Bede dans les dernières minutes.

Ce qui saute aux yeux à mon avis, c’est l’engagement physique de tous et chacun. Tu as beau être préparé de manière optimale stratégiquement, ça reste un sport de contacts. Les Ti-Cats, lorsqu’ils évoluent devant leurs partisans, n’ont pas été habitués à se faire brasser. D’ordinaire, ce sont eux qui mènent le bal et qui imposent leur loi. Contre les Alouettes, ils ont carrément été amenés dans un contexte qui leur était inconnu.

De retraiter au vestiaire avec un retard à combler et d’avoir à disputer quatre quarts de football « significatifs », ça ne leur était pas vraiment arrivé précédemment cette année, puisqu’ils avaient déjà leurs rivaux dans les câbles après 30 minutes d’écoulées au cadran. Comme Rocky face au redoutable Drago dans le quatrième chapitre de ce film culte, les Tiger-Cats ont été décontenancés lorsqu’on les a attaqués. C’était du jamais-vu pour eux!

L’élément physique était aussi perceptible à travers les chiffres du match. Lorsque tu engranges des gains de 130 verges au sol et qu’en revanche, tu n’en donnes que 29 (pour un ratio de +101), tu as là un excellent indicateur. Quand tu réussis six sacs du quart et que le front défensif adverse n’en obtient qu’un (ratio de +5), c’est aussi révélateur d’une victoire dans la guerre des tranchées, tout comme le fait d’avoir tenu bon devant une tentative de faufilade du quart.

Une pression incessante sur Collaros

J’ai été grandement impressionné du boulot accompli par le front défensif montréalais. On a appliqué une pression incessante sur le quart Zach Collaros, et on l’a fait en attaquant un point bien précis, c’est-à-dire le milieu de la ligne offensive des Ti-Cats. On avait clairement identifié que le centre et les deux gardes de Hamilton n’avaient pas la mobilité nécessaire pour contenir le blitz, alors on a priorisé l’intérieur. La faiblesse a été bien identifiée, et on l’a exploitée à fond.

Les blitz en croisé ont été nombreux, ce qui a permis d’appliquer de la pression avec autorité. Les secondeurs Kyler Elsworth et Kyries Hebert, notamment, ont excellé en attaquant en angle. Non seulement les joueurs de ligne à l’attaque ont-ils été contraints à bouger, mais ils ont vu leur surface de blocage réduite. Le mouvement de « bench press » - c’est-à-dire de repousser avec les mains à la poitrine de l’adversaire – peut difficilement fonctionner dans un tel contexte si tu ne possèdes pas un bon jeu de pieds.

Zach CollarosTôt ou tard, le bloqueur doit se tourner et il devient en quelque sorte une porte battante. Une fois la porte ouverte, c’est impossible de récupérer devant des jeux en croisé. Et c’est la beauté de ces stratégies défensives ; tu essaies de créer une muraille, mais dès que la porte est entrouverte et qu’il y a de la pénétration, il n’y a plus rien à faire pour empêcher le joueur défensif de se rendre au quart.

Et tout ça a été amplifié par la blessure du garde à droite Ryan Bomben , l’ancien des Alouettes. Déjà, avant qu’il ne quitte l’affrontement à mi-chemin, ce n’était pas reluisant. Mais son remplaçant en deuxième demie avait un manque flagrant de mobilité, et les Als s’en sont donné à cœur-joie. C’était un véritable buffet!

L’interception de Hebert pour mettre un point d’exclamation à cette rencontre est d’ailleurs survenue après un blitz mettant à profit les secondeurs. La pression s’est amenée au centre, et ce n’est pas le fruit du hasard que Collaros ait été victime d’une interception, car il ne voyait pas l’endroit où il envoyait sa passe. Il a pris une chance car il était au dépourvu avec Elsworth en pourchasse.

Ça m'apparaît clair aussi que le front a empêché la tertiaire d’être exposée à nu. Car les rares fois que Collaros réussissait à décocher ses passes avec aisance, des dommages ont été créés dans le jeu aérien. Les demis de coin des Alouettes se sont d’ailleurs fait découper à quelques occasions sur de très longs deuxièmes essais.

Noel Thorpe doit être félicité pour la manière dont il a géré le plan de match. Il s’est dit : « Tant qu’ils ne me montreront pas qu’ils ont la réponse aux blitz que je leur propose, on ne les lâchera pas ». Et dire que la semaine dernière, les Eskimos d’Edmontron – la même équipe qui s’était moquée des Alouettes avec huit sacs du quart – n’en avait réalisé aucun aux dépens des Tiger-Cats!

On ne pourra pas reprocher aux Als de ne pas avoir eu l’instinct du tueur dans leurs deux parties face aux Ti-Cats cette année. Les deux fois, les hommes de Kent Austin avaient possession du ballon et avaient une chance bien tangible de s’enfuir avec la victoire. Mais les deux fois, la défense a refusé de plier l’échine, et c’est tout à son honneur. Jeudi soir, on est vraiment monté aux barricades pour empêcher les locaux d’orchestrer quelque chose de concret. Et ça s’est soldé par la magnifique interception de Hebert. Il a d’ailleurs bien racheté la pénalité de rudesse dont il a été coupable en fin de deuxième quart, et ayant permis aux Tiger-Cats d’ajouter trois points au tableau.

Une attaque solide et diversifiée

J’ai bien aimé la performance de l’attaque montréalaise, et pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, j’ai apprécié la passe piège à l’endroit de Brandon Rutley ayant mené au premier touché du match. Non seulement était-ce spectaculaire à voir, mais ce que je retiens, c’est surtout l’effet que cela a eu sur la défense des Ti-Cats.

Soudainement, le coordonnateur défensif n’a pas eu d’autre choix que de se méfier de ce genre de jeu, lui qui privilégie à l’habitude les blitz agressifs. Sans nécessairement l’ébranler, ce gain de 65 verges pour le majeur a installé le doute dans son esprit. Ça nous a aussi permis de voir l’explosion dont est capable Rutley et la dimension « coup de circuit » qu’il apporte. Avec toute l’appréciation que j’ai du travail de Tyrell Suton, je ne crois pas qu’il aurait pu filer à vive allure vers la zone payante de la même manière.

Pour mettre le tout en perspective, ce touché de Rutley représente un point de plus (7 contre 6) que ce que les Cats avaient concédé à leurs rivaux au premier quart lors des cinq parties précédentes…

Des ajustements et vite!

Peu après, Rakeem Cato s’est fait mal, et comme vous le savez a dû demeurer aux abords du terrain. Sans vouloir spéculer, il semble cependant que les Als ont évité le pire, car on parle plus d’une contusion qu’autre chose selon les premiers rapports.

Ce qui est frustrant, c’est que la blessure a, d’une certaine manière, été causée parce que les Alouettes ont permis à un jeu bien précis de se développer, soit le même genre qui les avait coulés face aux Eskimos il y a deux semaines. Je parle ici du blitz à retardement. On garde un espion, un ailier défensif qui demeure au niveau des secondeurs, et qui attend le moment propice pour se lancer à la poursuite du quart.

Chez les Alouettes, il faudra se réveiller et s’ajuster à cette tactique. Il faut prendre conscience qu’un ailier défensif, qui est normalement à la hauteur de la ligne d’engagement, se retrouve en arrière-plan. On semble avoir de la difficulté à l’identifier, et cette fois, Eric Norwood s’est retrouvé avec le champ libre. Tout comme Odell Willis l’avait si bien fait pour Edmonton, il a regardé le jeu se déployer et laissé les joueurs de la ligne à l’attaque engager les blocs, avant de foncer en direction de Cato.

Puisqu’on appliquait une pression extérieure, on a contraint Cato à fuir vers le centre. Et qui l’attendait au bout de l’entonnoir? Norwood, prêt à le plaquer le solo. Bref, on l’a carrément appâté sur la séquence qui a mené à sa blessure. C’est une problématique frustrante à laquelle il faudra trouver réponse à l’aide des bandes vidéo…

Mais au-delà de cela, bien franchement, il n’y a pas grand-chose à reprocher à la ligne à l’attaque et à l’unité offensive en général.

Il faut se réjouir du fait que les Alouettes se sont assurés que le match soit compétitif pendant quatre quarts. Les Ti-Cats sont habitués à ce que ce soit réglé avant la demie. Conséquemment, leur défense est rarement sollicitée durant la deuxième moitié du match en ce qui a trait à stopper le jeu de course. Et pour cause, car leurs adversaires jouent du football de rattrapage plus souvent qu’autrement.

C’est pourquoi statistiquement, ils semblent dominants pour freiner les élans des demis offensifs avec une moyenne de 75 verges allouées. Mais lorsqu’on s’y penche, on s’aperçoit que le nombre moyen de courses tentées contre eux n’est que de 15. Jeudi, ils ont fait face à 31 courses. Ça fait toute la différence, car ils ont été projetés dans une zone d’inconfort. Ils n’ont eu guère le choix que de défendre de façon « honnête ».

Contre les Lions, sept joueurs différents avaient couru avec le ballon. À Hamilton, ce fut cinq joueurs. Chapeau pour cette belle diversité.

Marsh a livré la marchandise

Il est difficile de ne pas aimer Tanner Marsh. Ce gars-là amène tellement un beau dynamisme, une énergie contagieuse, qu’il est dur de ne pas se rallier derrière lui. Il est gonflé à bloc, et c’est plaisant de le voir aller.

Brandon RutleyMarsh a effectué de belles courses ici et là, mais ce qui a été la cerise sur le gâteau, bien franchement, s’est avéré sa manière de négocier la dernière séquence offensive des Montréalais. Partis à leur ligne de 18, les Als ont conclu une série de 12 jeux et 72 verges avec un placement réussi par Bede, en plus de gruger plus de six minutes au cadran.

De ces 12 jeux, cinq ont été des passes tentées, et sept ont été des courses. Dans une situation de stress, chacun a bien réagi. S.J. Green, Nik Lewis et Samuel Giguère ont été mis à contribution durant cette séquence, et les deux derniers ont fait preuve d’une combativité remarquable pour obtenir les verges manquantes après l’attrapé afin de faire avancer les chaîneurs.

Seul bémol, et on n’en est pas à notre première fois à relever cette facette du jeu, mais l’opportunisme a encore fait défaut pour l’attaque. Au deuxième quart, on aurait pu faire mal aux Ti-Cats, sans être en mesure de concrétiser avec des touchés. Reste que de marquer 26 points contre l’une des meilleures unités défensives du circuit, c’est plus qu’acceptable.

Finalement, les unités spéciales des Alouettes ont été très solides dans l'ensemble. Pour un deuxième match consécutif, l’équipe a entièrement menotté le retourneur Brandon Banks. Il n’avait pas été un facteur lors du premier duel (33 verges sur cinq retours) et il n’a fait guère mieux jeudi (2 retours pour 16 verges). On ne peut que saluer le travail colossal des joueurs dirigés par Kavis Reed, autant celui des unités de couverture que celui de Boris Bede, qui avec ses puissants et hauts bottés laisse peu de marge de manœuvre à Banks.

Mentionnons toutefois qu'en protection sur les bottés de dégagement, on a connu des ratés. Bede a vu l'un de ses bottés être bloqué (ou dévié si on veut être exact). Peut-être était-ce la réaction naturelle d'une unité qui s'est fait marteler à longueur de semaine à quel important il était essentiel de ne pas se faire brûler par le rapide Banks? C'est bien beau vouloir empêcher le retourneur de nous faire mal, il faut tout de même s'assurer que le botteur a l'espace nécessaire pour effectuer le dégagement.

En terminant, je ne peux m’empêcher d’être quelque peu nostalgique et de m’interroger, un peu à la blague : Et si on avait eu Reed et Bede dans l’entourage de l’équipe en 2014, que serait-il donc arrivé durant cette fameuse finale de l’Est remportée par les Tiger-Cats? Ne vivons pas dans le passé, mais qui sait, le résultat aurait peut-être été fort différent!

* Propos recueillis par Maxime Desroches