Ce n’est un secret pour personne que le dossier qu’on allait surveiller de près au bilan de fin de saison des Alouettes était l’annonce possible d’un nouveau contrat pour l’entraîneur-chef Khari Jones.

On aurait espéré une annonce, mais on nous a plutôt dit que l’équipe ne pouvait pour l’instant officialiser son retour en 2020, malgré une volonté commune des deux parties de prolonger l’association. Selon ce qu’on raconte, les grandes lignes seraient réglées et il n’y aurait que quelques détails administratifs à fignoler avant que l’organisation confirme la nouvelle. Mais tant que ce n’est pas signé, on ne sait jamais...

Dans ce contexte, on pouvait difficilement s’attendre à ce que Jones se permette des déclarations fracassantes au sujet de ses joueurs ou de son groupe d’adjoints. On voyait qu’il tournait autour du pot et on le comprend. Ça ne sert à rien d’aborder ces sujets tant et aussi longtemps qu’il est sans contrat.

Il se peut que l’attente se poursuive encore un peu, car on le sait, il existe un moratoire sur les annonces du genre durant la semaine de la Coupe Grey, dans le but évident de ne pas porter ombrage à la finale du football canadien. En passant, ce règlement existe en raison des Alouettes! En novembre 2001, l’organisation montréalaise avait réussi un coup d’éclat en amenant Don Matthews dans son sillon quelques jours avant la Coupe Grey. Les partisans des Als s’en étaient réjouis, mais aux bureaux de la ligue, on l’avait trouvée moins drôle.

Il a été intéressant aussi d’apprendre que le processus était en marche pour l’embauche d’un directeur général. On sait maintenant que les Oiseaux ont demandé à Wally Buono de les conseiller au cours des prochaines semaines. C’est plaisant d’entendre ça car Buono, d’une part, est un ancien Alouette. Il est aussi l’homme qui a construit les Stampeders de Calgary, puis les Lions de la Colombie-Britannique. Il a connu d’excellentes années comme entraîneur et comme DG. Son bagage et ses connaissances du circuit peuvent rivaliser ceux de n’importe qui.

Je le dis respectueusement, mais force est d’admettre que le président Patrick  Boivin n’est pas un homme de football à la base. À défaut d’être issu de ce milieu, il a pris une décision très avisée en s’en remettant à une excellente tête de football.

C’est crucial pour la suite des choses. Entendons-nous : lorsqu’on a laissé partir Kavis Reed à la mi-juillet, l’essentiel du travail effectué par le DG était déjà fait. Ce n’était pas si grave car tout était en place, de l’équipe d’entraînement à la liste de joueurs réservistes. Mais à compter de maintenant, la période la plus achalandée à l’agenda d’un DG va débuter, avec les négociations de contrat, le repêchage, la signature des joueurs autonomes au sommet de la liste des tâches.

Ce que j’en déduis, c’est qu’avec les pourparlers afin de ramener Khari Jones et les démarches effectuées pour embaucher du DG, l’organisation a les coudées franches malgré que le fait que l’équipe demeure la propriété de la LCF. Aucune restriction ne semble les ralentir en ce qui a trait à ces dossiers de la plus grande importance. C’est « business as usual » chez les Als, qui ont le champ libre.

Qu’en est-il des joueurs?

En raison du statut de Jones, on a très peu parlé des joueurs au bilan de vendredi. Ça ne nous empêche pas toutefois de revenir sur quelques éléments-clés que je retiens.

Évidemment, ç’a été une année particulière pour Jones, qui a appris une semaine avant le début de la saison qu’il allait être entraîneur-chef en remplacement de Mike Sherman.

Je lui ai posé la question suivante : « Maintenant que tu as le temps de reprendre ton souffle, lorsque tu t’es fait dire que Sherman était limogé et que tu étais pressenti pour le remplacer, étais-tu prêt ou as-tu été pris de court? Comment as-tu fait pour vivre aussi bien cette transition? »

Il m’a répondu qu’il avait depuis un bon moment des aspirations de devenir entraîneur-chef dans la LCF, et qu’il avait déjà passé des entrevues à cet effet. Il avait encore ses cahiers qui lui servaient à expliquer aux dirigeants qui l’interviewaient comment il comptait s’y prendre pour une multitude de facettes liées à son travail.

Lorsque Sherman a été remercié, il est retourné fouiller dans ses notes pour se remémorer ce qu’il avait élaboré lorsqu’il avait préparé ses entrevues. C’est là-dessus qu’il s’est basé pour ses premières semaines sur les lignes de côté! Il m’a ensuite avoué que le fait que les Als aient bénéficié d’une semaine de congé tôt dans le calendrier lui avait été d’une grande aide, puisque l’équipe n’avait même pas d’entraîneur des receveurs au mois de juin.

Dans l’ensemble, on ne peut faire autrement que d’affirmer qu’une fiche de 10-8 et une participation aux éliminatoires, c’est positif. C’est deux fois plus de victoires qu’en 2018, et les Als ont vaincu toutes les équipes au moins une fois à l’exception des Roughriders de la Saskatchewan. Par ailleurs, la perception négative et le cynisme qui entouraient le club depuis plusieurs années a laissé place à un vent d’optimisme et à de l’enthousiasme. L’engouement est revenu, et ça se ressentira dans la vente de billets.

  • On a trouvé un coach qui est le premier à apporter quelque chose de spécial depuis le départ de Marc Trestman.
  • On a trouvé un quart-arrière en Vernon Adams fils qui est le premier depuis Anthony Calvillo à nous donner l’impression qu’il peut faire la différence match après match.
  • On a trouvé un retourneur capable de tirer son épingle du jeu.
  • Il y a eu une infusion de talent assez spectaculaire avec l’ajout des Jake Wieneke, Quan Bray, Dante Abscher, Chris Schleuger, Greg Reid, Antonio Simmons, Jarnor Jones et Ryan Carter, pour ne nommer que ceux-là.
  • Plusieurs joueurs de deuxième année ont amené leur rendement à un autre niveau, dont Trey Rutherford, Eugenie Lewis, DJ Lalama et William Stanback.
     

Ce n’est pas parfait, mais peu importe l’angle sous lequel on évalue la saison 2019 des Alouettes, on ne peut nier qu’il y a eu une grande progression.

Il y aura des aspects que je regarderai de plus près que d’autres dans les prochains mois. S’il revient, je serai intéressé de voir ce que Jones fera de son groupe d’entraîneurs. Qui revient? Qui ne revient pas? Je suis particulièrement intrigué de voir ce qu’il adviendra du coordonnateur défensif Bob Slowik. Lorsqu’on parle aux joueurs de Slowik, on n’entend que du positif, autant sur ses habiletés d’entraîneur que ses qualités humaines. Lui donnera-t-on une chance de prouver qu’il peut s’améliorer avec une deuxième année à diriger des joueurs de la LCF? À Jones de décider, car on a eu beau critiquer les stratégies de Slowik avec régularité, l’entraîneur-chef a toujours le droit de véto. Il endosse le plan de match de son coordonnateur. On ignore jusqu’à quel point le vétéran instructeur a eu carte blanche.

En ce qui a trait aux améliorations à apporter à l’effectif, ce n’est pas compliqué : il faut se concentrer sur les tranchées. La ligne offensive a montré une progression en 2019 même s’il y a encore fort à faire. Mais la ligne défensive, elle, doit absolument obtenir du renfort. Ç’a été un gros problème durant toute la saison. D’où l’importance d’avoir un DG en place prochainement pour évaluer les mouvements de personnel possibles pour combler cette lacune.

Les quatre demi-finalistes ont un dénominateur commun

C’est ce qui m’amène à souligner que les quatre équipes qui demeurent dans le portrait éliminatoire ont ce point en commun : ils misent tous sur d’excellentes lignes, tant du côté offensif que défensif.

Les Tiger-Cats, les Eskimos, les Blue Bombers et les Roughriders forment le top-4 pour le nombre de sacs du quart réussis, en plus d’être dans le top-5 pour les sacs alloués. Chacune de ses formations est aussi classée dans le top-4 pour le nombre de verges obtenues au sol, en plus d’être dans le top-5 pour les verges concédées par la course. Ce sont des catégories qui illustrent bien ce qui passent dans les tranchées pour les finalistes de l’Est et de l’Ouest.

J’ai hâte de voir comment les Eskimos se comporteront dimanche, alors qu’ils seront les visiteurs à Hamilton. Pourquoi je dis ça? Parce qu’il n’est jamais arrivé qu’une équipe traverse du côté de l’Est en éliminatoires et se rendre au match de la Coupe Grey.

Edmonton a du pain sur la planche

La commande est grosse pour Edmonton car elle affronte des Tiger-Cats qui sont parfaits à domicile, qui ont l’attaque no 1 pour les points marqués et la défense no 1 pour les points alloués. Ces même Ti-Cats misent aussi sur des unités spéciales exceptionnelles, en plus d’être une équipe extrêmement robuste.

Je vous pose les questions suivantes : quelles sont les chances que les Eskimos répètent le genre de performance qu’ils ont connue à Montréal? Que Trevor Harris complète 92 % de ses passes contre Hamilton. Que l’équipe la plus punie de la ligue en saison régulière n’écope que de trois pénalités à nouveau?

Les Eskimos ont joué un match quasi parfait, et ç’a quand même pris un match en dents de scie d’Adams, victime de trois interceptions, pour qu’ils repartent victorieux du Stade Percival-Molson. D’autant plus qu’il est non-négligeable qu’ils soient venus au Québec, avant de retourner en Alberta quelques jours pour voyager une fois de plus, cette fois vers l’Ontario. Ça fait beaucoup de voyagement en une semaine.

Je leur souhaite d’être compétitifs, mais je serai de ceux qui ne seront pas abasourdis si les Eskimos se font malmener à Hamilton. Les Alouettes ont laissé beaucoup de longs jeux sur le terrain dimanche dernier, et je ne crois pas que l’attaque des Tiger-Cats fera la même erreur, surtout qu’ils sont les spécialistes des gros jeux (31 jeux aériens de plus de 30 verges, 10 courses de plus de 20 verges et 19 retours de bottés explosifs).

Seul élément que je vois comme étant incertain pour les Tiger-Cats : l’inexpérience de Dane Evans en matchs éliminatoires. À 25 ans, il n’a pas eu l’occasion de disputer de match en calendrier d’après-saison. Ce sera d’ailleurs le deuxième match consécutif dans lequel les Eskimos se mesurent à un quart n’ayant aucune expérience éliminatoire dans la LCF. On a vu ce qui est arrivé à Adams – ça n’a pas été son meilleur match. Comment Evans réagira-t-il? Chose certaine, s’il joue comme il l’a fait à ses cinq dernières sorties, j’aime les chances des Ti-Cats.

L’intrigue autour des quarts à Regina

Ce qui ressort du lot à mon sens dans la finale de l’Ouest, c’est la situation des quarts.

Les Bombers ont surpris les Stampeders avec leur système à deux quarts. Lorsque Winnipeg lançait le ballon dimanche dernier, c’était Zach Collaros qui était l’homme de confiance. Lorsque le jeu au sol était sollicité, c’était Chris Straveler qui se trouvait derrière le centre.

D’ailleurs, Straveler a pris part à 23 jeux offensifs contre Calgary. La totalité de ceux-ci ont été des courses. Ce n’était pas toujours lui qui courait, mais c’était de la course 100 % du temps. Straveler a eu un impact important sur le match, comme en fait foi son touché au sol de 24 verges.

Deux quarts complètement différents aux habiletés très différentes. Ça crée de la complexité pour la défense adverse, qui tôt ou tard se retrouve quelque peu sur les talons.

Chez les Roughriders, on a un seul quart. Mais ce seul quart, Cody Fajardo, intègre ces deux habiletés à son jeu. En tant que quart hybride, il lance bien et n’a aucun problème à courir.

Il a été le meneur en saison régulière pour les verges amassées par la passe, en plus de miser sur une excellente mobilité.

On se demande toutefois dans quel état reviendra au jeu Fajardo, lui qui n’a pas disputé le dernier match des Riders en raison d’une blessure aux obliques. Il a repris l’entraînement seulement mercredi, mais il y a un élément de doute là. Il recommence tout juste à lancer des ballons. Que lui arrivera-t-il s’il se fait plaquer solidement dès la première séquence?

Il faudra voir si Fajardo pourra jouer comme il en est capable. Il est un quart d’instincts... Devra-t-il ajuster son style?

Deuxièmement, je porterai une attention particulière à la défense de Winnipeg, qui se nourrit de revirements. En saison régulière, elle en a provoqué 45, un sommet dans la ligue. Et dimanche dernier, elle a réussi à faire tomber dans son piège l’excellent Bo Levi Mitchell en interceptant trois de ses passes, ce qui n’est pas banal. Sauf qu’en Saskatchewan, la défense des Bombers affrontera l’attaque qui a le mieux protégé le ballon cette saison. Fajardo n’a été victime que de huit interceptions en 17 matchs, le plus bas total du circuit.

Dans le cas de Fajardo, le facteur « santé » sera un point d’interrogation, et le manque d’expérience en éliminatoires aussi. Il en sera lui aussi à un premier départ en calendrier d’après-saison.

* propos recueillis par Maxime Desroches