Lorsque les Alouettes avaient ajouté une victoire à leur fiche, le 29 juillet dernier face aux Roughriders de la Saskatchewan, l’effet d’entraînement ne s’était pas fait sentir. L’équipe s’était plutôt affaissée dès le match suivant en offrant un rendement peu convaincant dans une défaite contre les Lions de la Colombie-Britannique.

Il est donc normal qu’une certaine appréhension restait après le gain de 43-19 acquis aux dépens du Rouge et Noir d’Ottawa la semaine dernière.

Avec du recul, cet élément de doute avait sa raison d’être, parce que la troupe de Jim Popp a encore enchaîné avec une prestation décevante vendredi soir face aux Blue Bombers de Winnipeg, au Stade Percival-Molson. Avec cet échec, cela fait maintenant un an jour pour jour que les Alouettes ont aligné deux victoires consécutives (cette dernière « séquence » remonte aux 20 et 27 août 2015).

L’un des aspects les plus décevants est le fait que ce revers faisait passer à 1-4 le dossier de l’équipe à domicile, une fiche qu’on a du mal à s’expliquer. Quant au rendement des Alouettes cette année lorsqu’ils accusent un retard après la première demie, il est de 0-6. Cela nous dit qu’ils peinent à se sortir de l’embarras lorsqu’ils sont confrontés à de l’adversité. D’ailleurs, Luc Brodeur-Jourdain a même admis sur nos ondes après le match de vendredi qu’un manque de caractère guettait l’équipe par moments lorsque la situation se corse.  

Andrew HarrisUn refrain de plus en plus achalant est l’incapacité à connaître de bonnes performances au quatrième quart. Ce scénario s’est reproduit contre les Bombers, qui ont eu l’avantage 13-0 au pointage durant les 15 dernières minutes. D’ailleurs le ratio « points concédés vs points marqués »  est de 79-30 (soit de moins 49) chez les Montréalais cette année! On ne finit pas bien les matchs...

Pourtant, on parlait ici d’un minuscule retard d’un point à combler, puisque les visiteurs ne menaient que 19-18 à l’issue du troisième quart.

Les performances offertes par les joueurs vétérans laissent beaucoup à désirer.  Parmi les pénalités dont a écopé l’équipe contre Winnipeg, plusieurs ont été décernées à des leaders. Je calcule qu’on peut en attribuer huit sur un total de 13 à des joueurs établis chez les Alouettes, des joueurs censés donner l’exemple et prendre les choses en main. Pour une recrue, c’est plus facile à défendre; on peut jeter le blâme sur son trop-plein d’enthousiasme ou sur son manque d’expérience. Pour un pilier de l'équipe cependant, c'est plus difficile à justifier.

Le match contre les Bombers m’a rappelé à plusieurs égards celui du 11 août face aux Eskimos d’Edmonton. Dans les deux cas, l’attaque des Alouettes avait connu un début très pénible, et la défense avait dû se signaler plus d’une fois afin d’empêcher l’adversaire de se procurer une avance insurmontable. Tout comme les Eskies, si les Bombers avaient affiché l’instinct du tueur et s’étaient montré plus opportunistes, la rencontre aurait été hors de la portée des Als très tôt dans l’affrontement.

Le score était pourtant encore serré après 45 minutes de jeu malgré le fait que les Bombers ont commencé leurs trois premières séquences offensives dans le territoire montréalais, en dépit des deux interceptions dont a été victime le quart Kevin Glenn en première mi-temps, dont une retournée pour un touché, et malgré le botté de dégagement bloqué profondément dans le territoire des Alouettes. Que les hommes de Jim Popp aient été encore bien en vie à ce moment, contre une formation qui a le vent dans les voiles  – et alors qu’une seule des trois facettes du jeu fonctionnait – relevait pratiquement du miracle!

Misérables du côté offensif

J’ai brièvement mentionné le début de match exécrable de l’attaque. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu un pire début de rencontre pour une unité offensive. On ne semblait ni préparés, ni concentrés sur la tâche à accomplir.

Sur le premier jeu du match, une pénalité a été appelée. Sur le deuxième, les Bombers ont réalisé une interception. Sur les troisième et quatrième, Glenn a été victime de sacs du quart. Sur le cinquième, le demi offensif Tyrell Sutton n’a rien récolté sur un jeu au sol. Et finalement, sur le sixième jeu offensif, le receveur Nik Lewis – un des rares à avoir offert une prestation respectable – a capté une passe bonne pour un gain de 12 verges.

Au deuxième quart, les choses se sont replacées (un peu comme ça avait été le cas à Edmonton) même si ça s’est avéré problématique dans la production de premiers essais.

Une statistique qui en dit long sur les problèmes qui affligent les Alouettes : le plus long jeu par la course, un gain de 21 verges, a été obtenu par Stefan Logan. Par la voie des airs, le mieux qu’on a pu faire a été une connexion de 20 verges entre Glenn et B.J. Cunningham. Ai-je besoin de vous dire qu’il est plutôt rare dans la LCF de voir une équipe réussir au sol son plus long jeu offensif du match?

Plutôt effacé, Duron Carter a été limité à trois attrapés et à un total de 27 verges aériennes en étant visé cinq fois par son quart. Au salaire que ce dernier empoche et au traitement qu’on lui réserve, le dynamique receveur doit en fournir plus.

Je ne prétends pas que la faute lui revient entièrement pour son manque de production – la sélection de jeux y était peut-être pour quelque chose, de même que la précision des passes –, mais une telle soirée me laisse grandement sur mon appétit.

Tout ce que je lis me porte à croire qu’il figure parmi les ailiers espacés les mieux rémunérés du football canadien. Il semble en plus recevoir un traitement qu’on pourrait presque qualifier de « spécial » de la part de Jim Popp. Prenant tous ces facteurs en compte, on est en droit de s’attendre à du jeu plus inspiré du grand no 89.

Si au moins l’attaque n’était uniquement lente à démarrer, ce serait un moindre mal car la défense répond toujours au défi avec brio. Sauf que ça ne s’arrête pas là, puisqu’elle commet aussi de fâcheux revirements, tels que des interceptions ramenées dans la zone des buts par la défense adverse.

Dominés sur les unités spéciales

Pour les membres des unités spéciales, la rencontre de vendredi n’a été guère mieux. D’une part, un botté bloqué concédé tôt dans le match sur une erreur d’affectation à la couverture.

On s’est aussi fait manger tout rond sur les retours de bottés. En moyenne, Winnipeg a engrangé 16 verges de gains sur les bottés de dégagement, contre 5,5 pour Montréal. Sur les bottés d’envoi, les Bombers gagnaient en moyenne 33 verges par retour, les Alouettes seulement 21.

Il y a aussi eu une séquence gênante sur laquelle il manquait un joueur sur le terrain, ce qui a mené à une pénalité. Bref, l’exécution n’y était vraiment pas, ce qui rend encore plus invraisemblable l’idée que les Als avaient leur destinée entre leurs mains avec 15 minutes à écouler au tableau.

Lorsqu’on combine l’efficacité moins grande des Alouettes au manque d’exécution, on en vient à constater que les Bombers ont commencé, en moyenne, à leur propre ligne de 51, tandis que les Alouettes reprenaient possession en moyenne à leur ligne de 35.

Pour mettre le tout en perspective, supposons que les deux équipes obtiennent deux premiers jeux sur une séquence offensive  donnée. À partir du 51, c’est très faisable d’ajouter trois points au compteur. Mais à partir du 35, c’est un botté de dégagement quasi assuré. La différence est considérable et le jeu du positionnement a favorisé Winnipeg.

Pénalités et revirements

J’ai tendance à m’attarder longuement aux pénalités, au ratio des revirements et aux jeux explosifs afin d’expliquer l’histoire du match. Et bien au quatrième quart, on peut vraiment dire que Winnipeg a eu le dessus dans ces aspects.

Dans les 12 dernières minutes, les Alouettes ont commis deux revirements; les Bombers aucun. Pas moins de sept pénalités ont été décernées aux locaux, une seule aux visiteurs. Et quant aux jeux explosifs, je n’en ai recensé aucun de part et d’autre. Sauf que cela me permet d’établir un lien avec  l’indiscipline, car certaines des plus importantes avancées des Bombers en fin de match ont été réussies gracieuseté des pénalités appelées contre les Als, notamment celle de 15 verges à l’endroit de Chip Cox et celle de 25 verges contre John Bowman.

C’est d’ailleurs le seul reproche qu’on peut émettre envers les membres de l’unité de Noel Thorpe. Dans une bataille défensive où tu ne peux rien donner, ça change la dynamique.

Je sais que la situation est frustrante pour la défense car elle reçoit très peu d’appui de l’attaque. Trop souvent, tout repose sur elle. De plus, la ligne offensive des Bombers est physique et reconnue pour flirter avec la limite de la légalité. Je ne peux qu’imaginer tout ce qui se disait entre les deux clans dans les tranchées. Mais au final, c’est inadmissible de perdre ainsi son sang-froid et d’ouvrir tout grand la porte à ses rivaux quand il y a encore une possibilité bien réelle de gagner le match.

D’ailleurs, j’aborderai plus en détails dans une deuxième chronique le fléau que représente l’indiscipline dans l’environnement des Alouettes cette saison et l’importance d’y remédier.

* Propos recueillis par Maxime Desroches