MONTRÉAL- L’arrivée de Xavier Fulton à Montréal s’est effectuée dans l’anonymat, ou presque. Pourtant, son parcours est intrigant. Même s’il a eu à composer avec des problèmes de dépression et d’anxiété, il a été champion des Gants dorés en boxe et il a failli percer dans la NFL à deux reprises, chose que son « petit » frère a réussie dès sa saison recrue.

 

En 2009, le nouveau membre de la ligne offensive des Alouettes a été repêché en cinquième ronde par les Buccaneers de Tampa Bay. Utilisé lors des quatre matchs préparatoires, Fulton s’est déchiré un ligament dans un genou dans la dernière partie et il a finalement été libéré un an plus tard.

 

En 2011, Fulton s’est approché de son objectif ultime de nouveau avec les Redskins de Washington. Lorsque l’association s’est conclue avec cette organisation, le colosse de six pieds cinq pouces et 287 livres croyait que son aventure dans le monde du football venait de prendre fin.

 

Il s’est donc concentré sur la boxe, un sport qu’il avait utilisé pour sa préparation en vue du camp d’entraînement avec Washington. Signe d’un talent certain, Fulton a remporté les Gants dorés à Chicago dans la catégorie des poids lourds au début avril 2012.

 

Fulton aurait peut-être choisi cette avenue professionnelle, mais un coup de fil surprise l’incitait à venir découvrir la LCF en tentant sa chance avec les Roughriders de la Saskatchewan.

 

Honnête, Fulton reconnaît que la transition n’a pas été facile. Grâce à des efforts soutenus, il est parvenu à s’établir comme un vétéran bien reconnu.

 

« J’ai eu à gagner en maturité très rapidement. J’ai dû m’assurer de faire les bons choix pour ma santé physique, mentale et émotive. Ces trois éléments sont essentiels pour réussir à long terme. J’ai également eu besoin de mon épouse pour me pousser en bas du lit à 7h du matin durant la saison morte afin que je fasse tous mes entraînements », a dévoilé l’athlète de 31 ans qui comble la perte de Jovan Olafioye (blessure) présentement.

 

Il y a quelques mois, Fulton n’aurait jamais pensé aboutir dans la métropole québécoise en 2017. C’est simple, Olafioye est pour ainsi dire impossible à déloger et les Alouettes venaient de faire son acquisition. Mais un jeu de dominos s’est amorcé quand Olafioye a subi une blessure le 24 août. Six jours plus tard, Fulton a été libéré par les Tiger-Cats de Hamilton qui traversent, eux aussi, une reconstruction. L’appel de Kavis Reed, le directeur général des Alouettes n’a pas tardé.

 

Dès sa deuxième saison dans la LCF, Fulton avait vécu le bonheur de soulever la coupe Grey, ce vieux et prestigieux trophée. Disons que sa nouvelle équipe n’aspire pas à ce résultat à court terme.  

 

« Malheureusement, je ne suis pas étranger à des équipes qui traversent de mauvaises saisons. C’était le cas à Hamilton cette année, j’ai aussi vécu ça à Regina avant d’être échangé en 2016. Je peux dire que les dernières années n’ont pas évidentes pour moi à ce sujet sauf que ça ne change rien dans mon approche et mon implication », a réagi le natif de Chicago.

 

Le bonheur d’observer son frère dans la NFL

 

Il ne le dit pas ouvertement, mais Fulton doit en quelque sorte envier son petit frère, Zach, qui évolue sur la ligne offensive des puissants Chiefs de Kansas City (5-1). Cela dit, il ressent surtout de la fierté à le voir tenir son bout dans le meilleur circuit. 

 

« C’est vraiment le fun de le voir jouer! Pour moi, c’est difficile de regarder un match sans disséquer ce qui se passe comme quand on analyse des vidéos. C’est fou de voir tout ce qu’il accomplit quand on sait d’où il vient », a noté Fulton à propos de celui qui campe le poste de centre pendant la blessure à Mitch Morse. Zach Fulton

 

« Je me souviens encore, avant son tout premier entraînement au football, il me demandait comment faire un appui de base et il se trompait de main dans sa posture. C’est fabuleux parce que j’ai pu voir la « matière première » et le produit fini. Je suis vraiment fier de lui », a exprimé Fulton.

 

Quand on partage la même passion, la proximité s’avère encore plus naturelle pour deux frères.

 

« Oui, on est proches, mais il y a eu une période pendant laquelle on se parlait un peu moins. C’est de ma faute, je suis juste mauvais pour utiliser mon téléphone et tout le monde qui me connaît sait ça. Quand j’étais à l’université, je ne prenais pas assez de nouvelles de ma famille. Plus tôt cette année, il est venu voir l’un de mes matchs à Hamilton. C’était bien de le voir et on a beaucoup mangé après! », a-t-il confié. 

 

Sans le connaître personnellement, Fulton a été témoin de la belle ascension de Laurent Duvernay-Tardif, le coéquipier de son frère.

 

« Je sais que je n’ai jamais réussi à prononcer son nom correctement ! », a-t-il lancé d’emblée.

 

« Je sais qu’il sera bientôt docteur et qu’il a passé beaucoup de temps de son enfance sur un bateau. C’est vraiment merveilleux, j’aurais aimé pouvoir en faire autant. Je sais également qu’il a été repêché lors de la même ronde que mon frère », a détaillé Fulton dont le frère a été repêché au 193e échelon, soit sept rangs avant Duvernay-Tardif (200e) durant la sixième ronde en 2014.

 

La boxe, un immense allié pour le football

 

À la boxe, les États-Unis ont connu plusieurs années de vache maigre dans la catégorie des poids lourds. Ce creux dans l’offre n’a pas incité Fulton à envisager cette option. Cependant, il n’a pas mis une croix sur l’idée de recommencer à disputer des combats amateurs.

 

Xavier Fulton« Ce n’est pas que la boxe soit trop dangereuse. Le football l’est tout autant et on a vu des athlètes mourir dans les deux sports. Je me rappelle que la mort de l’un des derniers boxeurs à avoir perdu la vie (Tim Hague) est justement reliée à un combat contre un ancien de la LCF (Adam Braidwood) », a raconté Fulton.

 

Pour l’instant, la boxe est devenue un merveilleux partenaire d’entraînement pour Fulton qui a augmenté sa coordination des yeux et des mains tout en apprenant à mesurer sa portée avec précision.

 

Les boxeurs et les joueurs de ligne offensive utilisent les mêmes principes pour dominer leurs adversaires. Contrairement à la démarche naturelle de l’humain, ces athlètes se déplacent avec la même main et la même jambe (gauche gauche ou droite droite) vers l’avant.

 

« Tu apprends à utiliser ton corps d’une façon qui peut sembler peu naturelle, mais qui est la meilleure façon de développer de la puissance. En biomécanique, c’est étrange et ça ne semble pas athlétique. Mais le but est que ça devienne athlétique sans que ce soit naturel et la boxe permet ça », a ciblé Fulton.

 

Son attachement à la boxe a également produit des effets positifs sur le plan psychologique. 

 

« Ça m’a donné une autre chose sur laquelle me concentrer. Ainsi, je n’étais pas à la maison dans le divan à me frustrer parce que le téléphone ne sonnait pas », a avoué Fulton.

 

Un combat contre la dépression et l’anxiété

 

Cet apport de la boxe n’est pas minime pour cet homme. Il faut savoir qu’il a combattu les effets négatifs de la dépression et de l’anxiété depuis bien longtemps. Voici comment il répond quand on lui demande de quelle manière ce problème a affecté sa vie.

 

« Combien de temps as-tu ? », a-t-il lancé en étant capable d’en sourire.  Xavier Fulton

 

« J’ai toujours su que c’était présent en moi, mais je ne savais pas quoi faire avec ça. Je ne savais pas que je devais en parler, je ne savais pas que je pouvais en parler. C’est en partie parce que ça m’effrayait d’en parler. Depuis que j’en ai parlé publiquement, j’ai constaté qu’il ne faut pas avoir peur de s’ouvrir. C’est clairement moins effrayant quand tu sais que tu n’es pas seul. Depuis quelques années, c’est un peu comme si on avait allumé un interrupteur en moi parce que tous les aspects de ma vie vont mieux. J’ai même pu aider une personne à calmer une crise de panique avant qu’elle ne devienne trop sévère. Je n’aurais jamais pu faire ça avant. J’ai pu aider quelqu’un parce que j’étais devenu assez brave pour m’aider. C’était bien de pouvoir aider quelqu’un d’autre », a conclu Fulton avec beaucoup d’empathie.

 

Le sympathique gaillard a donc choisi de s’impliquer pour la cause de la santé mentale. Il aide à sensibiliser les gens sur cet enjeu et comme il aime le dire : « Même les hommes qui sont forts et imposants ne font pas invincibles. »