Le match qui opposera les Alouettes aux Argonauts après le long week-end de la Fête du travail nous offrira une situation particulière alors que le quart-arrière réserviste de chaque équipe – Tanner Marsh pour Montréal et Zach Collaros pour Toronto - agira comme partant pour l’occasion.

C’est à se demander si ces deux nombrils verts parviendront à trouver un sommeil réparateur au cours des prochains jours, parce qu’il ne s’agit pas d’une mince tâche que de remplacer des légendes vivantes. Anthony Calvillo et Ricky Ray font la pluie et le beau temps depuis plusieurs années dans la Ligue canadienne et ne chausse pas d’aussi grands souliers qui veut.

La clé pour un quart moins expérimenté qui est appelé à prendre la place d’un coéquipier réputé, c’est d’être capable de rester soi-même. Personne chez les Alouettes ne veut que Marsh ne commence à se prendre pour Calvillo et la dernière chose que les Argos vont demander à Collaros est d’imiter Ray. Dans le même ordre d’idée, le coordonnateur offensif ne doit pas oublier qu’il gère un athlète différent lorsque viendra le temps d’appeler ses jeux. L’ajustement doit être fait, sinon tu risques de placer un jeune quart-arrière dans une situation beaucoup trop complexe.

L’échantillonnage est plutôt modeste pour quiconque veut se lancer dans l’évaluation des deux petits nouveaux, mais selon ce qu’on a vu, on peut déjà avancer que Marsh et Collaros sont de fiers compétiteurs. Ils possèdent un bon jeu de pieds qui leur permet d’étirer les jeux lorsque la situation l’exige et ça me semble assez clair qu’ils ne sont pas du genre à capituler facilement. Ils sont prêts à tout pour qu’un jeu fonctionne et ils vont se dépasser pour arriver à mettre le ballon dans la zone des buts.

Ce n’est pas toujours beau, mais c’est le résultat final qui peut être intéressant!

Évidemment, ce n’est pas ce à quoi nous ont habitués leurs prédécesseurs. Calvillo et Ray sont probablement les deux quarts les moins mobiles au Canada. Avec eux, c’est la voie de la sagesse et de la raison : « première lecture, deuxième lecture, dépanneur ». La semaine prochaine, par contre, on risque d’assister à quelque chose qui ressemble davantage à « première lecture, deuxième lecture... et on court! »

Effectivement, Marsh et Collaros sont plus du genre à être leur propre dépanneur en prenant leurs jambes à leur cou.

J’ai hâte de voir, parce que ces fameuses courses improvisées par le quart-arrière représentent un méchant casse-tête pour une unité défensive. Face à cette menace, pas de chance à prendre : il faut chausser ses souliers de course et jouer jusqu’au son du sifflet. C’est particulièrement vrai pour les demis défensifs. Quand un quart détale en quête d’une solution d’urgence, c’est facile pour les membres de la tertiaire de s’endormir en fixant le champ arrière et de se mettre à tricher en guettant une opportunité d’enregistrer un alléchant sac du quart. Ça ne prend qu’un bref manque de concentration pour qu’on s’aperçoive qu’une passe est en train de siffler au-dessus de notre tête et qu’on vient de se faire brûler sur un jeu de 50 verges.

Alors de chaque côté, il faudra être très discipliné parce que c’est peut-être un gros jeu ici et là qui fera la différence dans ce match.

Le secret contre Collaros

Collaros a un peu plus d’expérience que Marsh. Il en est à sa deuxième année dans le circuit Cohon et a déjà obtenu un départ cette année. En cette occasion, contre les Lions de la Colombie-Britannique, il a complété 84% de ses passes (21-en-25) pour des gains de 253 verges et a lancé trois passes de touché.

Par contre, lorsqu’il est arrivé en cours de rencontre la semaine dernière, les Stampeders ont été intraitables à son endroit. On a amené la cavalerie tôt et souvent. D’ailleurs, les deux premiers jeux qu’il a commandés à son entrée dans le match se sont soldés par autant de sacs du quart.  Ça, ça pourrait donner une bonne piste à suivre pour les Alouettes.

Zach CollarosÀ Calgary, on s’est probablement dit qu’il n’était pas question qu’on laisse le jeune faire à sa tête. On a mis de la pression, on l’a rendu inconfortable, on ne l’a pas laissé trouver son rythme et ainsi prendre sa confiance. C’est exactement ce qu’on veut qu’un jeune quart-arrière ne trouve jamais, sa confiance. « Écoute mon petit garçon, ton match, tu vas le trouver très long! » Voici ce qu’on veut faire comprendre à un gars qui se croit invincible.

C’est probablement comme ça que se sent Marsh en ce moment. Il est sur son nuage. S’il fallait qu’il commence le match contre Toronto comme il a terminé celui contre les Lions, il se pourrait bien qu’on ne parvienne jamais à l’arrêter. Alors la mission des Argos, c’est de tout faire pour refroidir ses ardeurs au plus vite, pour lui faire comprendre que son dernier match, ce n’était rien d’autre que de la chance. Bref, de passer le message à travers la Ligue que si Marsh est un magicien, ses petits trucs ne fonctionneront pas contre eux.

Du côté des Als, il faudra s’assurer de connaître un meilleur départ que lors du rendez-vous précédent entre les deux clubs. Vous vous souvenez? Deux échappés de Noel Devine, un long retour de Chad Owens et c’était 21-0 avant que j’aie eu le temps d’installer mon micro. C’est un péché dont les Alouettes doivent se confesser à tout prix. S’il fallait que Marsh doive commencer à forcer le jeu et retombe du côté obscur, celui où il est victime de beaucoup trop de revirements, son premier départ en carrière pourrait être mémorable pour les mauvaises raisons.

Mêmes idéologies : la différence sera dans l’exécution

Le duel mettra aux prises deux défensives qui se ressemblent. Le coordonnateur de l’unité des Alouettes, Noel Thorpe, est un disciple de Chris Jones, qui est en charge de cette phase du jeu à Toronto. Les deux sont à la queue de la lignée du vénérable Don Matthews et prônent des philosophies similaires, notamment en ce qui a trait à la science de la pression appliquée sur le quart adverse.

À cet égard, je porterai une attention particulière au travail des deux lignes à l’attaque.

En ne se gênant pas pour congestionner la ligne d’engagement, la défensive des Alouettes et celle des Argonauts s’attaquent directement à la communication des joueurs de ligne. Ceux-ci voient sept joueurs de l’autre côté des tranchées, mais combien vont venir appliquer de la pression? Et lesquels? Tentera-t-on de créer un débalancement vers la droite? Ou vers la gauche? Je m’arrête ici, parce que vous comprendrez que les scénarios sont presque infinis. Mais avec tous les mouvements et les surnombres que ces fronts défensifs préconisent, le défi mental est énorme pour la ligne protectrice du quart-arrière.   

Dans un tel climat de confusion, il devient très difficile pour une ligne à l’attaque de prendre les dispositions nécessaires pour se renforcir. Admettons qu’on met la totale pour maximiser la protection du quart, parce que le portrait affiché par l’adversaire permet de croire qu’il enverra six ou sept hommes en pourchasse, mais que seulement quatre missiles sont finalement déployés pendant que les autres battent en retraite. Souvent, donc, le joueur qui se retrouve sans personne à ralentir - parce que celui qu’il attendait dans son corridor n’est jamais venu - devient un bloc gaspillé. Le temps qu’il ne réalise ce qui se passe et qu’il veuille aller prêter main forte à un coéquipier, le jeu est parti et il est déjà trop tard.

Évidemment, c’est le genre de système avec lequel tu veux forcer le quart-arrière à jouer rapidement. On veut lui faire comprendre qu’il devra non seulement s’activer pour prendre une décision, mais aussi prendre la bonne! C’est alors le plus gros défi devant lequel un quart se retrouve : sera-t-il capable de lancer avec précision même s’il n’a pas le temps de s’installer les pieds? Parce que disons-le, il y a de fortes chances qu’il n’ait pas ce luxe.

Alors de part et d’autre, j’ai hâte de voir comment les jeunes quarts vont performer. Tout au cours du match, leur réaction devant ce genre de situation représentera un bon baromètre de l’allure du match.

Mais j’ai d’autres questions...

Assurément, les deux équipes vont demander régulièrement à un secondeur de foncer et de ne s’arrêter qu’une fois qu’il aura planté les épaules du quart-arrière sur la pelouse. Dans ces circonstances, les porteurs de ballon auront le rôle crucial de détecter la menace et de l’éteindre avant qu’elle ne cause des dégâts. Qui le fera le mieux?

On observera deux unités défensives qui aiment y aller de couvertures homme à homme. Quel groupe de receveurs sera en mesure de se démarquer et de réussir les attrapés contestés, que j’appelle aussi les attrapés 50/50?

La bataille du positionnement sur le terrain sera primordiale. On surveillera donc de près le nombre de revirements créés par les défensives ainsi que la qualité des couvertures et des retours sur les unités spéciales. Un terrain court sera le bienvenu pour le quart réserviste qui pourra en bénéficier. Lequel sera le mieux appuyé par ses coéquipiers?

La prochaine semaine s’annonce intéressante avec une série aller-retour en l’espace de cinq jours. C’est donc dire que dans le plus beau des scénarios, malgré un début de saison désastreux, les Alouettes pourraient trôner au sommet du classement de leur division en fin d’après-midi samedi prochain. Vous n’en croyez rien? C’est pourtant la vérité, chers amis!

Mais bon, un match à la fois. Je vous attends mardi prochain avec le reste de notre équipe sur les ondes de RDS.

Bon week-end!

*Propos recueillis par Nicolas Landry.