La victoire des Alouettes aux dépens des Tiger-Cats de Hamilton revêt une importance qu’il ne faut pas négliger. On souhaite toujours de sortir gagnant d’une confrontation face à un rival de division, à domicile de surcroît, mais celle-là est encore plus appréciable du fait que les Montréalais s’approchaient d’une semaine de congé. Tout joueur de football possédant la moindre once de fierté préfère s’éloigner du terrain pour une petite période sur une note positive. Ainsi, les hommes de Tom Higgins ont pu repartir avec le sentiment du devoir accompli, le sourire aux visages.

N’oublions pas que les Alouettes n’avaient pas le luxe de bénéficier d’une longue semaine de récupération après la défaite encaissée vendredi dernier à Winnipeg, contre les Blue Bombers. En fait, l’équipe n’avait tenu que deux séances d'entraînement. Avec un temps de préparation aussi limité, bien malin est l’entraîneur qui peut apporter une série de changements drastiques au plan de match. Tu n’as pas le temps requis pour incorporer de nouveaux concepts de jeu car le tout serait trop long à valider, pratiquer et synchroniser. Bref,  pas suffisamment de temps pour détenir la certitude que ça va fonctionner tel que voulu en situations de match.

C’est donc dire que c’est le côté « cosmétique » du plan de match qui a été privilégié. Et par là, j’entends que l’on ajoute certaines variantes aux concepts déjà existants. Seule la présentation change réellement, et c’est parfois assez pour mélanger ton adversaire. C’est carrément de déguiser un peu la formule pour qu’elle apparaisse différente.

Quant à eux, les Ti-Cats revenaient d’une semaine de congé, frais et dispos et ayant pris le temps nécessaire pour appliquer les ajustements nécessaires à leur plan de match. C’est ce qui rend encore plus louable le boulot accompli par les Als jeudi soir.

À la blague, je vous pose la question : quelle aurait été votre réaction si on vous avait appris que les Alouettes possédaient une fiche de 2-2 après quatre matchs, en sachant que c’est le cinquième quart dans la charte des positions qui est aux commandes de l’attaque? Je crois que plusieurs se seraient avoués surpris, d’autant plus que ces gains sont survenus contre les Stampeders de Calgary et les Ti-Cats, les champions et les finalistes de la dernière coupe Grey.

On peut supposer longtemps lorsqu’on s’adonne à ce jeu, mais je vous rappelle aussi que les défaites aux mains du Rouge et Noir d’Ottawa et des Bombers étaient par des écarts de quatre et d’un seul point. Bref, des matchs qui ont été à la portée des Montréalais jusqu’à la toute fin. Tout ça pour dire qu’ils sont compétitifs, et ça, c’est porteur d’espoir pour la suite.

On en découvre encore sur Cato

D’entrée de jeu, je dois admettre que j’ai été ébahi par la performance de Rakeem Cato. Maintenant qu’il possède trois départs derrière la cravate dans la LCF, on commence à voir tout le bagage de cet athlète. Lors du match contre Calgary, on avait vanté sa dégaine rapide et la précision de ses passes. À Winnipeg la semaine suivante, on s’est aperçu qu’il possède une puissance intéressante et qu’il n’a aucun problème à rejoindre ses receveurs dans les zones profondes (notamment S.J. Green). Et contre Hamilton, un troisième outil de son arsenal a été mis à contribution : Cato nous a fait une démonstration remarquable de sa mobilité durant 60 minutes. Il a fait mal aux Ti-Cats avec son bras à quelques reprises, mais c’est par son agilité et sa capacité à éviter la pression qu’il s’est avéré frustrant pour la défensive adverse. Il a improvisé à quelques reprises et causé un stress énorme sur la tertiaire en allongeant les jeux. À la longue, les demis de coin ne peuvent plus tenir leur couverture face à des ailiers espacés aussi athlétiques.

À chaque fois que Cato a décidé de quitter sa pochette, de gros jeux sont survenus, que ce soit l’attrapé d’une trentaine de verges de Fred Stamps près de la ligne des buts ou le catch ahurissant de Green pour le majeur en milieu de troisième quart.

Rakeem CatoCe qui s’avère d’autant plus fascinant, que c’est le jeune quart a réussi ses prouesses dans une rencontre où le jeu au sol était simplement inexistant, et durant lequel la protection offerte par la ligne à l’attaque (pour une très rare fois, précisons-le) laissait à désirer. Ses jambes ont fait toute la différence. Depuis que je couvre les Alouettes, c’est arrivé très peu souvent que la ligne offensive connaissait une contre-performance. Il est vrai cependant qu’une partie du mérite va au front défensif de Hamilton, un groupe talentueux qui lui en a donné plein les bras. Les permutations à la dernière seconde sont monnaie courante pour ce front défensif, rendant ainsi la tâche compliquée pour les bloqueurs, qui ne peuvent pas être aussi agressifs qu’ils le voudraient.

Ce qui n’a pas aidé à faire paraître la ligne offensive, c’est l’inaptitude générale sur les nombreuses faufilades du quart. J’ai compté quatre chances bousillées alors qu’on n’avait besoin que d’une verge, dont trois fois consécutives à la ligne de 1 de Hamilton. Ça devient carrément une question de désir, car c’est ni plus ni moins que la bataille du levier. Quand c’est bien exécuté, ça devrait être un automatisme…

Les grands clubs que j’ai côtoyés consacraient beaucoup de temps à cette facette du jeu à l’entraînement. Ça te donne soit un premier essai ou ça te permet d’ajouter six points au tableau, donc c’est d’une importance capitale quand on y pense. Autant je dois féliciter les Tiger-Cats d’avoir tenu bon en faisant preuve de robustesse, du côté des Als, tu ne peux pas te permettre de gaspiller ça. Sachant que leurs rivaux avaient les éléments pour les contrer, pourquoi ne pas faire preuve d’un peu de créativité et de dévier vers le périmètre, au lieu d’attaquer en ligne droite?

Le jeune quart Brandon Bridge a aussi sa part du blâme à endosser. Sur ce jeu, on ne peut pas se permettre de rester droit comme un chêne. Il faut abaisser son centre de gravité et garder ses jambes en mouvement pour conserver son élan. Je trouve vraiment que la recrue se tient trop haut, et pas assez compact, pour exécuter ce jeu comme il le faut. Pensez-y : quelle est l’une des tactiques employées par la défensive pour faire avorter ce jeu? Souvent, c’est de sauter dans les airs pour ralentir le quart. Si ce dernier reste bas cependant, les chances sont bonnes que son adversaire saute dans le vide, sans ralentir la progression du quart.

Ça sera intéressant de voir si Tanner Marsh sera complètement rétabli et prêt à reprendre ce rôle au retour de la semaine de congé. Dans les situations de courts gains, Marsh est difficile à battre, et il nous l’a prouvé à maintes reprises l’an dernier. Bref, j’ose imaginer qu’on aura la discussion à l’interne pour que ce problème ne devienne pas récurent.

De la pression… mais aucun sac

Aussi incroyable que cela puisse paraître, malgré la facilité qu’ils ont connue à se défaire des blocs, les joueurs des Tiger-Cats n’ont pas réalisé un seul sac du quart! La pression aurait pu être suffocante, mais Cato a pris ses jambes à son cou et livré la marchandise.

Dans l’évaluation du dernier match, on soulignait la nécessité de faire plus confiance à Tyrell Sutton pour soutenir l’attaque. Force est d’admettre qu’avec deux verges gagnées en six courses, cette facette a de nouveau été déficiente. Sauf que le coordonnateur offensif Turk Schonert devait bien se fier à son feeling malgré toutes ses belles intentions. Après tout, les trois premières courses de Sutton se sont soldées, dans l’ordre, par des pertes de quatre, trois et trois verges. Ça devient fatigant dans du football à trois essais, et Schonert n’a eu d’autre choix que de s’éviter ce casse-tête. Il a été condamné en quelque sorte à opter pour une attaque unidimensionnelle, et les résultats ont néanmoins été probants.

Même si les patrons de jeu des Alouettes devenaient ultra prévisibles, Cato a échappé à la pression avec une aisance déconcertante. On a maintenant la preuve qu’il est capable d’en prendre ; il ne s’est pas senti le moindrement étouffé d’avoir à faire avancer l’attaque par lui-même. À travers tout ça, il a mieux protégé le ballon que la semaine précédente, durant laquelle il avait été victime de deux interceptions. Il ne répète pas les mêmes erreurs, et il emmagasine de l’expérience.

J’ai aimé voir le vétéran Stamps être impliqué de façon aussi imminente dans le plan de match. C’est pour ainsi dire la première fois qu’il jouait un rôle marquant dans une partie depuis son arrivée à Montréal.

On dénote tout de même que l’homme de confiance de Cato, de plus en plus, c’est S.J. Green, un peu comme Anthony Calvillo collaborait avec Ben Cahoon. Il va faire la lecture et distribuer le ballon, mais avec Green, on sent des affinités particulières. Lors des séquences offensives importantes, c’est vers lui qu’il se tourne avec régularité, comme la série menant au touché décisif l’a illustré. Les Als ont traversé le terrain pour ajouter 7 points au tableau, et en plus de trouver la zone payante, Green a attrapé quatre ballons pour des gains de 56 verges.

Tyrell SuttonJe ne suis sûrement pas le seul à avoir retenu mon souffle en début de quatrième lorsque Cato a été frappé violemment et qu’il semblait en douleur, allongé au sol sur les premières images. Il doit être fait en caoutchouc parce que malgré son gabarit assez modeste, il était de retour sur pied, prêt pour le jeu suivant. Sa capacité à encaisser sans broncher, c’est une autre bonne nouvelle.

La dernière facette que j’aimerais toucher par rapport à l’attaque, c’est le manque flagrant d’opportunisme à répétition. Je peux comprendre qu’en fin de match, après les jeux clés réalisés par la défense, on jouait de façon conservatrice afin de protéger une avance précaire, mais c’est décidément un aspect à corriger en ce début de calendrier.

Combien de points ont suivi les 11 revirements provoqués par l’unité défensive montréalaise? Seulement 14, je vous répondrai! Si ça se poursuit, ça viendra rattraper l’équipe tôt ou tard, parce qu’on ne peut demander constamment à la défense de limiter l’autre équipe à 13 points ou moins.

Un unité hyper combative

Justement, parlant de l’unité dirigée par Noel Thorpe, elle a offert une autre prestation étincelante avec ses cinq interceptions et ses trois sacs du quart. On a martelé Zach Collaros, et même si on a plié à quelques reprises, on n’a jamais cassé. Les verges accumulées étaient au rendez-vous (375 au cumulatif), mais la statistique importante demeure le nombre de points alloués.

Assez impressionnant que lors des trois dernières séquences de l’attaque des locaux, les Alouettes ont causé le revirement. Une reprise sur troisième essai raté, une passe interceptée par Alan-Michael Cash et un ballon échappé puis recouvré par Gabriel Knapton. Franchement, du boulot spectaculaire qui mérite d’être félicité. Cette unité ne ménage pas les efforts avec la bonne vieille formule « Cours et frappe ».

Beaucoup d’efforts sont déployés. L’échappée forcée par Kyler Elsworth à la toute fin exemplifie cela à merveille. Qui a récupéré ce ballon? Knapton, un joueur du front défensif qui s’est jeté sur le ballon à 25 verges de la ligne d’engagement. Ça en dit long sur la mentalité de cette défense! Il a vu où le ballon se dirigeait, a couru vers le point de réception et a été récompensé.

C’est vrai, tout n’a pas été parfait pour autant. Oui, on a erré sur quelques deuxièmes essais et une longue distance à franchir, et oui, quelques pénalités coûteuses ont prolongé les séries offensives des Ti-Cats. Je me souviens d’une séquence en deuxième demie où on les a laissés se sortir du pétrin en convertissant coup sur coup un deuxième et 10, un deuxième et 15 et un deuxième et 20. C’est un peu frustrant, tout comme le fait d’avoir laissé un gain de 44 verges sur le premier jeu de la dernière possession de Hamilton. On aurait dû être en mode prévention compte tenu du contexte, mais il ne faut pas partir en peur…

Finalement, je n’ai que des bons mots à adresser aux membres des unités spéciales. Boris Bede a été à la hauteur une fois de plus. Mine de rien c’est lui qui a inscrit 11 des 17 points de son équipe!

J’ai adoré la couverture de bottés réalisée aux dépens de Brandon Banks, qui avait toujours un rival en plein visage. Oui, on a toujours du personnel sur les côtés pour éviter de se faire brûler sur les courses à l’extérieur, mais ce qui ressort avec Banks, c’est qu’il choisit souvent de débuter en ligne droite avant de bifurquer vers le périmètre. Il a été incapable d’accélérer verticalement comme il le fait si bien à l’habitude. Au lieu des 22 verges de moyenne qu’il affichait avant ce match, des maigres gains de 6,6 verges l’attendaient face aux Moineaux.

Chapeau également à Tom Higgins d’avoir appris de ses erreurs. Revenons à la finale de l’Est entre ces deux clubs à l’automne 2014. L’électrisant Banks avait inscrit deux touchés par des retours de bottés de dégagement. Ceux qui se rappellent du match se souviendront que le petit retourneur leur avait servi un premier avertissement sur un touché refusé en raison d’une pénalité à son coéquipier. Comment avait réagi Higgins? On avait continué de remettre le ballon entre les mains du joueur étoile, avec les conséquences que l’on connaît. Peu de temps après, Banks leur en avait mis deux dans les dents.

Jeudi soir, le même scénario s’est produit en début de deuxième demie sur un botté d'envoi. Un bloc illégal appelé contre Hamilton a sauvé les Als. Qu’est-il arrivé par la suite? Brandon Banks n’a jamais touché au ballon sur un botté de d'envoi par la suite. On a mis l’égo de côté et on s’est dit : ce n’est pas grave si les Ti-Cats reprennent possession à leur ligne de 30 ou 35, en autant qu’on n’accorde pas à Banks le long jeu qui fait mal et qui change la dynamique de l’affrontement. Bravo aux Alouettes d’avoir retenu une leçon apprise à la dure!

* Propos recuellis par Maxime Desroches