MONTRÉAL – Est-ce un mal nécessaire, pour une équipe qui s’est sortie cette saison de la misère des dernières années, de perdre des matchs chaudement disputés?

 

La question est pertinente quand on s’attarde sur la progression qu’une organisation doit traverser pour rattraper les puissances d’un circuit professionnel.

 

Quant à la réponse, elle ne fait aucun doute aux yeux de l’entraîneur Khari Jones qui est en grande partie responsable de la renaissance de cette troupe. Il ne considère pas que l’instinct du tueur se développe en cliquant des doigts.

 

« C’est vraiment un processus. Je l’ai dit aux gars, je crois énormément en eux. Je considère qu’on détient les bases pour bâtir une très bonne équipe. Mais c’est encore tôt dans le processus et je dois moi-même tempérer mes attentes. Je trouve qu’on possède quelque chose de spécial, mais ça prend du temps pour s’y rendre comme les autres l’ont fait », a commenté Jones.  

 

« On a réussi une grande progression en peu de temps, mais c’est évident que ça se produira avec quelques accrocs au passage », a-t-il poursuivi.  

 

Jones peut parler ainsi puisque sa carrière de joueur est complétée sauf que ses protégés ne peuvent pas accepter ce processus aussi facilement.

 

« On n’aime pas que ce soit le cas, mais si vous souhaitez le décrire ainsi, c’est correct.  Ce n’est pas comme si on voulait perdre des matchs, on veut surtout jouer à la hauteur de notre potentiel », a témoigné le quart Vernon Adams fils.

 

C’est encore moins facile à accepter comme étape pour un vétéran de premier plan comme Kristian Matte qui s’est établi avec les Alouettes à partir de 2012. Ça fait longtemps qu’il patiente pour remporter un championnat dans son coin de pays.

 

« C’est une bonne question, mais je crois que non. On ne doit pas perdre ces matchs, pas du tout. Il s’agit vraiment d’une question d’exécuter. Si on peut corriger nos erreurs, personne ne pourra nous arrêter », a-t-il jugé après une courte réflexion.

 

Avec onze parties disputées en 2019, les Alouettes présentent un dossier de six victoires et cinq défaites. Voilà un portrait bien plus positif que la majorité des prévisions lors du camp d’entraînement. Si le club montréalais a soutiré quelques victoires à l’arraché, il a également échappé des triomphes notamment face au Rouge et Noir, aux Roughriders deux fois et aux Eskimos d’Edmonton. Est-ce donc légitime de prétendre que leur fiche devrait être meilleure?

 

« Non, je crois que c’est juste. On a gagné des matchs serrés et on a perdu des matchs serrés. On n’a pas été dans le portrait lors d’un seul match. On a eu la possibilité d’afficher un meilleur rendement, mais on aurait aussi pu avoir un pire dossier. Bien sûr, on repense à nos occasions échappées (samedi dernier), mais on faisait face à une équipe qui a réussi des jeux importants pour l’emporter », a soupesé Jones.

 

Pour le demi défensif Greg Reid, c’est plutôt clair que ce devrait être le cas.

 

« Oui ! Mais j’ai fait partie de quelques équipes championnes et les trois facettes du jeu doivent être à la hauteur pour obtenir les victoires, c’est ainsi que ça fonctionne. Quand on a des chances de réussir des jeux sur les unités spéciales, en défense ou en attaque, il faut saisir l’occasion », a commenté Reid qui se classe au quatrième rang pour les plaqués chez les Alouettes derrière Patrick Levels, Henoc Muamba et Tommie Campbell.

 

En se basant sur un argument valable, Matte se range du côté de Reid.

 

« Je pense que ça se voit avec notre confiance, on sait qu’on forme une bonne équipe. Peu importe l’adversaire, on joue de la même manière, du football de très haut calibre que ce soit contre l’Est ou l’Ouest », a-t-il invoqué considérant que les Alouettes ont un dossier de 3-3 contre l’Ouest.

 

La suite du calendrier pourrait déterminer le clan qui a raison. En effet, les Alouettes doivent se frotter aux Blue Bombers deux fois, aux Lions (à Vancouver) et aux Stampeders en l’espace de quatre semaines. La puissance de la division Ouest fait encore craindre le pire à quelques observateurs.

 

« Je n’y pensais même pas, tu viens de m’y faire penser. Tout le monde parle de la force de l’Ouest, mais si  tu regardes les fiches de l’Est contre l’Ouest, ce n’est vraiment pas si mauvais. On ne voit pas tant de grosses défaites. Ce n’est pas comme dans les années que  la division Est était vraiment moins forte. J’ai justement eu vent d’un article qui disait qu’aucune équipe ne se démarquait tant que ça et cinq ou six clubs pouvaient aspirer au championnat », a précisé Matte qui ne pourra plus se servir de l’argument selon lequel il ne consulte pas les médias.

 

Avec ces rencontres et le reste de la saison, les Alouettes voudront prouver qu’ils peuvent dominer un opposant. Ce serait une étape majeure dans l’établissement d’une puissance à Montréal.  

 

« On va devenir meilleurs et on espère creuser l’écart davantage lors des matchs. Je crois qu’on possède cette habileté, voilà ce que je veux atteindre. Je pousse les gars vers cet objectif. Si on joue à la hauteur de notre potentiel, on pourrait l’emporter plus facilement », souhaité l’entraîneur.

 

Le but ultime demeure d’atteindre la vitesse de croisière recherchée au moment propice.

 

« Je l’espère, c’est l’objectif. Les équipes qui accomplissent de grandes choses dans la LCF traversent tous des hauts et des bas durant la saison, mais elles atteignent leur niveau de jeu optimal au moment opportun », a conclu Jones en sachant que cette quête comportera d’autres hauts et bas.