Je commence cette chronique de la même manière que j’ai amorcé ma précédente, alors qu’on assiste au jour de la marmotte du côté des Alouettes. On éprouve une fois de plus ce sentiment, alors que les Alouettes viennent de congédier un autre entraîneur-chef en Jacques Chapdelaine. Kavis Reed devient le cinquième entraîneur-chef différent des Alouettes depuis le départ de Marc Trestman (Jim Popp a fait deux séjours sur les lignes de côté). C’est la quatrième fois au cours des cinq dernières années, qu’ils changent d’entraîneur au cours de la saison.

Il s’agit de loin des chroniques les plus plates à faire et malheureusement on en fait chaque année. Je dis que c’est plate, car évidemment, ça veut dire que l’équipe ne gagne pas, mais il ne faut pas oublier qu’il y a des individus et des familles qui sont affectés aussi. Derrière les entraîneurs, il y a des familles qui sont bouleversées par ces décisions et c’est ce que je trouve dommage.

Les Alouettes perdent leurs deux entraîneurs, par le fait même coordonnateurs, les plus expérimentés avec Chapdelaine et Noel Thorpe. On peut se demander par contre, si l’équipe peut réellement faire pire que ce qu’elle présente récemment. Si on regarde le tout froidement, Anthony Calvillo et Greg Quick n’ont pas beaucoup d’expérience, mais si on jette un coup d’œil sur les performances de l’attaque, celle-ci n’a pas été en mesure de générer des résultats dernièrement. On va donc donner la chance au coureur comme Calvillo qui a pris du recul depuis l’an dernier. C’est certain cependant que ce n’est pas une situation idéale.

Kavis Reed devra aussi prendre ses responsabilités maintenant qu'il est sur les lignes de côté. C’est vrai que les Alouettes ont eu leur part de blessures, mais est-ce qu’ils ont été en mesure de pallier à celles-ci? Je ne peux pas dire qu’ils ont excellé à trouver de la profondeur et des remplaçants avec beaucoup de talent. À un moment, l’entraîneur ne peut faire qu’avec ce qu’il a entre les mains.

Un oeil sur Hamilton

Lorsqu’on regarde la décision qui a été prise aujourd’hui, il faut revenir sur les propos d’Andrew Wetenhall lors du tournoi de golf. Il indiquait que peu importe les résultats de l’équipe cette année, il n’y avait personne d’intouchable. Il a lancé un avertissement sévère au personnel de l’organisation. Je dois lui dire bravo pour sa transparence et il ne s’est pas gêné pour dire ce qu’il pensait. Cette déclaration fait en sorte qu’on est peut-être un peu moins surpris par la nouvelle aujourd’hui. Par contre, je m’interroge sur le moment choisi pour procéder à ce changement. On peut se demander aussi pourquoi l’organisation a attendu à mercredi pour procéder à ces congédiements, alors que l’équipe a disputé son dernier match vendredi dernier.

Il ne faut pas oublier que malgré leurs récents insuccès, les Alouettes ne sont qu’à deux points du deuxième rang, et à trois points du sommet de la division Est. Alors, pourquoi bouleverser toute l’équipe ?

D’un autre côté, le raisonnement inverse peut être tout aussi valable.

Ils accusent un retard de deux points, alors c’est le bon temps pour effectuer des changements. Ce qui se passe à Hamilton a peut-être aussi influencé la décision de la direction. Depuis qu’ils ont changé d’entraîneur, les Tiger-Cats ont signé deux victoires. Ils ont été relancés par l’arrivée d’un nouvel entraîneur. On sent que c’est une équipe qui joue mieux et l’atmosphère autour de l’équipe semble plus détendue. Les Alouettes ont peut-être vu du coin de l’œil le vent qui a changé de côté et espèrent que l’effet soit similaire.

À un certain moment, il fallait aussi que les dirigeants prennent le pouls de leur équipe et de ce côté, rien ne fonctionnait lors des quatre derniers matchs. Trois de ces défaites ont d’ailleurs été à sens unique.

C’est certain qu’une telle décision à l’effet d’un électrochoc et on ne souhaite jamais ça. Il faut se demander combien de fois les Alouettes peuvent se tromper en ce qui concerne les entraîneurs. On y repassera pour ce qui est de la stabilité, alors qu’on sait que dans le sport professionnel c’est un élément important. Ils se retrouvent une fois de plus dans l’inconnue.

Deux hypothèses pour cette décision

Je vois deux choses pour expliquer une telle décision. Évidemment, il faut prendre en considération les contre-performances de l’équipe. Quand une formation sort à plat, sans émotion et éprouve des problèmes sur le plan de la discipline, habituellement l’entraîneur est pointé du doigt.

L’équipe ne faisait également rien sur le plan offensif, ce qui était une autre responsabilité de Jacques Chapdelaine. Il y a donc des petits drapeaux rouges.

Le deuxième élément à mon avis pour expliquer cette décision trouve sa source dans un conflit de personnalités. Ce n’est pas un secret de polichinelle, depuis le dossier de Bear Woods au camp d’entraînement, je ne pense pas que Jacques Chapdelaine et Kavis Reed étaient les deux plus grands amis. Je pense qu’ils ont été assez professionnels pour travailler ensemble, mais ce n’était sans doute pas la meilleure chimie.

À l’époque lorsque les Alouettes ont annoncé la nomination de Reed et Chapdelaine, on pouvait deviner que Jacques avait été le choix du propriétaire et le directeur général a acquiescé à ça. C’est comme si l’embauche de Chapdelaine était une condition pour le nouveau DG. C’est du moins de la façon que je l’avais perçue. Reed va nous dire que Jacques était son homme, mais il n’était peut-être pas son choix. Il perçoit l’équipe qui va dans la mauvaise direction, il discute de possibles solutions avec l’entraîneur et lorsqu’il voit que les deux hommes ne semblent pas sur la même longueur d'onde, ça donne le résultat de la matinée. On ajoute le conflit de personnalités, c’est certain que ça allait exploser à un moment et c’est ce qui s’est produit.

Dernièrement, les entraîneurs étaient aussi sévères à l’endroit des joueurs. C’est vrai que ce sont eux qui doivent inscrire des touchés et qui ont commis des erreurs, mais ils sont tous ensemble dans le même bateau. J’ai senti que le courant passait moins bien entre l’entraîneur et les joueurs. Je sais que lundi, ceux-ci ont eu une rencontre entre eux afin de se vider le cœur et discuter pour tenter de trouver des solutions. Ce n’est jamais une mauvaise idée de tenir de telle réunion. Je ne sais pas ce qui a été dit au cours de cette rencontre. Une chose est certaine cependant, Kavis Reed est très près de ses joueurs et je ne pense pas qu’il y avait le plus grand amour entre les joueurs et les entraîneurs.Noel Thorpe

Jacques est toute une tête de football, mais historiquement, il est rigide, direct et têtu dans ses façons de faire.

Même son de cloche du côté de Thorpe qui est un homme très exigeant lui aussi. Il avait en plus le titre d’assistant à l’entraîneur-chef. Si quelque chose devait arriver à Jacques Chapdelaine, c’était lui qui était tout désigné pour prendre la relève, mais il ne semblait pas faire partie des plans. Kavis Reed a décidé de passer à un prochain appel dans son cas aussi.  

Thorpe a fait un travail incroyable avec la défense des Alouettes, mais c’est à se demander si le message passait encore, alors qu’il est en poste depuis cinq ans. Il faut par contre avouer que la défense montréalaise n’est pas la plus jeune et il devait compenser avec ce fait. Si ces deux congédiements me surprennent, celui de Thorpe me surprend plus. Je souhaite bonne chance au prochain, car n’importe quelle défense qui va passer 22 minutes sur le jeu en première demie va connaître des difficultés.

J’ai écouté rapidement les premiers commentaires de Kavis Reed aujourd’hui et il disait que Darian Durant allait pouvoir donner son opinion, allait être impliqué dans la prise de décision pour les jeux. Est-ce une manière subtile de dire qu’il ne l’était pas avant, encore une fois, on ne fait que spéculer.

Je crois qu’il y a un conflit de personnalités qui est venu sceller le sort des entraîneurs.

Encore là, il faut être prudent parce qu’on n’est pas dans le secret des dieux, mais de loin ça ressemble à ça.

De la manière que l’équipe performait dernièrement, le travail des entraîneurs devait être évalué et si on y ajoute un conflit de personnalités, nous avons le résultat que nous connaissons aujourd’hui.

Décidément, les matchs à Vancouver sont difficiles pour les entraîneurs des Alouettes. On se rappellera qu’en 2015, Tom Higgins avait été congédié après une rare victoire en Colombie-Britannique. Je ne sais pas ce qui se passe à Vancouver, mais c’est tout de même particulier.

C’est donc une grosse commande qui attend Reed et les Alouettes. Il a déjà été entraîneur avec les Eskimos d’Edmonton, mais il est un DG recru. Il en a déjà plein bras avec ses nouvelles responsabilités. Comme mon collègue Mattieu Proulx l’indique dans sa chronique, les opérations footballs ne sont pas le groupe le plus imposant au niveau du personnel. Ils sont plusieurs à ne pas avoir beaucoup d’expérience.

L’an passé ils ont fait un changement d’entraîneur et ils ne sont pas parvenus à faire les éliminatoires. C’est vrai que parfois il y a un petit soubresaut, mais ça ne donne pas toujours le résultat escompté. La commande est grosse, mais les Alouettes vont avoir la chance de se faire valoir contre un adversaire de division, le Rouge et Noir d’Ottawa, dimanche.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant

En chiffres : Jacques Chapdelaine
Jacques Chapdelaine écope
Les blessures ont eu un impact sur les résultats selon Chapdelaine