La 103e édition de la Coupe Grey a donné droit à un match chaudement disputé. Je suis content que la température n’ait pas été un facteur influençant le déroulement du match. Il peut parfois faire beaucoup plus froid au mois de novembre à Winnipeg et surtout, il n’y avait pas de vent.

Je comprends que ça fasse partie du folklore de la Ligue canadienne de football de disputer la Coupe Grey dans des villes plus petites, où le stade est ouvert et que les éléments météorologiques font partie de la rencontre. En même temps, quand c’est le match ultime, c’est plaisant lorsque la température ne vient pas influencer la partie. Les deux équipes ont eu des conditions idéales pour ce temps-ci de l’année.

Je ne pense pas que beaucoup de gens avaient anticipé le départ canon du Rouge et Noir. Surtout que leur entrée sur le terrain a été quelque peu particulière. Les deux formations avaient choisi de sortir en équipe, une tendance qu’on voit de plus en plus depuis que les Patriots l’ont fait au Super Bowl en 2001.

Le Rouge et Noir est sorti en équipe, mais une à deux minutes après, il y avait encore des joueurs qui sortaient à coup de deux ou trois. C’était comme s’ils étaient en retard. C’est la Coupe Grey, il n’y a pas de raison d’être en retard ou de ne pas être prêt. Bref, avec cette entrée en scène, je ne prévoyais pas ce départ pour la formation de Rick Campbell.

Les Eskimos ont remporté le tirage au sort et ont reporté leur décision à la deuxième demie. Ils voulaient mettre leur défense sur le terrain. Quand on a une bonne unité défensive, je comprends la stratégie. En plus, les Eskimos devaient se dire qu’on ne sait jamais à Winnipeg si le vent peut se mettre de la partie et l’option de choisir le bon côté pour avoir le vent dans le dos au quatrième quart leur serait revenue.

Le Rouge et Noir avait un bon plan de match. L’attaque a connu une belle première séquence. On a fait avancer le ballon en protégeant bien Henry Burris. Tout le monde a touché au ballon et ça s’est terminé avec un beau touché de Patrick Lavoie.

Edmonton était sur les talons. Ottawa y allait souvent avec une attaque sans caucus à un haut tempo. Défensivement, c’était la première séquence du match et le Rouge et Noir présentait des choses que les Eskimos n’avaient pas vues sur les bandes vidéo. L’attaque sans caucus ne permettait pas aux joueurs défensifs de pouvoir se parler entre les jeux ou de regarder vers le banc pour avoir des directives.

Sur le retour de botté d’envoi à la suite du touché, les Eskimos ont échappé le ballon qui a été récupéré par Ottawa. Quelques jeux plus tard, le Rouge et Noir a marqué un touché sur une superbe passe de Burris à Ernest Jackson. C’était 13-0 et l’attaque des Eskimos n’avait même pas encore eu la possession du ballon. C’était complètement fou!

Mais, si on fait une analogie avec la boxe, le Rouge et Noir n’a pas été en mesure de passer le knock-out aux Eskimos. Ils les ont ébranlés leur faisant mettre un genou au sol, mais ce n’était pas assez.

Edmonton a repris le ballon grâce à une interception aux dépens de Burris. On ne saura jamais ce qui serait arrivé sur la séquence. Admettons qu’ils vont marquer un touché et que c’est 21-3, ce n’est plus le même match. Entre les deux oreilles des Eskimos, l’état d’esprit aurait été différent. Au lieu, les Eskimos vont inscrire un majeur à la suite du revirement et c’est 13-10. C’est dommage pour le Rouge et Noir qui avait la chance de faire mal à ses adversaires.

C’était une mauvaise passe de la part de Burris. Je ne sais pas si le ballon lui a glissé des mains. C’est dommage parce que Chris Williams avait réussi à se libérer. La passe a toutefois manqué de force.

Par la suite, les deux défenses ont pris le contrôle de la rencontre. Ce que j’ai aimé par contre, c’est que les Eskimos ont été bons dans les moments critiques. C’est à ce moment qu’ils ont été à leur mieux. En fin de première demie, ils ont pris le ballon pour aller marquer un touché dans la dernière minute. Souvent, ce qui se passe dans les derniers instants d’une demie est très révélateur. Cela a permis aux Eskimos de rentrer au vestiaire avec une avance de 17-16 à la mi-temps.

Au quatrième quart, Edmonton est allé marquer un touché pour la victoire alors qu’il restait moins de quatre minutes. Ils ont été bons dans les moments cruciaux de la partie et cela a fait toute la différence.

Avec un peu moins de deux minutes à faire, les Eskimos ont repris le ballon. La mission était d’écouler le temps pour gagner la Coupe Grey. La meilleure façon de s’en assurer était de ne pas laisser l’attaque d’Ottawa reprendre le ballon. Edmonton a fait cinq courses d’affilée pour 34 verges. Les Eskimos ont gagné trois premiers essais. Ça leur a ensuite permis de mettre le genou au sol pour mettre fin à la partie.

On appelle ça « l’attaque des quatre minutes » dans le jargon du football. Il n’en restait que deux dans le cas présent. C’est un terme qui veut dire que la mission de l’attaque est de s’assurer que l’autre équipe ne touche plus au ballon. On écoule les dernières minutes et c’est ce que les Eskimos ont fait.

Et on s’entend : tout le monde dans le stade savait que c’était des courses qui s’en venaient. Cinq courses, 34 verges, trois premiers jeux et c’était terminé.

Auparavant, ce qui était frustrant pour le Rouge et Noir, c’est qu’il était en milieu de terrain avec un troisième essai et 14 verges à gagner. Cela compliquait la décision de savoir si tu dégageais ou si tu faisais confiance à ton attaque. Les entraîneurs d’Ottawa ont décidé de dégager. Je comprends la décision puisqu’un troisième jeu et 14 verges n’est pas facile à convertir surtout que l’attaque du Rouge et Noir n’était pas en feu en deuxième demie.

Ce qui a vraiment fait mal, c’est le sac du quart que le Rouge et Noir a accordé en deuxième essai et cinq verges. Admettons que c’est une passe incomplète, je crois que tu y vas sur un troisième et cinq. La décision aurait été plus facile. Mais Burris a subi un sac du quart au lieu de tenter de se débarrasser du ballon.

Alors le Rouge et Noir a dégagé en espérant que l’unité défensive arrêterait l’attaque des Eskimos. La défense d’Ottawa jouait bien au quatrième quart, mais Edmonton a été meilleur avec son jeu au sol. C’est frustrant pour le Rouge et Noir qui espérait retoucher au ballon.

L’agressivité de Chris Jones

On sait que Chris Jones est un entraîneur-chef agressif. On a vu vers la fin du troisième quart que les Eskimos ont commencé à jouer de cette manière. Vers la fin du troisième quart, les éventuels champions ont réussi un jeu truqué sur les unités spéciales. En troisième et trois verges, on a opté pour une feinte de botté de dégagement suivie d’une remise directe pour une course qui a procuré le premier essai. Malheureusement, Sean Whyte a raté son placement par la suite.

Eskimos et lea Coupe GreyPendant la rencontre, un beau jeu d’échecs s’est installé entre l’attaque des Eskimos et la défense du Rouge et Noir. On l’a vu en première demie à quelques reprises, surtout sur les touchés d’Adarius Bowman et d’Akeem Shavers qui étaient dans des situations à un contre un. On avait été capable de les anticiper et de les exploiter en choisissant les jeux parfaits.

Ottawa a résolu le tout en optant pour plus de défensives de zone. C’est pour cela qu’en deuxième demie nous avons senti que le Rouge et Noir était plus en mesure de rejoindre Mike Reilly et de le frapper plus régulièrement. On l’a dérangé et on l’a forcé à sortir de sa pochette. Ce n’était pas facile de compléter des passes puisqu’il devait  faire une lecture de la défensive. Ottawa était réputé pour faire de la défense homme à homme. Cela a permis au Rouge et Noir de ralentir le jeu. Cela a eu un bel effet pour la défense du Rouge et Noir.

Mais, sur la séquence qui a mené au touché victorieux, le Rouge et Noir est revenu avec une défense d’homme à homme. Reilly avait le feu vert pour être agressif. C’était le festival de la bombe. Pénalité de 29 verges pour obstruction défensive. Pénalité de 37 verges. C’était toute des situations à un contre un. Il a donné la chance à ses receveurs de faire des jeux.

Sur la même séquence, il y a eu 66 verges de pénalité en deux jeux qui a permis à Jordan Lynch d’inscrire le touché victorieux en troisième essai.

Quand j’ai vu Lynch arriver en troisième essai, ça m’a fait penser à Tanner Marsh parce qu’il n’avait pas joué du match. Il faisait froid en plus. Alors j’espérais qu’il ne lui arrive pas la même chose que Marsh avec les Alouettes lorsqu’il avait échappé le ballon à la porte des buts. Lynch a inscrit le touché et les Eskimos l’ont emporté.

Une décision payante

Dans un match de football, il y a toujours des décisions qui doivent être prises par les entraîneurs. La plus grosse décision de Chris Jones a été de brûler un temps d’arrêt pour permettre à ses adjoints d’avoir le temps nécessaire pour réviser le jeu qui a mené à la pénalité de 37 verges. Dans la LCF, il n’y a que deux temps d’arrêt pour tout le match, pas trois par demie comme dans la NFL.

En fin de compte, c’était la bonne décision parce qu’on lui a confirmé qu’il y avait matière à lancer son mouchoir pour contester la décision rendue sur le terrain. C’était bel et bien une pénalité. Cela a permis de placer l’attaque des Eskimos à la ligne de 10. Quelques jeux plus tard, on a marqué le touché en plus de réussir le converti de deux points.

Les Eskimos ont été fidèles à eux-mêmes. Ils ont gagné le quatrième quart pendant toute l’année et cela a été le cas à la Coupe Grey alors qu’ils ont marqué huit points contre un seul pour le Rouge et Noir.

Pour Ottawa, après les sept premières minutes de la rencontre, il a seulement marqué sept points dans les 53 suivantes. La défense d’Edmonton s’est bien relevée même si au début ça ne regardait pas bien.

Cette conquête des Eskimos est encore plus impressionnante quand on repense à la première semaine du calendrier. Mike Reilly s’était fait éclater le genou à Fort McMurray contre les Argonauts.

La blessure semblait assez sérieuse et on se demandait même s’il allait rejouer cette année. Il a raté neuf matchs, mais est revenu par la suite. Depuis son retour, les Eskimos n’ont pas perdu.

Dimanche, il a pris les choses en main. Ottawa avait une bonne défense. Mais il n’a pas lancé d’interception. Il a été le meilleur porteur des Eskimos avec 10 courses pour 66 verges. Sa mobilité a fait toute la différence. Il a joué un grand match et c’était amplement mérité qu’il soit le joueur par excellence de la Coupe Grey.

Au football, l’histoire du négligé est toujours plaisante. Par contre, en tant qu’ancien joueur, j’étais content de voir les deux meilleures équipes de chaque division à la Coupe Grey. C’était aussi les deux formations qui jouaient le meilleur football en fin de saison.

Les joueurs bûchent assez fort pour terminer au premier rang de leur division pour accueillir la finale. Je trouve ça plaisant que la logique ait été respectée. Au football, ce n’est pas un quatre de sept en finale. C’est simplement qu’un match.

Un grand spectacle

Encore une fois, la Coupe Vanier a été le théâtre de tout un spectacle. S’il y a une chose qu’on a apprise avec les Carabins, c’est de rester jusqu’à la fin! Ils semblent aimer les rencontres qui se décident sur le dernier jeu.

C’était une rencontre excitante et ce fut toute une bataille. Mon premier réflexe c’est toujours de penser que ce sont des étudiants-athlètes qui sont capables de produire un niveau de jeu élevé. Je trouve cela toujours impressionnant alors bravo aux joueurs.

Sincèrement, il faut féliciter l’Université de la Colombie-Britannique (UBC). La façon que je voyais ce match, je me disais que UBC flottait sur un nuage. C’était une jeune équipe avec beaucoup de talent, mais qui n’avait pas beaucoup de maturité. Il jouait au-dessus de ce qu’on attendait d’eux. Ils jouaient avec un haut niveau de confiance. Au cours des trois matchs éliminatoires, ils n’avaient jamais tiré de l’arrière au premier quart.

Les Thunderbirds célèbrent leur conquête de la coupe Vanier.La mission des Carabins était de les ramener sur terre. Si UBC est l’équipe cendrillon, les Carabins devaient dire qu’il était minuit moins une et que le carrosse devait redevenir une citrouille.

Bref, j’espérais voir les Bleus connaître un bon début de match pour faire redescendre les Thunderbirds de leur nuage. Finalement, c’est UBC qui a connu le bon départ. Le niveau de confiance est donc demeuré au plafond puisqu’ils jouaient contre les favoris et qu’ils menaient 16-0. Le doute n’a pas été créé dans leur tête et ils ont pu continuer à y croire.

La pression s’en est carrément allée sur les champions en titre. Mais cela a paru que c’était des champions. Ils se sont battus jusqu’à la fin. Ils ont tout fait pour que ce soit dur pour UBC.

Les Thunderbirds ont été solides entre les deux oreilles. Ils gagnaient 16-0, mais à la mi-temps c’était rendu 16-10 puisque les Carabins ont marqué 10 points dans les trois dernières minutes de la première demie.

On se demandait alors si le géant n’avait pas été réveillé. Mais UBC est revenu avec une course de 44 verges de Brandon Deschamps pour un touché lors de leur première série offensive du troisième quart. C’était solide parce que ça leur prenait ça.

Puis, c’était 23-23 au quatrième quart. UBC a tenté un placement pour reprendre les devants, mais il y a eu un cafouillage sur la remise. Je me suis dit : « Ça y est ». Mais UBC revient avec une interception. C’est là que les Thunderbirds m’ont vraiment impressionné. Ils avaient ce niveau de caractère pour revenir, de résister et de faire le gros jeu par la suite malgré leur manque d’expérience.

On ne partira pas en peur, mais on a déjà hâte de voir ce qu’il arrivera avec Michael O’Connor quand viendra le temps d’être repêché. On connaît l’histoire de plusieurs bons quarts-arrières du Sport interuniversitaire canadien qui ont été repêchés et qui ont été transformés en receveur, centre-arrière ou autre.

Mais lui, il a quelque chose de spécial. Il a le gabarit pour occuper l’emploi. Je l’ai trouvé excellent. Bon, c’est vrai qu’il y avait beaucoup de passes rapides. Mais il a fait preuve d’une anticipation exceptionnelle pour prendre des décisions rapides. Il a enfilé l’aiguille alors que les entre-zones étaient parfois minuscules.

Ce qui est intéressant dans son cas, et on aura encore le temps de voir son évolution puisque c’était sa saison recrue, c’est qu’il est entraîné par Steve Buratto, un vétéran de la LCF. Il est dirigé par un homme qui a gagné des Coupes Grey et qui a occupé les postes d’entraîneur-chef, d’entraîneur de la ligne offensive et coordonnateur offensif dans la LCF. Il connaît le football canadien.

On verra bien, mais avec le talent qu’il a et l’entraîneur qui le forme, s’il ne perce pas, je ne sais pas quel quart canadien réussira à le faire!

*Propos recueillis par Christian L-Dufresne