La nouvelle organisation de la LCF, le Rouge et Noir d’Ottawa, commence à prendre forme. Lors du repêchage d’expansion tenu lundi, Marcel Desjardins et son groupe ont réclamé 24 joueurs provenant des huit autres formations du circuit. Le directeur général a déjà apposé sa marque au Rouge et Noir, même s’il demeure passablement de pain sur la planche avant de finaliser la liste des 75 ou 80 athlètes qui se présenteront à leur premier camp d’entraînement au printemps prochain. Le marché des joueurs autonomes et l’encan amateur canadien s’avéreront des étapes cruciales qui donneront une couleur à la troupe de l’entraîneur-chef Rick Campbell.

D’ores et déjà, on peut dire mission accomplie dans le camp du Rouge et Noir en ce qui a trait à ces premières acquisitions. Du premier tour, réservé aux joueurs américains, je retiendrai surtout que l’on a sélectionné deux quarts-arrières qui amèneront une dimension intéressante. En Kevin Glenn, on a obtenu un vétéran possédant une connaissance approfondie de la LCF. Son leadership, combiné à son bagage impressionnant, font de lui le quart idéal pour débuter une équipe d’expansion.

Glenn est un athlète très sous-estimé, en ce sens qu’il a toujours été productif. C’est sans compter qu’il est déjà bien connu de l’instructeur Campbell, qui était le coordonnateur à la défensive des Stampeders de Calgary avant d’être embauché par Desjardins il y a quelques semaines. Glenn travaillera avec un autre visage familier en Mike Gibson, l’ancien entraîneur de la ligne offensive des Stamps. C’est une énorme plus-value.

On parle ici d’un général qui a récolté près de 40 000 verges par la voie des airs depuis son entrée dans la ligue, amassant 81 victoires en 153 départs. Il m’apparaît évident qu’il n’est pas le quart d’avenir à Ottawa, mais pour une phase transitoire de deux ou trois saisons, possiblement plus s’il demeure en santé, il constitue une option fiable. Tandis que Glenn comble l’aspect « expérience », le choix de Thomas DeMarco, qui occupait le poste de deuxième réserviste avec les Lions de la Colombie-Britannique, m’apparaît tout aussi intéressant. En raison des blessures à Travis Lulay et Buck Pierce, DeMarco a été lancé pas moins de six fois dans la mêlée comme partant la saison dernière, de sorte qu’il connaît bien les rouages du circuit même s’il en était seulement à sa deuxième campagne.

DeMarco est un quart mobile dont le style s’apparente à celui de Lulay. Je ne crois pas que ce soit un hasard que le Rouge et Noir soit allé piger dans la filière de Wally Buono, DG des Lions. Lorsqu’on observe le palmarès de Buono, on s’aperçoit qu'historiquement, plusieurs quarts ont été développés à même son organisation. Lulay est l’exemple le plus récent, mais durant ses années avec les Stampeders, Buono avait déjà l’œil pour trouver des généraux capables de produire dans la LCF, ayant notamment recruté Jeff Garcia et Dave Dickenson.

Bref, le Rouge et Noir n’a absolument pas à rougir de son nouveau duo de quarts-arrières. De toute évidence, Anthony Calvillo optera pour la retraite. Ainsi, on pourrait légitimement s’interroger à savoir qui d’Ottawa ou de Montréal est la mieux nantie à cette position. C’est inquiétant lorsqu’on prend en considération l’importance d’un quart-arrière au football canadien.

Lavoie a été surpris? Moi aussi!

Malgré les qualités athlétiques et le potentiel des joueurs réclamés au premier tour, ce sont surtout les deuxième et troisième rondes du repêchage d’expansion qui ont attiré mon attention, lundi. Ces 16 choix étaient consacrés aux athlètes canadiens, et lorsqu’on sait qu’il est obligatoire d’aligner 20 joueurs canadiens chaque match - dont sept partants - le talent local fait inévitablement la différence à un moment ou un autre. Après tout, les Américains, eux, sont disponibles dans une plus grande mesure.

Ces deux rondes ont été dominées par les joueurs de ligne. Le Rouge et Noir a voulu attaquer les tranchées, et c’est tout à fait louable comme stratégie, car c’est la manière la plus logique de bâtir un club. On s’est aussi assuré d’obtenir des joueurs dont les habiletés peuvent servir sur les unités spéciales.

Les Alouettes n’ont pas été épargnés, ayant perdu trois de leurs joueurs, dont le centre-arrière québécois Patrick Lavoie (les deux autres étant Moton Hopkins et Jordan Verdone). Lavoie n’a pas caché sa surprise d’avoir été omis de la liste de protection de Jim Popp, et je m’avouerai tout aussi étonné. Il était l’un des joueurs canadiens protégés lors de mon petit exercice de repêchage, mais il semblerait que j’aie vu des choses différentes de la haute direction des Alouettes.

Pour un jeune joueur québécois, c’est évidemment une nouvelle très décevante que de quitter Montréal. Cependant, Lavoie doit regarder de l’avant et se réjouir du fait qu’une organisation semble prête à lui offrir une réelle chance de s’établir dans sa planification offensive. D’ailleurs, ce sera quasiment impossible pour lui d’être moins utilisé qu’il l’était l’an dernier. Avec du recul, ses six attrapés pour 46 verges en 2013 me semblent des statistiques inconcevables après une campagne recrue somme toute très productive. C’est un dur rappel du fonctionnement du sport professionnel, et une occasion pour Lavoie de rebondir, en conservant la bonne attitude dans la déception. Le connaissant, je suis persuadé que Patrick se retroussera les manches. Véritable « couteau suisse » (c’est ainsi que je le surnomme), il rendra de fiers services à sa nouvelle équipe.

Pour ce qui est de Hopkins, il est un bon plaqueur qui a fait du boulot honnête avec l’équipe montréalaise. Étant donné les rumeurs qui envoient l’instructeur des secondeurs des Alouettes Mark Nelson avec le Rouge et Noir comme coordonnateur défensif, il est permis de se demander s’il n’a pas eu son mot à dire dans le choix de Desjardins.

Pour sa part, Verdone est le genre de joueur qui n’hésite pas à se salir les mains sur les unités spéciales. Il ne sera pas nécessairement un partant à la défensive, mais il connaît pleinement son rôle et peut offrir un bon coup de main.

L’effondrement (un autre!) des Cowboys

Je ne peux m’empêcher de commenter la saga monumentale qui se dessine à Dallas après une autre catastrophe au quatrième quart alors qu’on croyait les Cowboys confortablement installés devant les Packers de Green Bay. Pour l’équipe du Texas, une triste page d’histoire a été écrite, puisqu’elle n’avait jamais subi la défaite (fiche de 42-0) lorsqu’elle revenait de la mi-temps en avance par 20 points ou plus. Mon intervention n’a pas pour but de m’acharner sur Tony Romo, même si c’est bien lui qui a lancé ces deux coûteuses interceptions dans les dernières minutes de l’affrontement.

Ce qui me tracasse, c’est surtout le plan de match de Jason Garrett. Il a géré son équipe de façon irresponsable dans une situation délicate. Sachant que son unité défensive n’arrivait à contrer ni une ni l’autre des attaques au sol et aérienne de ses adversaires en seconde demie, il avait la responsabilité de protéger l’avance intelligemment, mission qu’il a échouée lamentablement. La principale préoccupation aurait dû être d’égrainer les secondes au chronomètre pour qu’en bout de ligne, les Packers arrivent à court de temps. DeMarco Murray, un porteur de ballon en pleine possession de ses moyens qui en a mis la plein la vue durant la rencontre, n'attendait qu'on lui refile le ballon.

Au-delà de la sélection des jeux, Garrett a aussi la responsabilité de connaître ses joueurs. Depuis le temps, personne ne doit lui rappeler que Romo a cette manie de cafouiller au quatrième quart. Cette fâcheuse habitude n’est pas seulement une perception, elle est bien réelle! Alors, pourquoi tenter le diable?

Le pilote des Cowboys a été tout aussi maladroit après la rencontre, spécifiant que le jeu choisi sur la dernière interception était initialement une course, mais que Romo avait changé la formule en voyant la défensive de Green Bay alignée pour stopper le jeu au sol. Parions toutefois que le quart avait le feu vert des entraîneurs pour modifier le jeu selon sa lecture à la ligne de mêlée. La vérité, c’est que même si les Packers y allaient le tout pour le tout avec un front défensif imposant, le gain importait peu comparativement aux secondes écoulées au cadran, d’autant plus qu’une course réduit de beaucoup les risques de créer un revirement. Garett aurait au moins pu protéger son joueur le plus important devant les médias, mais il ne l’a pas fait. Ça ne fait qu’alimenter le cirque médiatique qui entoure l’équipe.

Il reste deux semaines au calendrier de la NFL avant les séries éliminatoires et plusieurs places demeurent à l’enjeu pour l’après-saison. Pour une deuxième semaine d’affilée, nous avons eu droit à des scénarios improbables. Des huit équipes en tête de leur division respective, pas moins de six ont été défaites dans les derniers jours. Seuls les Seahawks de Seattle et les Colts d’Indianapolis ont remporté leur duel respectif parmi les meneurs de section. Et pourtant, rares sont les clubs qui ont profité de cette baisse de régime, alors que les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, les Lions de Detroit et les Cowboys, pour ne nommer que ceux-là, ont bousillé une belle opportunité d’améliorer leur sort.

*Propos recueillis par Maxime Desroches